La France, pays rural par excellence, comptait, au début de l’année dernière, 34 955 communes (dont 49,6% de moins de 500 habitants), c’est-à-dire largement plus que dans les autres nations d’Europe de l’Ouest (entre 8 et 12 000 par pays). Partant de ce constat, le législateur a d’abord tenté de favoriser les regroupements de communes avec la loi Marcellin de 1971, ce qui, par la suite, s’est révélé être un échec cuisant avec seulement 850 fusions observées.
Cette logique peu soucieuse du principe de subsidiarité a donc été abandonnée au profit du développement de l’intercommunalité.
Même si les premiers syndicats de communes ont vu le jour en 1890 et les premières communautés urbaines dans les années 60 c’est la loi Chevènement de 1999, qui crée l’organisation toujours en vigueur aujourd’hui.
Une strate supplémentaire au sein du millefeuille territorial français…
Les établissements publics de coopérations intercommunaux (EPCI) se divisent schématiquement en deux catégories. La première et la plus ancienne est celle fondée sur l’association des communes et comprend les syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU), chargés d’une seule mission, souvent la collecte des déchets, et les syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM), qui en gèrent plusieurs. Il existe également des syndicats mixtes où peuvent s’associer différentes formes de collectivités (dont les EPCI) tels que les pays, les Pôles métropolitains ou les PETR (Pôles d’équilibre territorial et ruraux). Depuis 2015, le nombre de syndicats communaux est en baisse, passant de 13 000 à environ 9000.
Par souci de clarté et parce qu’ils participent plus intensément à la logique d’intercommunalisation, le présent article se limite aux autres types d’EPCI dits à fiscalité propre et qui, à ce titre, perçoivent le produit ou une partie du produit des impôts affectés aux communes.
Au sein de cette catégorie, on retrouve les communautés de communes (de 15 à 50 000 habitants), les communautés d’agglomération (de 50 à 250 000 habitants, avec une ville-centre de plus de 15 000 habitants), les communautés urbaines (entre 250 000 et 400 000 habitants) et enfin les métropoles (plus de 400 000 habitants). Notons que les métropoles du Grand Paris, d’Aix-Marseille et de Lyon possèdent un statut sui generis et doivent être étudiées à part.
La logique primaire de l’intercommunalisation comprenait notamment l’idée louable de disposer d’une structure possédant une taille critique, pour mener à bien des projets de territoires d’envergure, tout en demeurant connectés à ceux-ci et en réalisant, qui plus est, des économies d’échelle via la mutualisation des services communaux.
Dans un premier temps, l’émiettement communal a fait place à l’émiettement intercommunal, au niveau des petites communautés de communes notamment, dont le plancher, initialement fixé à 5 000 habitants, a été relevé à 15 000 par la loi NOTRE. Aussi, après avoir atteint le chiffre de 2 573 en 2006, le nombre d’EPCI à fiscalité propre est redescendu à 1 254 (pour une taille moyenne de 55 000 habitants) actuellement.
Pourtant, malgré ce resserrement, la mutualisation des moyens, lorsqu’elle a eu lieu, n’a pas permis de générer les économies d’échelle escomptés.
… source d’une augmentation de la dépense publique locale
Si les EPCI possèdent des compétences obligatoires, fixées par la loi, et qui vont crescendo en fonction de leur taille, en sus de leurs compétences facultatives (comme celle de la maîtrise du plan local d’urbanisme pour 52 % d’entre eux par exemple) que peuvent leur déléguer les communes, le transfert des services administratifs et des ressources correspondantes n’est, quant à lui, pas obligatoire, ce qui peut fréquemment mener à des situations de doublons. Dans le cas de la compétence tourisme, par exemple, la loi autorise une commune à conserver son office de tourisme, même si cette compétence a été transférée à l’échelon intercommunal.
Comme le relève la Cour des Comptes, la recherche systématique d’égalité entre les communes s’est faite au détriment de l’efficacité : en clair, les susceptibilités ont été ménagées mais le service ne s’est pas amélioré.
D’une manière générale, puisque les compétences ont été transférés des communes vers les EPCI, chacun pourrait penser que la dépense publique locale aurait pu évoluer de manière neutre : il n’en est rien et entre 2015 et 2021 les dépenses de fonctionnement des EPCI ont crû de 25,09 % (de 30,1 à 37,7 Mds€) quand celles des communes ont, malgré cela, augmenté de 0,93 % (de 73,9 à 74,6 Mds€).
Pendant cette même période, les dépenses de personnel des EPCI ont littéralement explosé à +35,6 % (de 222 000 à 271 000 effectifs) et celles des communes n’ont pas diminué avec une progression de 5,4%.
Pire, depuis 2004, les dépenses totales des EPCI à fiscalité propre ont doublé, quand celles des communes n’ont augmenté que d’un quart (c’est-à-dire en dessous du niveau de l’inflation qui s’établit en cumulé à 32,9 %) ainsi qu’illustré par le graphique de la FIPECO ci-après :
L’étude du mouvement d’inter communalisation est donc riche d’enseignements, s’agissant de l’observation de l’efficience de la dépense publique locale : d’abord, un couple région\EPCI pour contourner le conseil départemental a été instauré, mais sans acter la suppression de ce dernier et ne permettant pas la baisse de la dépense publique locale. Même si le seuil de création d’une communauté de communes a été relevé, nombre de celles-ci ne pourraient se substituer au conseil départemental. Aussi faut-il recommander de relever encore une fois ce seuil et de supprimer les conseils départementaux, en répartissant leurs compétences vers l’échelon local le plus adéquat.
Certes, le « pacte de confiance », inclus dans le projet de loi de programmation des finances publiques, voulu par le Gouvernement, réclame aux collectivités une hausse de leurs dépenses contenue à un niveau inférieur de 0,5% à l’inflation ; mais cela est-il vraiment suffisant à l’heure où les OAT (obligations assimilables au trésor) françaises dépassent les 3 % de taux d’intérêt et que son renchérissement d’un point supplémentaire, selon le directeur de la Banque de France, coûterait 40 Mds€ supplémentaires par an au contribuable ?
Article écrit par Romain Delisle avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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