L’internet des corps peut être considéré comme un sous-ensemble de l’internet des objets (IoT). Il met en réseau des objets placés à l’intérieur ou sur des corps humains ou animaux, qui les surveillent, collectent des quantités de données et peuvent agir sur leur environnement ou même sur le corps lui-même.
L’Internet des objets est un ensemble d’appareils et d’objets en réseau qui communiquent entre eux par des moyens numériques. Cependant l’Internet des corps inclut aussi le corps humain dans sa mise en réseau technologique – une sorte d’extension de l’Internet des objets.
Extension du corps humain
Le journaliste économique et auteur Ernst Wolff divise l’évolution en trois phases.
Tout a commencé avec des appareils externes, les « wearables », c’est-à-dire des instruments que l’on porte sur soi, comme par exemple les montres intelligentes ou les trackers de fitness. Ils permettent de collecter et de traiter les données générées par le corps.
La deuxième phase est marquée par l’introduction d’appareils dans le corps, comme les stimulateurs cardiaques implantés, les prothèses auditives ancrées dans l’oreille (« implants cochléaires ») ou encore les pilules équipées de capteurs, qui peuvent collecter des données et les transmettre à des smartphones, des tablettes ou au réseau WLAN.
Dans une troisième phase, des interfaces dites « neuro-computées » viendraient s’ajouter, permettant aux appareils électroniques de déclencher certains processus dans le corps et de transmettre les données ainsi obtenues à l’extérieur. Ces interfaces fonctionnent également dans le sens inverse, c’est-à-dire qu’elles permettent des interventions commandées de l’extérieur dans les fonctions corporelles.
Un marché international en pleine croissance
Cette évolution décrite par Ernst Wolff se reflète dans un marché en pleine croissance.
Près d’un milliard de personnes dans le monde utilisent déjà des produits portables, c’est-à-dire des montres montres connectées et des trackers de fitness. La demande de tels produits ne cesse de croître, notamment grâce à l’introduction de la technologie 5G. Si le réseau 4G pouvait supporter environ 4000 appareils sur un environnement donné, la 5G le permet pour un million d’appareils.
Selon le portail de données Statista, le chiffre d’affaires s’élèverait à plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les pays européennes avec un taux de croissance annuel de plus de12%. En comparaison mondiale, la plus grande partie du chiffre d’affaires est attendue aux États-Unis avec 161,80 milliards d’euros pour 2023.
Le transhumanisme rencontre l’Internet des corps
Le concept d’ « Internet des corps » se réfère en particulier à la mise en réseau d’appareils médicaux, de données de santé et d’informations biologiques qui communiquent entre eux par Internet. Ses partisans vantent, dans le domaine de la santé, le grand potentiel de personnalisation des soins aux patients pour la prévention des maladies.
Dans un Ted Talk datant de 2021, Mary Lee, une chercheuse du think tank américain Rand Corporation, parle des « avantages » passionnants de l’Internet des corps. Son exemple est celui d’un homme dont la montre connectée, qui enregistre ses paramètres vitaux tels que la respiration et le rythme cardiaque, prévient automatiquement un ambulancier dès les premiers symptômes d’irrégularités cardiaques. Il peut ainsi être sauvé, et se voir implanter un défibrillateur, auquel son médecin a également accès depuis son cabinet.
Plus performant et plus efficace grâce aux puces intégrées
La scientifique esquisse ensuite l’avenir d’un homme qui s’est fait implanter sept micropuces sous la peau, « parce qu’il le peut ». Grâce à elles, il se rend le quotidien plus confortable, par exemple avec les ouvertures automatiques de portes. Cela fait partie du progrès selon elle « […] parce que ces technologies n’améliorent pas seulement notre santé, mais peuvent aussi nous rendre plus performants, plus efficaces et plus productifs, et rendre notre vie plus confortable ». Il y a certes encore des questions en suspens sur la sécurité, la protection des données, l’éthique et autres, mais les appareils sont déjà en passe de devenir courants et feront bientôt partie intégrante de notre vie.
La chercheuse nous prépare ainsi à l’avenir : les lentilles de contact nous indiquent la météo ainsi que le nom et le titre de la personne que nous allons rencontrer. Nous contrôlerons notre smartphone avec les yeux, nous nous ferons téléporter des vidéos sur les yeux et nous transplanterons même un assistant personnel dans notre cerveau. Il pourrait y avoir une interface cerveau-ordinateur « qui tape automatiquement vos mots quand vous les pensez ».
Le « Far West » des données
Le fait que « d’énormes quantités de données soient collectées et que les règles concernant ces données soient vraiment opaques » est déploré par la scientifique, dans une étude publiée par la Rand Corporation, qu’elle qualifie de « Far West » juridique, car la plupart du temps, « on ne sait absolument pas à qui appartiennent les données, comment elles sont utilisées et même à qui elles peuvent être vendues ».
Le problème de l’utilisation des données n’est toutefois qu’une partie de la critique : l’Internet des corps est directement lié au transhumanisme, à l’augmentation ou à l’ « amélioration » de l’homme par des machines. Les transhumanistes veulent, à l’aide de la technologie, augmenter leurs capacités et dépasser les limites de l’homme biologique, jusqu’à la fusion complète de l’homme et de la machine ; et jusqu’à l’immortalité. Des entrepreneurs comme Elon Musk travaillent déjà à la fabrication d’implants de puces qui combinent les ondes cérébrales humaines avec l’intelligence des machines.
Privé du droit d’être un être humain
« En fin de compte, l’objectif de ‘l’Internet des corps’ est de transformer l’homme en quelque chose d’autre. Il s’agit de priver l’homme de son autonomie fondamentale et de son droit à rester un être humain », critique le Dr Joseph Sansone. Selon Sansone, il s’agit d’une escroquerie transhumaniste visant à asservir l’humanité :
« Imaginez un monde dans lequel l’homme n’a plus d’autonomie personnelle. Un monde dans lequel les processus biologiques sont constamment surveillés, sans aucune intimité. Imaginez un monde dans lequel les pensées sont transplantées dans votre tête. Imaginez un monde dans lequel un infarctus du myocarde peut être déclenché de l’intérieur via Internet. Bref, imaginez un monde dans lequel vous serez tout simplement exclu de la vie si vous n’obéissez pas ».
La porte vers une surveillance efficace
L’ « Internet des corps » est promu via l’objectif du ‘Grand Reset’ par le Forum économique mondial (WEF). Le président du WEF, Klaus Schwab, a constaté à ce sujet : « La caractéristique la plus importante de la quatrième révolution industrielle n’est pas que nous changeons ce que nous faisons – mais que nous nous changeons nous-mêmes ! »
Dans son rapport « Connecting our bodies » (« Connecter nos corps »), le WEF écrit :
« Pour les professionnels de la santé, l’Internet des corps ouvre la porte à une nouvelle ère de surveillance et de traitement efficaces ». Ainsi, la US Federal Drug Administration aurait approuvé en 2017 la première utilisation de pilules numériques aux États-Unis. Les pilules numériques contenaient de minuscules capteurs ingérables ainsi qu’un médicament. Une fois avalé, le capteur situé dans l’estomac du patient est activé et transmet des données à son smartphone ou à d’autres appareils. On peut lire plus loin sur la page du Forum économique mondial :
« Parallèlement, les données de l’internet des corps peuvent être utilisées pour faire des prévisions et tirer des conclusions qui peuvent avoir un impact sur l’accès d’une personne ou d’un groupe aux ressources telles que les soins de santé, l’assurance et l’emploi ». En clair, cela signifie que les données pourraient être utilisées pour prendre des décisions concernant les traitements médicaux ou l’admission à l’hôpital, ou encore pour déterminer si une personne obtiendra un emploi.
Les humains, « des animaux qui peuvent être piratés »
Le site web du WEF affirme que l’Internet des corps pourrait « finalement remettre en question la manière dont nous pensons à notre corps et ce que signifie être un être humain ». Dans une interview accordée à CNN en novembre 2019, Juval Noah Harari, auteur de best-sellers et philosophe attitré du WEF, affirme que l’époque où nous pensions avoir une âme et un libre arbitre est définitivement révolue et que les humains sont désormais des « animaux qui peuvent être piratés ».
« Le piratage informatique » dans le contexte de l’Internet des corps fait référence à la manipulation non autorisée ou malveillante de dispositifs ou de données IoB. Il pourrait s’agir de falsifier des informations, de prendre le contrôle d’un appareil implanté, de voler des données ou d’en abuser. Dans le cas de l’Internet des objets, y compris l’Internet des corps en général, la possibilité de portes d’entrée et donc le risque de se faire pirater augmentent avec l’extension et le degré d’interconnexion.
Eleonore Pauwels du think tank « Wilson Center » avait déjà donné il y a cinq ans un aperçu de ce qui attendait l’homme à l’ère de l’Internet des corps. À l’avenir, tous les aspects de notre vie seront calculés : « Ce que nous mangeons, les personnes que nous rencontrons, ce que nous achetons sur Internet, la quantité d’énergie que nous consommons, mais aussi l’état de nos valeurs vitales. Dans quelle mesure vous sentez-vous bien en termes de santé ? Quelles sont vos caractéristiques génétiques spécifiques ? Quel est votre génome ? Cela me renseigne sur votre santé, sur votre santé mentale, sur votre état de santé, sur le type de maladies auxquelles vous êtes prédisposé ».
Ce sont uniquement de bonnes intentions : la collecte de données pour lutter contre les pandémies
Depuis juin 2020, on peut lire sur le site web du WEF : « Nous entrons dans l’ère de ‘l’Internet des corps’ : nous collectons nos données physiques via une série de dispositifs qui peuvent être implantés, avalés ou portés. Il en résulte une énorme quantité de données liées à la santé qui pourraient améliorer le bien-être des gens dans le monde entier et s’avérer cruciales dans la lutte contre la pandémie COVID-19 ».
La situation devient problématique lorsque le port d’une puce pour le contrôle, le stockage et la transmission de données et l’identification des personnes devient une norme ou une obligation à laquelle il est difficile de se soustraire en raison de pressions économiques, politiques ou sociales. Car c’est précisément à l’époque du Covid, lorsque l’État s’apprêtait à prendre des décisions concernant le corps des personnes, que ce n’était plus ce dernier ou le médecin qui devait être compétent, qui a montré que le droit fondamental de l’homme à l’intégrité de son corps avait été bafoué et n’était déjà plus valable depuis longtemps.
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