Deux directeurs d’école ont été mis en examen pour non dénonciation de mauvais traitements dans le cadre de l’enquête sur la mort d’une fillette de trois ans à Conches-en-Ouche (Eure) en septembre dernier, a-t-on appris lundi auprès du parquet.
Cette mise en examen vise « la directrice de l’école maternelle où était scolarisée la petite fille ainsi que le directeur de l’école primaire où était scolarisé son grand frère (âgé de six ans), lui aussi victime de maltraitance », a précisé à l’AFP le procureur de la République d’Évreux, Rémi Coutin.
Les deux mis en cause avaient été placés en garde à vue le 7 décembre avant d’être mis en examen et placés sous contrôle judiciaire « avec interdiction d’entrer en contact avec les autres mis en examen dans ce dossier ». Fin septembre, la mère et le beau-père de la petite fille avaient déjà été mis en examen pour meurtre sur mineur et incarcérés pour ces faits.
« Violences difficilement soutenables »
La fillette était décédée après son arrivée au CHU de Rouen en pleine nuit le 24 septembre, malgré l’intervention des secours au domicile familial à Conches-en-Ouche. Elle portait de multiples hématomes d’âges différents sur « le visage, les quatre membres, le thorax, le dos, le pubis », avait à l’époque précisé M. Coutin.
« Ni la gendarmerie, ni la justice, ni les services de l’aide sociale à l’enfance n’avaient été informés » des « violences difficilement soutenables » subies par la petite fille, avait dit le magistrat. « Nous avons estimé, avec le juge d’instruction, qu’il y avait suffisamment d’éléments pour mettre en examen » les deux directeurs d’école concernés, a souligné lundi le procureur d’Évreux.
Une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende
« La directrice d’école a reconnu en garde à vue qu’elle s’était dit qu’il fallait faire un signalement mais qu’elle ne l’a pas fait, notamment parce qu’elle n’en avait pas le temps. Le directeur, lui, conteste sa responsabilité », a-t-il ajouté. Ils encourent chacun une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.
Sollicité par l’AFP, le rectorat de Normandie confirme « que les deux fonctionnaires sont suspendus. Une enquête administrative sera diligentée par le rectorat lorsque l’enquête judiciaire sera suffisamment avancée ».
L’enquête judiciaire a non seulement pour but d’éclaircir les responsabilités respectives de la mère et du beau-père de la victime mais aussi des tiers qui auraient pu avoir connaissance des violences subies par les enfants et manqué de les dénoncer.
Un drame de l’isolement, du mal-logement, de l’addiction
Une amie du couple avait notamment « vu l’enfant plusieurs jours avant les faits et a souhaité faire un signalement au 119 » mais « cet appel n’aurait pas abouti » faute d’opérateurs, avait déclaré M. Coutin lors d’une conférence de presse quelques jours après les faits.
Le procureur avait raconté comment « dans un mécanisme assez abject mais classique de ce type de violences, le couple » justifiait ces violences, débutées à l’hiver 2022-2023, en expliquant « que la fillette se blessait toute seule lors de crises de colère et de chutes ».
Le beau-père de 29 ans, sans profession, avait par la suite reconnu s’être déjà livré par le passé à « des bousculades, des étranglements jusqu’à convulsion et plusieurs pertes de connaissance de l’enfant ». La mère, 27 ans, également sans emploi, a pour sa part admis avoir donné « des gifles » à sa fille.
Le couple était connu de la justice : elle a été condamnée en 2020 pour une affaire de stupéfiants, son compagnon était uniquement connu pour des infractions routières.
« On est dans un drame de l’isolement, du mal-logement, de l’addiction. Ils vivaient dans le dénuement le plus total », avait déclaré en septembre Jérôme Pasco, maire de cette commune normande de 5.000 habitants. Interrogé lundi par l’AFP sur la mise en examen des deux directeurs d’école de sa commune, il s’est refusé cette fois à tout commentaire.
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