L’Italie s’associe à l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route» en dépit des inquiétudes

Par Frank Fang
25 mars 2019 18:22 Mis à jour: 6 avril 2021 16:39

Le 23 mars dernier, l’Italie a donné son accord au controversé programme chinois de projets d’infrastructure « One Belt, One Road – OBOR » (la Ceinture et la Route), souvent qualifié de « la nouvelle route de la soie », malgré les préoccupations au sein même du gouvernement italien, ainsi que des États-Unis et de l’Union européenne.

Les deux pays ont scellé leur entente au moyen d’un protocole d’accord signé, lors d’une cérémonie à laquelle assistaient le dirigeant chinois Xi Jinping et le Premier ministre italien Giuseppe Conte.

L’Italie est le premier pays du Groupe des sept grandes puissances (G7) à se joindre à l’initiative de la Chine, et le second des principaux pays d’Europe occidentale à le faire (après le Portugal).

Le gigantesque programme des « nouvelles routes de la soie » lancé en 2013 est financé par la Chine. Il est effectué en Asie, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, et prévoit une immense « ceinture » terrestre par rail et route en Asie, doublée d’une « route » maritime permettant à la Chine de rejoindre l’Afrique et l’Europe par la mer. Il inclut la construction de routes, ports, lignes de chemins de fer, parcs industriels et réseaux d’énergie et de télécommunications, couvrant environ 70 pays et plus de deux tiers de la population mondiale.

Les critiques estiment que l’initiative impose aux pays en développement de lourdes dettes qu’ils ne peuvent rembourser. De plus, les États-Unis et plusieurs autres pays occidentaux craignent qu’il ne s’agisse d’une stratégie pour renforcer l’influence militaire de la Chine et inonder l’Occident avec ses technologies d’espionnage.

Au cours de la cérémonie, une trentaine d’autres accords ont également été signés. Selon le vice-premier ministre italien Luigi Di Maio, qui dirige également le grand parti populiste « Mouvement 5 étoiles » de la coalition gouvernementale italienne, la valeur totale de ces transactions est initialement estimée à 2,5 milliards d’euros, avec un potentiel de 20 milliards d’euros.

Bon nombre de ces accords impliquaient des entreprises italiennes et leurs homologues chinois. Par exemple, le prêteur public italien Cassa Depositi e Prestiti a signé un accord avec la Banque de Chine, gérée par l’État chinois, lui permettant de vendre des obligations libellées en yuans et émises par des institutions étrangères à des investisseurs en Chine continentale.

La société italienne d’ingénierie énergétique Ansaldo Energia et China United Gas Turbine Co. – appartenant à l’entreprise d’État chinois State Power Investment Corp., ont signé un accord de collaboration technologique dans le domaine des turbines à gaz à haut rendement.

La société d’État chinoise China Communications Construction Co. (CCCC) a signé deux accords de coopération avec les autorités portuaires de Gênes (le plus grand port d’Italie), et de Trieste.

À Gênes, les Chinois participeront au développement du port maritime, selon l’agence italienne ANSA, tandis qu’à Trieste, la CCCC développera les liaisons ferroviaires reliant le port à l’Europe centrale et orientale.

Malgré la cérémonie de signature donnée en grande pompe, il y a eu un net désaccord au sein de la coalition dirigeante italienne sur l’adhésion du pays à l’OBOR.

Matteo Salvini, vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur italien, qui dirige la Ligue des partis de droite, était absent du dîner d’État avec Xi Jinping au Palais du Quirinal le 22 mars et de la cérémonie de signature un jour plus tard.

Matteo Salvini avait déjà martelé que l’Italie ne serait « la colonie de personne », a rapporté l’AFP. Et récemment, lors d’une conférence économique locale, M. Salvini a ouvertement souligné que le marché libre n’existe pas en Chine, a souligné le site d’information italien News Mondo.

« Nous voulons être prudents lorsqu’il s’agit de la sécurité nationale, de nos données et de notre énergie, si nous amenons nos entrepreneurs en Chine », a-t-il déclaré.

Le 9 mars, Guglielmo Picchi, sous-secrétaire aux Affaires étrangères de l’Italie, a également exprimé ses inquiétudes sur Twitter au sujet d’OBOR en demandant un examen plus approfondi de ces accords.

Préoccupations européennes

Le quotidien allemand Der Tagesspiegel, dans un éditorial publié à l’issue de la cérémonie de signature, a déclaré que tous ces accords « ne correspondent pas vraiment à la politique de ‘l’Italie d’abord’ menée par le gouvernement [italien] ».

Lucrezia Poggetti, chercheuse à l’Institut Mercator d’études chinoises à Berlin, a exprimé ses doutes lors d’un entretien avec Der Tagesspiegel. Selon elle, un gouvernement ne va pas recevoir un soutien économique de Pékin simplement parce que les dirigeants chinois ont été contents, en faisant référence à l’« accueil impérial » offert à Xi Jinping en Italie.

Mme Poggetti a ajouté que les accords signés par l’Italie permettent à l’initiative controversée OBOR de gagner en « légitimité ». Selon Der Tagesspiegel, les projets d’OBOR « manquent souvent de transparence, de normes internationales, de garanties de protection de l’environnement, de conditions de concurrence équitables et d’appels d’offres publics ».

L’Italie rompt également avec ses partenaires historiques, tels que la France et l’Allemagne, qui sont sceptiques quant à l’initiative OBOR, a déclaré Mme Poggetti.

Le 12 mars, la Commission européenne a qualifié Pékin de « rival systématique » dans un rapport sur les relations UE-Chine. Le rapport souligne que, pour avoir accès au marché chinois, les entreprises de l’UE doivent au préalable satisfaire à de « pénibles exigences », tel que le transfert de technologies clés à leurs homologues chinois dans le cadre des coentreprises.

Dans la période précédant la signature, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont exprimé leur crainte que l’accord ne compromette la sécurité nationale de l’Italie.

Macron a déclaré qu’il reconnaissait qu’il y avait une divergence d’opinions au sein de l’UE, tandis que le fait de laisser des entreprises chinoises acheter des infrastructures européennes, telles que des ports, était une « erreur stratégique ».

« La période de la naïveté européenne est révolue », a réagi Macron lors d’une conférence de presse le 22 mars.

« Les relations entre l’UE et la Chine ne doivent pas être avant tout des relations commerciales, mais des relations géopolitiques et stratégiques », a-t-il précisé.

La Chine a eu depuis des années un accès presque sans entraves aux marchés de l’UE. Face aux pratiques déloyales du régime chinois, les dirigeants de l’UE envisagent de prendre des mesures plus sévères envers ce régime lors du sommet UE-Chine prévu le 9 avril prochain.

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