Que peut faire efficacement l’Occident par rapport aux trois navires de la marine ukrainienne et de leurs 23 marins qui se sont récemment fait tirer dessus et ont été arrêtés par les garde-côtes russes ?
La saisie dans le détroit de Kertch des navires ukrainiens en transit depuis Odessa – le principal port d’exportations de l’Ukraine – à travers la mer Noire et autour de la Crimée, n’est que le dernier exemple d’agression russe contre son voisin.
En vertu d’un traité conclu en 2003 entre les deux pays, le détroit de Kertch et la mer d’Azov sont des eaux territoriales communes. Cependant, la Russie a récemment commencé à inspecter tous les navires à destination ou en provenance des ports régionaux de l’Ukraine. Le Kremlin a également bloqué 144 navires ukrainiens, qui sont trop grands pour pouvoir passer sous un pont que Moscou a construit plus tôt cette année à travers le détroit de Kertch – la seule sortie de la mer intracontinentale d’Azov.
Quand la Russie utilise la violence contre l’un de ses voisins, Vladimir Poutine dit invariablement : « Ce n’est pas nous qui avons commencé. » Cela s’est produit après la guerre russo-géorgienne de 2008 et l’invasion de la Crimée par ses forces spéciales en 2014.
Pour les Ukrainiens, il n’y a aucun doute que Poutine cherche à les punir pour diverses raisons, notamment pour leurs récentes mesures visant à rétablir l’indépendance ecclésiastique de l’Église orthodoxe ukrainienne, pour avoir établi irréfutablement que la famine de 1932-1933 en Ukraine – l’Holodomor – était un génocide et pour avoir officiellement déclaré la Russie comme État agresseur.
Il n’y a pas de doute qu’un autre objectif de Moscou était de chercher à influencer les prochaines élections en Ukraine en donnant à son président sortant une image d’impuissance face à l’agression russe.
Poutine veut aider Rinat Akhmetov, l’un des principaux oligarques provenant de Donbas séparatiste et dont la richesse personnelle repose en grande partie sur les entreprises qu’il y possède, ainsi que d’autres membres du camp « réaliste » qui forme le bloc de l’opposition au Parlement ukrainien. Ceci dans le but de faire pression sur l’Ukraine pour régler le conflit avec la Russie en abandonnant la Crimée au Kremlin et en faisant d’autres concessions à Moscou en échange de la paix.
Selon Jars Balan, responsable des études ukrainiennes à l’Université de l’Alberta, les tergiversations du Kremlin au sujet de la saisie des navires ukrainiens s’accordent avec « son insistance antérieure sur le fait que ce n’était pas un missile russe qui avait abattu le vol MH 17 de Malaysia Airlines au-dessus du territoire ukrainien… ou qu’il n’a rien à voir avec l’assassinat d’un nombre croissant de critiques du régime Poutine ; ou que la guerre en cours dans la région ukrainienne de Donbas n’est pas financée, approvisionnée, partiellement complétée en personnel et dirigée depuis Moscou, et que les habitants de la Crimée ont librement voté en faveur de la prise de contrôle furtive et de l’annexion de leur péninsule ».
Poutine veut mettre fin aux efforts de l’Ukraine visant à adopter des pratiques de gouvernance similaires à celles des autres démocraties européennes. De nombreux observateurs internationaux ont déjà observé ses tentatives de faire basculer les élections tenues en novembre-décembre 2004 en Ukraine en faveur du kleptocrate Viktor Ianoukovitch.
Poutine veut que le Kremlin puisse dicter à l’Ukraine sa politique intérieure dans des domaines tels que l’économie, la culture, la langue et l’éducation et, surtout, déterminer sa politique étrangère, en particulier pour l’empêcher de rejoindre l’OTAN.
Anders Rasmussen, ancien premier ministre du Danemark et secrétaire général de l’OTAN jusqu’en 2014, a déclaré : « L’agression de la Russie dans la mer d’Azov doit cesser immédiatement… Les actions illégales de Moscou doivent susciter une réaction internationale vigoureuse. Poutine ne réagit qu’à la force… L’Ukraine doit faire preuve de retenue dans la zone de conflit et résister encore plus vigoureusement à d’autres provocations russes.
« En même temps. Kiev devrait faire pression sur ses partenaires américains et européens non seulement pour qu’ils condamnent l’agression russe, mais aussi pour qu’ils imposent des coûts réels à la Russie. » Cela pourrait impliquer la suspension d’une ou plusieurs banques russes finançant le secteur militaire des systèmes de paiement internationaux.
Aujourd’hui, de nombreux Canadiens s’interrogent sur la collaboration continue du Canada avec la Russie dans le domaine de l’exploration spatiale. Andy Semotiuk, leader de la communauté canado-ukrainienne a déclaré : « C’est la Russie qui vient d’aider à détruire la Syrie… c’est son invasion de l’Ukraine en Crimée qui a violé les accords internationaux… tuant environ 10 000 personnes… tout en déplaçant 1,7 million d’Ukrainiens… Je ne suis pas contre le peuple russe. Je m’oppose seulement à travailler avec le gouvernement russe. »
Une leçon tirée de la crise des missiles de Cuba de 1963 pourrait également être applicable à l’avenir. Conscient, d’après les photos aériennes, que la Russie installait des missiles balistiques à Cuba, le président John Kennedy a mis en place un blocus naval pour empêcher l’arrivée d’autres navires de guerre russes transportant des têtes nucléaires et des missiles.
Après son discours télévisé, Kennedy ne savait pas ce que Khrouchtchev allait faire, mais il est resté ferme alors que les navires russes se dirigeaient vers la ligne rouge qu’il avait tracée dans l’océan Atlantique. Presque à la dernière heure, Khrouchtchev a accepté de faire marche arrière et a ensuite retiré tous les missiles de Cuba.
Le taux d’approbation de Poutine parmi les Russes a fortement baissé et se situe aujourd’hui autour de 60 % pour diverses raisons, notamment le relèvement de cinq ans de l’âge de la retraite pour les hommes et l’utilisation des fonds de pension pour financer l’annexion de la Crimée.
La réponse de l’Occident devrait éviter de lui permettre d’accroître sa popularité grâce à la démonstration de la force vis-à-vis de l’Occident. La première étape la plus efficace pourrait consister à renforcer les sanctions sur quelque 150 oligarques russes. D’autres mesures pourraient être ajoutées si l’Ukraine ne dispose pas rapidement d’un accès sans entrave à ses ports de la mer d’Azov et de la mer Noire.
David Kilgour
David Kilgour, avocat de profession, a été pendant presque 27 ans député au Parlement du Canada. Il a également servi dans le gouvernement canadien aux postes de Secrétaire d’État (Afrique et Amérique latine) et de Secrétaire d’État (Asie-Pacifique) et a été sélectionné pour le prix Nobel de la paix 2010. Il est l’auteur de plusieurs livres et coauteur, avec David Matas, du livre Bloody Harvest: The Killing of Falun Gong for Their Organs.
Le point de vue exprimé dans cet article est celui de son auteur et ne reflète pas nécessairement celui d’Epoch Times.
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