Portées par l’accélération des achats en ligne lors de la crise sanitaire, les plateformes logistiques fleurissent aux portes des villes ou près des grands axes routiers, avec des entrepôts parfois gigantesques, générateurs de croissance économique mais aussi de grincements de dents chez certains riverains.
« Réseau sanguin » de l’économie, sans qui « rien n’est possible », selon l’association des acteurs de l’immobilier logistique Afilog, la logistique française représente 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires, près de deux millions d’emplois et 87 millions de mètres carrés d’entrepôts.
Longtemps à la traîne, la demande française s’est fortement développée depuis cinq ans dans ce secteur, malgré un ralentissement en 2022, « contribuant à la très forte augmentation de l’immobilier logistique », souligne un rapport de Terra Nova paru en octobre.
« Trois fois plus de surface que la vente en magasin »
De fait, l’e-commerce nécessite « trois fois plus de surface que la vente en magasin », explique Cécile Tricault, directrice générale Europe-Sud chez le promoteur Prologis.
Aller chercher un tee-shirt dans une palette de 500, l’emballer et l’expédier nécessite des entrepôts plus gourmands en foncier. Le traumatisme des ruptures d’approvisionnement pendant le Covid a aussi joué en faveur des stocks de sécurité.
Pour se rapprocher de leurs consommateurs, des entrepôts ont poussé un peu partout, même si la « dorsale » Lille – Paris – Lyon – Marseille, qui concentre historiquement l’essentiel des activités, continue de s’étendre.
« Comme le foncier devient rare et cher près des métropoles, des zones logistiques ont émergé au milieu de nulle part », observe François Le Levier, du cabinet CBRE, avec des entrepôts qui ont triplé de taille en dix ans, à plus de 150.000 m2 pour les plus gros.
Mais comme l’entrepôt a mauvaise presse, « accusé de paupériser l’emploi et de générer du trafic de camions, les permis sont régulièrement attaqués », ajoute-t-il.
En deux ans, le géant américain du secteur Amazon a ainsi dû renoncer à plusieurs projets, à Nantes, Rouen ou dans le Gard. Selon un porte-parole interrogé par l’AFP, le groupe, qui compte 37 sites en France, étudie « régulièrement de nouvelles opportunités pour développer un réseau de proximité ». Il assure privilégier la réhabilitation d’infrastructures existantes et les bâtiments en hauteur.
L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, qui vise à limiter l’étalement urbain, a par ailleurs accentué la compétition sur le foncier. Et même si la logistique représente moins de 1% de l’artificialisation, les méga-entrepôts sont particulièrement visibles et souvent concentrés au même endroit.
Une « hausse de 30% à 50% du prix du foncier »
À Illiers-Combray (Eure-et-Loir), le Combray d’« À la recherche du temps perdu » de Proust, le projet « Mountpark » prévoit trois plateformes pour un total de 270.000 mètres carrés sur 60 hectares de terres autrefois agricoles.
« C’est une mini-ville qui se construit, un projet d’arrière-garde qui conduit à transporter toujours plus de marchandises mondialement, détruit de l’emploi local et artificialise des terres céréalières de manière démente », fustige Quentin Guillemain, de Génération Écologie.
Michel Géray, agriculteur retraité, dénonce lui une « hausse de 30% à 50% du prix du foncier ». « On nous demande de désintensifier l’agriculture, donc moins produire à l’hectare, alors il ne faut pas nous enlever des hectares », prévient-il.
Mais pour Philippe Schmit, président de la communauté de communes, Mountpark est une aubaine pour l’emploi avec 1000 postes attendus, là où le taux de chômage caracole à 10,2%.
Quant aux poids-lourds, quelque 1150 chaque jour, ils ne sillonneront pas Illiers, mais uniquement l’autoroute A11, située à quelques centaines de mètres, rassure-t-il.
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