Ce mardi, par un vote de 385 voix contre 147 et 8 abstentions, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture la proposition de loi déposée par la majorité présidentielle contre les squats. Si l’occupation frauduleuse d’un logement tombe déjà sous le coup de la loi, ce texte, qui doit maintenant être de nouveau examiné par le Sénat, entend renforcer les sanctions contre les squatteurs… sans pour autant faciliter l’exécution des procédures d’expulsion, seul moyen pour un propriétaire de récupérer son bien. Aussi, « ce projet de loi est un coup d’épée dans l’eau », analyse auprès de The Epoch Times Me Caroline Laverdet, avocate spécialisée dans le droit immobilier.
Quelles nouveautés en matière de lutte contre le squat ?
De 15.000 euros d’amende et un an d’emprisonnement, la sanction pénale pour occupation illicite d’un logement sera désormais trois fois plus lourde que ne le prévoit la loi actuelle : 45.000 euros d’amendes et trois ans d’emprisonnement. Les instigateurs de squats qui se font passer pour le propriétaire du logement écoperont de la même peine.
Selon le site vie-publique, le projet de loi prévoit également d’étendre « la violation de domicile aux logements inoccupés contenant des meubles » et concernera tout type de local pouvant servir d’habitation : « l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel » sera désormais judiciairement répréhensible et sanctionné de deux ans de prison ainsi que de 30.000 euros d’amende.
En vertu de ce texte de loi, le délit concernera aussi les locataires en impayés de loyer qui, après réception d’un jugement d’expulsion définitif, ne quittent toujours pas le logement : ils s’exposeront à une amende de 7500 euros, « sauf ceux pouvant être concernés par la trêve hivernale, bénéficiant d’une décision de sursis à l’expulsion ou d’un logement social », indique le site officiel. Noter que la peine de six mois de prison initialement prévue par les députés a été abandonnée suite à un amendement en première lecture au Sénat.
Un autre amendement adopté dispense désormais le propriétaire d’un logement squatté de son obligation d’entretien.
« Ce projet de loi ne change rien en matière d’application concrète de la loi »
Contactée, Me Caroline Laverdet déplore l’adoption d’un nouveau texte de loi qui, concrètement, ne « changera rien », saluant néanmoins quelques « avancées », timides mais bienvenues.
Côté positif : l’étendue juridique couverte par la loi s’est élargie et, avec le triplement de la peine, les conséquences pénales entre un propriétaire qui expulse de son logement par ses propres moyens et celles d’un locataire qui occupe frauduleusement un logement, sont à présent identiques. Un rééquilibrage.
Si l’avocate se satisfait de constater un durcissement de la sanction qui traduit une volonté de dissuader d’éventuels squatteurs de passer à l’acte, en revanche, elle souligne qu’en matière d’application concrète de la loi, « ça ne changera rien : à ce stade, les poursuites pénales sont très rares, puisque les occupants sont souvent fauchés. En outre, comme les juridictions sont surchargées par l’augmentation du nombre d’affaires, certains délits jugés moins importants ou moins graves ne donnent lieu à aucune poursuite… »
Si le désir des propriétaires d’un logement est avant toute chose de pouvoir récupérer leur bien en bon état, elle rappelle que, dans certains cas, l’occupant du logement peut aussi commettre des actes de destruction, de dégradation ou de détérioration. « Dans ces cas-là, comment fait-on pour poursuivre des gens à court d’argent et ainsi se faire rembourser ? Ça, c’est le gros problème », indique-t-elle.
Des délais plus courts ?
En première lecture, une nouvelle mesure a été ajoutée par les sénateurs au texte de loi : pour les squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée, le délai pour quitter le logement, actuellement fixé entre trois mois et trois ans, devra maintenant être réduit entre deux mois et un an. Une mesure en trompe-l’œil, selon l’avocate, car « l’octroi de sursis de trois ans reste relativement rare ». Une mesure également insuffisante : « Entre le début des premières démarches judiciaires et la décision d’expulsion rendue par le juge, un an peut s’écouler. Risquer de devoir attendre encore une année de plus avant de pouvoir récupérer son logement, cela reste bien trop long. »
Enfin, le texte diminue le délai dans les procédures contentieuses du traitement des impayés de loyers. Une modification, dans la pratique, inutile, explique Me Laverdet : « En cas de loyer impayé, pour avoir le droit d’engager une action devant le juge, il faut attendre deux mois après délivrance au locataire par un huissier de justice d’un commandement de payer. Avec cette loi, le délai ne passe que de huit à six semaines. Mais de toute façon, puisque les juridictions sont encombrées, ces dernières ne donnent souvent pas de date d’audience avant six mois. Donc ça ne change rien. »
Par ailleurs, la femme de droit insiste sur le fait que les législateurs « ne se sont pas attaqués au problème concret que rencontrent les propriétaires : d’une part, le temps mis pour obtenir une décision d’expulsion mais aussi, d’autre part, le temps mis pour faire exécuter cette décision d’expulsion », qui n’est pas toujours appliquée.
Lorsque le juge ordonne la résiliation du bail et l’expulsion du locataire, le propriétaire doit ensuite charger un commissaire de justice de délivrer au locataire un commandement de quitter les lieux. Or, il arrive parfois que ce dernier refuse d’« ouvrir la porte ». Dans ce cas de figure, le commissaire de justice sollicite la préfecture pour que la police l’assiste dans le cadre de l’évacuation de l’occupant. Cependant, la décision de déployer les forces de l’ordre dépend du bon vouloir du préfet qui, parfois, refuse. « C’est une sorte de deuxième jugement », fustige l’avocate : « Et là-dessus, rien ne change. Dans la proposition de loi initiale, il existait un article qui imposait au préfet l’envoi de policiers sous sept jours. Ils ont supprimé cet article. En conséquence, le seul recours juridique dont dispose un propriétaire lorsque le préfet refuse de procéder à l’expulsion, c’est d’engager une nouvelle procédure pour mettre en œuvre la responsabilité de l’État. S’il peut réclamer une indemnisation compensatrice du loyer non payé, le propriétaire ne dispose concrètement d’aucun moyen pour récupérer son bien… »
Dans un contexte où le projecteur est avant tout focalisé sur la situation des locataires, Me Laverdet rappelle que les petits propriétaires se sentent délaissés et pris au piège. Citant l’exemple de certains de ses clients qui ne perçoivent plus le paiement du loyer alors qu’ils ont par ailleurs un crédit à rembourser, elle indique que ce fléau du squat peut conduire à des situations « terribles ». Mieux informés, de nombreux locataires tirent avantage de la lenteur des procédures en justice pour se maintenir illégalement dans le logement et la nouvelle loi n’apporte aucune amélioration concrète en matière de résolution de ces situations, regrette-t-elle. Aussi, la juriste sonne l’alerte : « Si ce phénomène continue, les propriétaires finiront par ne mettre plus aucun logement en location. »
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