ÉCONOMIE

Loi de financement des collectivités territoriales: une «fausse bonne idée»

avril 29, 2023 14:44, Last Updated: avril 29, 2023 14:44
By Victor Fouquet

Faut-il, sur le modèle des lois de financement de la Sécurité sociale prévues par la Constitution depuis 1996, instaurer une loi annuelle de financement des collectivités territoriales ?

L’idée n’est pas nouvelle : elle est régulièrement avancée, en particulier par la Cour des comptes, qui en a recommandé la mise en œuvre à trois reprises, en 2013 dans son rapport sur les finances publiques locales, en 2016 dans son rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, puis de nouveau en 2018 dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Récemment, le sujet fut remis sur la table et débattu au Parlement à la faveur de l’examen d’une proposition de loi déposée par Éric Kerrouche, sénateur socialiste des Landes. L’objectif affiché est louable : garantir l’autonomie financière des collectivités et renforcer la lisibilité et la prévisibilité des finances locales, notamment de leurs ressources.

Photo : Wikimedia/CC BY-SA 4.0

Plusieurs raisons ont toutefois conduit la Haute Assemblée à rejeter une réponse jugée inadéquate aux besoins exprimés par les élus locaux. Les sénateurs y ont principalement vu, non sans quelque raison, un risque de recentralisation des finances locales, un tel outil législatif demeurant en pratique largement à la main de l’État, le Gouvernement pouvant par exemple utiliser le cas échéant toutes les procédures qui sont à sa disposition pour les textes financiers, notamment le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution. Chambre représentant les collectivités territoriales, le Sénat a surtout craint qu’une loi de financement pluriannuelle des finances locales ne se transforme, dans les faits, en objectif de dépenses, c’est-à-dire en une sorte d’« Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance maladie) des collectivités », au détriment de l’autonomie financière locale que l’on cherchait pourtant à renforcer.

Est-ce à dire que les collectivités territoriales doivent être exonérées de l’effort de redressement des finances publiques ? La réponse est évidemment non. Dans leur rapport public annuel 2023 dressant un bilan des 40 années de la décentralisation, les magistrats de la rue Cambon ont souligné l’accroissement du poids des finances locales au sein des finances publiques, certes lié en grande partie à l’extension des compétences des collectivités locales. La part de la dépense publique locale dans la dépense publique totale est ainsi passée de 17% à 19% entre 1980 et 2021 (cf. Cour des comptes, Rapport public annuel 2023. La décentralisation 40 ans après, mai 2023, p. 127).

Là est du reste le nœud du problème : l’État décentralise les compétences sans décentraliser les finances. La solution ne réside donc pas dans l’institution d’un nouveau véhicule législatif centralisé, mais plus globalement dans la révision de l’architecture institutionnelle des pouvoirs publics, conférant une place accrue aux collectivités territoriales à travers la consécration, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, d’un authentique principe d’autonomie financière incluant enfin le volet « ressources », c’est-à-dire le volet fiscal. En la matière, l’État central devrait accepter de se faire plus modeste.

Une véritable décentralisation financière aurait en l’espèce deux atouts. Elle conduirait à une gestion plus économe des ressources fiscales et à une structure des dépenses publiques plus en accord avec les préférences politiques des citoyens. Une véritable décentralisation financière aurait, en somme, des vertus cognitives que le centralisme jacobin n’a pas. Il est à cet égard significatif que le ratio de dépenses publiques sur PIB soit moins élevé dans les systèmes décentralisés que dans les systèmes centralisés comme l’est le système français. (cf. Michael L. Marlow, “Fiscal Decentralization and Government Size”, Public Choice, vol. 56, n° 3, 1988, p. 259-269).

Article écrit par Victor Fouquet. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.

L’IREF est un « think tank » libéral et européen fondé en 2002 par des membres de la société civile issus de milieux académiques et professionnels dans le but de développer la recherche indépendante sur des sujets économiques et fiscaux. L’institut est indépendant de tout parti ou organisation politique. Il refuse le financement public.

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