Le gouvernement britannique se montre mercredi résolu à expulser des migrants illégaux vers le Rwanda, malgré le coup porté à ce projet à la dernière minute par la justice européenne, désormais sous le feu des critiques des conservateurs.
Ce devait être un premier vol chargé de symbole et marquant la détermination du gouvernement du Premier ministre conservateur Boris Johnson à dissuader les arrivées clandestines au Royaume-Uni, en envoyant des migrants en Afrique de l’Est, à plus de 6.000 km de Londres.
Même si le nombre de personnes devant être expulsées avait fondu à seulement sept après des recours individuels au Royaume-Uni, contre jusqu’à 130 initialement prévues, c’était une question de « principe »: l’avion spécialement affrété pour des centaines de milliers d’euros était prêt à décoller d’une base militaire anglaise, tard mardi soir, quand la Cour européenne des droits de l’Homme a bloqué une des expulsions, laissant l’appareil cloué au sol.
La justice britannique avait débouté des associations contestant la mesure
Cette décision de la CEDH, juridiction du Conseil de l’Europe veillant au respect de la Convention européenne des droits de l’Homme, s’est attirée une volée de bois vert au sein de l’exécutif. Sans le dissuader de poursuivre son projet controversé, vertement critiqué par l’ONU, l’Eglise anglicane et même, en privé selon la presse, le prince héritier Charles.
Le gouvernement est « surpris » et « déçu », a déclaré la ministre du Travail Therese Coffey sur Sky News, alors que la justice britannique avait débouté des associations contestant la mesure.
Darmanin devrait aller faire un stage là-bas…
Royaume-Uni : la justice valide l’expulsion de migrants au Rwandahttps://t.co/heZD6IhqM4
— antmah22?? (@Antmah22) June 14, 2022
Comme sa collègue de l’Intérieur Priti Patel la veille, elle a toutefois affirmé que le prochain vol était déjà en préparation, se disant « hautement confiante » que celui-ci aurait lieu.
Contester la décision de la CEDH, basée à Strasbourg
Mme Coffey a précisé que Londres comptait contester la décision de la CEDH, basée à Strasbourg, qui a estimé que l’expulsion d’un Irakien devait être repoussée jusqu’à ce que la justice britannique ait examiné la légalité du dispositif, ce qui est prévu en juillet.
Il s’agit en particulier de s’assurer que les migrants puissent avoir accès à des procédures équitables au Rwanda et que celui-ci soit considéré comme un pays sûr, alors que le gouvernement rwandais est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d’expression, les critiques et l’opposition politique.
Au Royaume-Uni, Boris Johnson s’attaque à l’#immigration illégale ! Son plan, validé par la justice, consiste à envoyer les migrants arrivés illégalement dans le pays au #Rwanda, à plus de 6 000 kilomètres de #Londres, avec lequel il a passé un accord…
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Furieux, des députés de la majorité conservatrice y ont vu une atteinte à la souveraineté du Royaume-Uni et appelé à abandonner la Convention européenne des droits de l’Homme, que le pays a contribué à façonner en 1950 et qu’il a transposée en loi.
Les Britanniques ont quittée avec le Brexit en janvier 2020
L’institution n’a aucun lien avec l’Union européenne, que les Britanniques ont quittée avec le Brexit en janvier 2020.
« Oui, retirons nous de la Cour européenne des droits de l’Homme et stoppons leur ingérence dans la loi britannique », a tweeté l’élue conservatrice Andrea Jenkyns.
Boris Johnson lui-même a laissé, à demi-mot, la porte ouverte à une telle éventualité, frustré de voir la politique migratoire du gouvernement contrecarrée en justice. « Sera-t-il nécessaire de changer certaines lois pour nous aider à avancer? Cela pourrait très bien être le cas et toutes ces options sont régulièrement étudiées », a-t-il déclaré.
Légiférer pour réduire l’influence de la CEDH
Mais la ministre Theresa Coffey a assuré qu’un tel projet n’était pas sur la table pour le moment, même si le gouvernement avait déjà fait part de sa volonté de légiférer pour réduire l’influence de la CEDH.
En envoyant des migrants au Rwanda, Londres entend freiner les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d’augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l’immigration depuis le Brexit.
Depuis le début de l’année, plus de 10.000 migrants ont effectué le dangereux trajet à bord de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes, déjà record. Ils étaient 444 pour la seule journée de mardi.
Ce projet controversé, qui sera financé dans un premier temps à hauteur de 120 millions de livres (140 millions d’euros), est très populaire au sein de l’électorat conservateur alors qu’affaibli par les scandales, Boris Johnson tente de se relancer.
A Kigali, où se tiendra en juin une réunion du Commonwealth, le gouvernement rwandais a affirmé mercredi qu’il n’était « pas découragé » par l’annulation du vol et restait « engagé » dans ce partenariat.
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