Deux ans après la mort d’Hugo Chávez, son ambition de construire un bloc néo-bolivarien en Amérique du Sud, allié de la Russie et de l’Iran contre les États-Unis, semble le rejoindre dans la tombe : après l’échec électoral des péronistes argentins fin 2015 et la procédure de destitution lancée à l’encontre de Dilma Rousseff au Brésil, l’entrée au Parlement vénézuélien d’une ultra-majorité de droite marque la volonté de tourner définitivement la page Chávez. Les tensions sont vives, cependant, à Caracas entre législateurs et pouvoir exécutif. Alors que le président vénézuélien Nicolás Maduro met en place un nouveau gouvernement de gauche radicale et s’assure le soutien de l’armée, la nouvelle Assemblée rêve déjà de lancer une procédure de destitution à son encontre.
Lors des élections parlementaires du 6 décembre, deux tiers des sièges très précisément, ont été remportés par l’opposition au président Nicolás Maduro, après 16 années de domination chaviste. Une « ultra-majorité » qui doit permettre une révision de la constitution néo-bolivarienne du Venezuela. Après 15 ans étouffée par la suprématie chaviste – et pour beaucoup de ses membres, après des séjours prolongés en prison, la droite vénézuélienne a bien l’intention de frapper dur au Parlement. Mardi 6 janvier, au moment de leur investiture, l’entrée en fonction des nouveaux parlementaires avait une allure de putsch, tandis qu’aux alentours de l’Assemblée la police anti-émeutes était aux abois.
Politique de terre brûlée
Courant décembre, dans une série d’actions assez proches de celles récemment observées en Pologne, la majorité sortante a nommé à la hâte treize nouveaux juges à la Cour suprême. Une de leurs premières actions a été de suspendre l’élection de trois députés de la nouvelle majorité, dans une tentative de faire passer celle-ci juste en dessous des deux tiers de voix exigés pour voter des modifications constitutionnelles. Le 4 janvier, l’Assemblée sortante a aussi voté, également en urgence, un nouveau train de dépenses décidé par l’exécutif pour lancer son nouveau programme économique. Au même moment, Nicolás Maduro signait un décret retirant à l’Assemblée son contrôle sur la Banque Centrale. La nouvelle majorité ne pourra donc plus en nommer les directeurs ni en recevoir d’informations économiques et financières.
« Le monde sait que le Venezuela entre aujourd’hui dans une nouvelle phase. » – Henry Ramos Allup, président de l’Assemblée nationale
Le président Maduro, qui contrôle étroitement les médias nationaux, n’a de plus pas manqué de faire perdurer le style chaviste en qualifiant la victoire de la droite de « putsch électoral », une prise de pouvoir par des bourgeois anti-patriotes voulant détruire la paix sociale.
La réponse du berger
« Savez-vous ce qui est surprenant ? », s’exclamait le nouveau président de l’Assemblée nationale Henry Ramos Allup, à la sortie du Parlement le 6 janvier. « C’est qu’il n’y a pas d’autre endroit au monde où l’entrée en fonction de nouveaux parlementaires soit un événement. Tout le monde y prête attention, comme jamais auparavant. Et savez-vous pourquoi ? Parce que le monde sait que le Venezuela entre aujourd’hui dans une nouvelle phase. »
Autour de l’Assemblée, des cordons de police ont accompagné l’entrée en fonction de la nouvelle majorité pour prévenir des heurts entre manifestants chavistes et partisans de la nouvelle majorité. À l’intérieur, les députés des deux camps ont joyeusement échangé les qualificatifs de « traîtres » et de « corrompus » – les traîtres étant les députés de droite de la nouvelle majorité, accusés de prévoir la vente du Venezuela aux États-Unis, et les corrompus ceux de l’ancienne majorité, accusés d’être responsables des difficultés économiques du pays. Pour ajouter à la tension, les trois parlementaires suspendus par la Cour suprême dans l’attente d’une enquête sur un possible achat de voix, ont siégé tout comme leurs collègues, montrant leur refus de se plier à une décision jugée politique.
Dès le lendemain, le 7 janvier, Henry Ramos Allup, ordonnait – devant les caméras – que soient retirés tous les portraits d’Hugo Chávez présents à l’Assemblée, n’acceptant que le maintien des portraits originaux de Simon Bolivar. « Emmenez-les à Sabaneta [lieu de naissance de Chávez], ici ce n’est pas un cimetière. Je ne veux voir ici ni Chávez ni Maduro. Emportez-les à Miraflores ou jetez-les aux toilettes, mais rien ne restera ici. Rien », déclarait Ramos, pendant que le directeur de la communication institutionnelle de l’Assemblée tweetait fièrement la photo du départ des portraits géants de Chávez en parlant de « ré-institutionnalisation du Parlement ».
« Je ne peux pas m’empêcher d’exprimer ma colère et mon dégoût », a répondu Nicolás Maduro à la télévision nationale. « J’appelle le peuple à se rebeller contre ces néo-fascistes, ces anti-bolivariens, ces antipatriotes. »
Risques à venir
Les risques d’émeutes sont réels et les déclarations des deux camps font anticiper une confrontation dure. La Cour suprême, contrôlée par l’exécutif de Maduro, devrait systématiquement bloquer les réformes votées par l’Assemblée, qui en retour lancera une procédure de destitution à l’encontre de Nicolás Maduro. La nomination par celui-ci, au ministère de l’Économie, du radical de gauche Luis Salas n’est pas faite pour rassurer à un moment où la chute des cours du pétrole a déjà fait plonger le budget de l’État. Le pays subit l’inflation la plus élevée du monde, avec plus de 100% de hausse des prix en 2015. Malgré les premières ressources en pétrole de la planète, l’économie vénézuélienne est en déroute ; des aliments de base comme la farine et les œufs commencent à manquer. Plus inquiétant encore au vu de l’exemple mexicain, toute la place est laissée, pour l’emploi, au crime organisé et aux cartels de la drogue, progressivement chassés de Colombie et qui voient le Venezuela comme une nouvelle plateforme pour leurs exportations vers l’Europe.
Entre un exécutif prêt à tout pour continuer la « révolution socialiste » et qui a reçu la semaine dernière – message malheureusement clair – la promesse du « soutien inconditionnel et de la loyauté absolue » du chef des forces armées vénézuéliennes, et une Assemblée dont le premier objectif semble être de se venger du camp chaviste, le peuple vénézuélien va devoir attendre encore l’arrivée de jours meilleurs.
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