« Pars! »: l’écrivaine Svetlana Alexievitch, seule Bélarusse distinguée par un prix Nobel, a accusé mercredi le président Alexandre Loukachenko d’entraîner son pays vers « la guerre civile », en plein mouvement de contestation violemment réprimé.
« Pars, avant qu’il ne soit trop tard, avant que tu n’aies plongé les gens dans un terrible abîme, dans le gouffre d’une guerre civile! Pars! », a lancé l’auteure en s’adressant au président Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans, dans une interview pour le média Radio Free Europe.
« Tu veux seulement le pouvoir et ce désir se révélera sanglant », a-t-elle prédit, accusant le pouvoir bélarusse d’avoir amorcé « une guerre contre son peuple ».
Protestation, matée par 6.000 arrestations, deux morts
Depuis dimanche, la réélection d’Alexandre Loukachenko a déclenché une grand vague de protestation, matée sans ménagement avec près de 6.000 arrestations, deux morts, et de nombreuses violences policières signalées à travers cette ex-république soviétique.
On forme des chaînes de solidarité pour briser celles de la dictature un peu partout au #Bélarus où la répression s’intensifie
Au moins 2 morts, 6000 arrestations et des milliers de blessés, mais ils ne reculent pas
La peur ne suffit plus à tenir le régimepic.twitter.com/8SI8CWcfv0— Marcel Aiphan (@AiphanMarcel) August 12, 2020
Le président Loukachenko, 65 ans, a qualifié les protestataires de « chômeurs au passé criminel » pilotés depuis l’étranger.
« Je vois comment la société se radicalise, comment se comportent les policiers anti-émeutes… Personne n’aurait pu imaginer cela », a poursuivi Svetlana Alexievitch, dénonçant l’action « inhumaine et satanique » des forces de sécurité.
Couronnée en 2015 du prix Nobel de littérature, l’écrivaine de 72 ans est l’auteure de livres poignants sur Tchernobyl, la guerre d’Afghanistan ou encore l’effondrement de l’Union soviétique.
A appelé à voter pour l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa
Critique acerbe du pouvoir d’Alexandre Loukachenko, elle avait appelé à voter à la présidentielle pour l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, une ancienne professeur d’anglais qui avait remplacé dans la course à la présidentielle son mari emprisonné.
HONTEUX – BIELORUSSIE
Des jeunes battus par la police sont exhibés à la TV et forcés d’exprimer des regrets pour avoir manifesté. Après 3j de mobilisation, le bilan est terrible. Le pouvoir tente de bloquer toutes les images et les réseaux sur place. #belarus #Minsk #Belarus2020 pic.twitter.com/OX8hQ3p0jf— Cerveaux non disponibles (@CerveauxNon) August 12, 2020
Selon les résultats officiels du vote, M. Loukachenko a obtenu plus de 80% des voix, un score fantaisiste, disent ses détracteurs, qui estiment au contraire que Mme Tikhanovskaïa, créditée de 10% des voix, a gagné.
Dans la nuit de lundi à mardi, cette dernière a du quitter le Bélarus pour la Lituanie, un départ sous la menace des autorités, selon ses partisans.
D’autres images des chaînes humaines formées pour protester pacifiquement contre les élections truquées et la répression violente des contestations.pic.twitter.com/DiA6xfsivY
— cedric mas (@CedricMas) August 13, 2020
Ils ont sauvé notre dignité
Svetlana Alexievitch a salué en Mme Tikhanovskaïa « un symbole de changement » et remercié les manifestants car « ils ont sauvé notre dignité ».
« Je suis tombée amoureuse de mon peuple ces dernières semaines. C’est un peuple entièrement différent, avec une autre force. Il avait pu me décevoir un peu auparavant mais, maintenant, ce n’est plus le cas. »
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