ENTRETIEN – Emmanuel Macron a annoncé, lors de sa grande conférence de presse le 16 janvier, le lancement d’un grand plan de lutte contre l’infertilité et la mise en place d’un nouveau congé de naissance. Pour la présidente du Syndicat de la Famille, Ludovine de La Rochère, le sujet qui importe est davantage le contexte de vie dans lequel évoluent les potentiels jeunes parents que celui de la fertilité en soi. Elle estime également que l’enjeu de société fondamental de nos jours est celui de l’homme et de la femme.
EPOCH TIMES – À l’occasion de la conférence de presse qui se tenait mardi 16 janvier, le président de la République a annoncé un grand plan de lutte contre l’infertilité, qu’il a qualifié de « tabou du siècle ». L’idée étant de « réarmer démographiquement la France » puisque la natalité est en baisse en 2023, selon une étude de l’Insee. Il a également souhaité la mise en place d’un congé de naissance qui remplacerait le congé parental. En tant que présidente du Syndicat de la Famille, comment accueillez-vous ces annonces ?
LUDOVINE DE LA ROCHÈRE – Faire une annonce sur la fertilité pour prétendre augmenter la natalité, c’est seulement voir une infime partie du problème. La fertilité est un vrai sujet, mais qui est en réalité très largement lié au recul de l’âge moyen de la première maternité, qui a désormais passé la barre des 30 ans. Cela conduit effectivement à une période de la vie où la femme est un peu moins féconde.
La question n’est donc pas tant celle de la fertilité en elle-même, l’immense majorité des couples étant fertiles, mais bien celle du contexte de vie dans lequel se trouvent les éventuels futurs parents. C’est-à-dire être disposé à s’engager, à vivre en couple, à avoir un enfant, autrement dit être prêt à fonder une famille, et tout ceci arrive de plus en plus tard. L’ordre des événements n’est pas favorable à un bon taux de natalité. Si on veut parler de fertilité, il faut d’abord traiter cette problématique de l’âge.
Ensuite, si nous analysons le sujet de la natalité de manière plus large, il y a également les conditions d’accueil de l’enfant. Pour ne pas être trop angoissés, les couples doivent bénéficier de conditions favorables, c’est-à-dire d’une politique familiale efficace, dont ils savent qu’elle va les soutenir et les encourager, mais celle-ci a été déconstruite au fil des ans et rendue très instable.
Au sujet du congé de naissance, bien qu’Emmanuel Macron lui ait donné un nom sympathique, je crois qu’il a commis une erreur puisqu’il fait disparaître le congé de paternité et de maternité et indifférencie donc le terme qui s’applique à cette période de la vie où on arrête de travailler pour s’occuper de son enfant. C’est assez frappant !
Il faut savoir que dans 99 % des cas, le congé parental est pris par la mère et il y a eu des mesures coercitives qui ont été prises en 2015 pour obliger les pères à prendre aussi une partie de ce congé parental. Et ça n’a absolument pas fonctionné, mais pour des raisons idéologiques, Emmanuel Macron n’arrive pas à se mettre à la place du couple et à imaginer que la mère a plus envie de s’arrêter que le père. C’est en fait, tout simplement, dans la continuité de la grossesse, de la naissance et de la maternité.
Mais surtout, ce congé de naissance ne serait que d’une durée de six mois par parent. Concrètement, cela veut dire que le congé parental pour la mère serait réduit à six mois seulement.
Je pense que cette réduction de la durée du congé parental est l’une des causes de la baisse de la natalité depuis 2015. Or là, la durée serait bien davantage réduite.
Emmanuel Macron a aussi annoncé vouloir revaloriser le congé en question, mais placer son enfant en crèche coûte en moyenne 2000 € par mois, alors que quand il est gardé par sa mère avec le congé parental, cela coûte aux finances publiques 429 € par mois. Autrement dit, plutôt que d’inciter à mettre les enfants en crèche au bout de ce congé parental, on ferait bien mieux de proposer un congé plus long et, même revalorisé – ce qui est indispensable -, cela coûterait beaucoup moins cher à l’État qu’un congé de naissance de 6 mois.
La politique familiale est-elle selon vous la grande absente des mandats d’Emmanuel Macron ?
Depuis 2017, il n’y a eu qu’une seule fois un ministère de la Famille, avec Aurore Bergé et il n’aura duré que 6 mois. C’est révélateur du fait que la famille importe peu à Emmanuel Macron, alors que c’est pourtant une structure incontournable et irremplaçable. L’État ne peut pas remplacer la famille et les parents. Mais le président de la République ne le comprend pas puisqu’il n’a jamais été père, ce n’est pas concret pour lui.
La politique familiale a été très largement déconstruite ces vingt dernières années et Emmanuel Macron n’a rien fait pour améliorer la situation. Et le peu qu’il propose est absolument contradictoire avec l’objectif affiché.
La députée écologiste de Paris, Sandrine Rousseau a récemment déclaré : « La baisse de la natalité est rassurante […] On n’a pas besoin, pour notre système économique, d’avoir plus d’enfants et je le dis en tant qu’économiste ». Comment réagissez-vous à ces propos ?
Ça fait longtemps qu’on se demande comment Madame Rousseau peut être professeure d’économie. Tout notre système social est construit sur la solidarité entre les générations, sur la redistribution. Il faut des actifs qui vont cotiser pour notre système de santé, de solidarité et de retraites.
Mais Sandrine Rousseau préfère provoquer et susciter des polémiques. Plus c’est gros, plus ça passe. Elle fonctionne seulement avec le buzz, mais au-delà de cette polémique, il faut rappeler que la natalité est aussi absolument impérative pour notre dynamisme économique. Mais surtout, le désir d’enfant exprimé par personne adulte est de 2,7 enfants. Or, le nombre d’enfants par femme, tombe aujourd’hui à 1,7. C’est donc étonnant que la gauche, qui se présente toujours comme le défenseur du désir individuel, ne souhaite pas favoriser le désir d’enfant.
En plus du sujet de la natalité, le Syndicat de la Famille se dit également mobilisé contre la GPA, la transition de genre et le wokisme. Quel est selon vous le principal combat à mener ?
Le syndicat de la famille défend tout ce qui fonde la famille : la différence et la complémentarité des sexes, la procréation et la filiation avec un père et une mère. Tout ce qui est bénéfique au bien-être de l’enfant et à son épanouissement.
L’humain est homme ou femme et l’enfant a besoin d’un père et d’une mère. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons depuis des années à l’idéologie du genre, au mariage entre les personnes de même sexe, à la PMA sans père, pour les personnes transgenres, post-mortem etc, ainsi qu’à la GPA.
Nous suivons également de très près le projet de loi annoncé sur la fin de vie. Le suicide est toujours une tragédie pour la famille et il le serait aussi sous la forme du suicide assisté ou de l’euthanasie.
Mais surtout, je pense qu’aujourd’hui, il y a un enjeu fondamental qui est celui de l’homme et de la femme. Nous devons arriver à conforter, à solidifier et à remettre en place la prise en compte de la réalité qui est que l’humanité est composée des deux sexes, et que pour concevoir un enfant, il faut un homme et une femme. Sans cela, on est dans l’utopie, la déconnexion du réel, ce qui est toujours un très grand danger, surtout pour les plus vulnérables.
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