L’Ukraine est un vrai État guerrier

Par Austin Bay
6 avril 2022 19:43 Mis à jour: 6 avril 2022 20:07

La résistance héroïque de l’Ukraine à l’invasion de la Russie se manifeste dans la situation militaire sur le terrain et façonne les négociations de paix entre ces deux pays. Cette situation aura également une incidence sur les prochaines décennies de l’histoire mondiale, car elle montre que nous assistons à la naissance d’un nouvel État guerrier, du type qui sait qu’il vaut la peine de verser du sang, de la sueur, des larmes, de se battre et de mourir pour la défense de la souveraineté démocratique.

Tout d’abord, considérons la situation sur le terrain.

L’Ukraine n’a pas permis à la Russie d’obtenir une victoire éclair de « changement de régime ». Le président russe Vladimir Poutine s’attendait à ce que le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’enfuie ou soit assassiné, que Kiev tombe rapidement et que l’Ukraine se rende.

Cependant, Zelensky est toujours sur place, dirigeant l’Ukraine, motivant les gouvernements qui aident son pays et étonnant le monde entier. Vivant ou mort, il mérite un prix Nobel de la paix pour avoir défendu la souveraineté démocratique contre la tyrannie impérialiste.

Après plus d’un mois de combat, l’Ukraine a toujours plus de ce que les historiens militaires appellent une « armée en activité » (une armée présente sur le champ de bataille) – elle a une nation armée en activité.

Depuis le début de la guerre, le 24 février, les forces de défense ukrainiennes ont détruit environ 20 % des forces terrestres russes lourdement blindées qui les ont envahies. Des sources crédibles indiquent que les pertes russes sont encore plus élevées, citant le nombre d’unités russes retirées pour recevoir des remplacements en personnel et armement.

Au cours de deux dernières semaines et plus, les forces ukrainiennes ont lancé des contre-attaques réussies dans le nord du pays. Cela indique qu’elles disposent d’une liberté de manœuvre.

Il faut attribuer ce succès à l’infanterie ukrainienne et aux combattants de la défense locale qui ont affiné leurs tactiques d’embuscade et de lutte contre les blindés au cours des huit années « d’hostilités au ralenti » dans la région de Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Et oui, les forces ukrainiennes ont beaucoup appris de la « guerre au ralenti » que Poutine a menée pendant que le reste du monde achetait le pétrole et le gaz russes.

Il faut également reconnaître la bonne performance des armes antichars telles que le Javelin américain ou le missile antichar Stugna-P fabriqué en Ukraine, mais il ne faut pas oublier que ce sont les soldats ukrainiens qui savent bien les utiliser.

Un fait fascinant : les forces terrestres ukrainiennes ont réussi à contrecarrer les plans grandioses de Poutine malgré la supériorité aérienne russe. Cela a surpris les pseudo-analystes militaires qui se contentent de compter les chars, les chasseurs, les navires, les troupes et le nombre de généraux – et bien, l’Ukraine a réussi à ne pas permettre à la Russie de profiter de sa suprématie aérienne.

C’est grâce au courage et à la capacité d’adaptation de la minuscule force aérienne ukrainienne, ainsi qu’à la bonne utilisation des missiles sol-air à forte composante humaine, en particulier les anciens missiles Stinger déjà largement utilisés contre les Russes lors de leur guerre en Afghanistan.

Un énorme fait moral et politique : le peuple ukrainien a résisté aux attaques génocidaires de missiles, d’aviation et d’artillerie sur ses villes et villages.

Dans l’ensemble, la bravoure collective des Ukrainiens et les bonnes tactiques de leurs forces de combat ont mis en évidence des déficiences tactiques, opérationnelles et logistiques de l’armée russe et, surtout, de graves erreurs de calcul stratégique de la part de Poutine et de ses acolytes du Kremlin.

Les conditions actuelles laissent présager une guerre qui se prolonge. La Russie dispose de milliers de missiles et de pièces d’artillerie à tube, mais le Kremlin –  endommagé par les sanctions – ne peut se permettre de mener une guerre qui se prolonge, et encore moins une guerre « gelée » comme celle entre les Corées du Sud et du Nord.

Une série de négociations a eu lieu, le Kremlin indique désormais qu’il ne cherche pas à envahir toute l’Ukraine, mais souhaite incorporer uniquement la région de Donbass et que l’Ukraine renonce à toute revendication sur la Crimée annexée par la Russie en 2014.

Des désaccords irréductibles ? Oui. Du genre qui conduit à des cessez-le-feu et à des guerres gelées.

L’Ukraine perdra peut-être des territoires. Mais quoi qu’il en soit, elle sera un État guerrier du XXIe siècle qui est en perpétuelle confrontation avec la Russie.

En 1939-1940, la Finlande a résisté aux troupes russes/soviétiques lors de la guerre d’Hiver –la guerre lancée par Staline selon le pacte qu’il avait conclu avec Hitler juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Lors de cette guerre, la grande majorité du sang a été versé par les infortunées troupes de Staline. Oui, en fin de compte, les Finlandais ont été battus et ont concédé leurs territoires qui font toujours partie de la Russie. Mais ils ont réussi à préserver leur indépendance et sont aujourd’hui un pays prospère et libre. Car à l’époque, la Finlande, ayant une minuscule armée, est devenue toute une nation armée prête à combattre les troupes de Staline pour chaque centimètre de son territoire.

La Corée du Sud et Israël sont également des États guerriers. Israël, n’ayant pas l’avantage sur le terrain, a alors développé des avantages techniques et a acquis une expertise tactique et opérationnelle. J’ai deux autres candidats au titre d’État guerrier du XXIe siècle : Taïwan et le Vietnam. Tous deux sont proches de la Chine et se rendent compte des dangers de la proximité d’une puissance impérialiste agressive.

Et la petite Suisse ? Bien sûr, elle continue d’armer ses citoyens pour assurer une résistance prolongée et maintient ses bastions alpins.

C’est vrai que Séoul, la capitale de la Corée du Sud, reste vulnérable, comme Kiev. Cependant, économiquement, politiquement et culturellement, la Corée du Sud a gagné la guerre de Corée. L’Ukraine pourrait bien faire la même chose à la Russie – et ce, pour la damnation éternelle de Poutine.

Austin Bay est auteur, chroniqueur et professeur de stratégie et de théorie stratégique à l’Université du Texas à Austin. Son dernier livre s’intitule Cocktails from Hell: Five Wars Shaping the 21st Century (Cocktails de l’enfer : cinq guerres qui façonnent le XXIe siècle).

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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