Des études récentes menées par une équipe du laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse » ont mis en évidence dans les fèves de cacao de variétés cultivées en Amérique latine – et tout particulièrement en Équateur – des teneurs importantes de cadmium (Cd).
Ce métal lourd est connu pour ses effets négatifs sur la santé, notamment des effets toxiques sur les reins, le squelette et l’appareil respiratoire ; et son potentiel cancérigène est internationalement reconnu.
Cette situation concerne notamment la variété fino de aroma. Très réputée pour son profil aromatique et ses qualités organoleptiques, elle est recherchée et appréciée des plus fameux chocolatiers et des grandes compagnies internationales de fabrication de chocolat et autres produits dérivés.
L’Équateur représente le premier producteur de cette variété de cacao, devant le Pérou et la Colombie. La filière est essentiellement tournée vers l’exportation de fèves brutes, juste fermentées et séchées ; compte tenu du prix élevé de ce produit, elle fait vivre de nombreuses petites exploitations familiales. La culture du cacao représente en effet 34 % des terres agricoles du pays, selon les données 2015 de l’Instituto Nacional de Estadística y Censos.
Pour ce cacao, l’accès au marché européen pourrait se trouver compromis à cause de ce taux important de cadmium dans les fèves ; et cela d’autant plus qu’une nouvelle norme, fixant à 0,8 mg de Cd pour un kilogramme de chocolat à plus de 70 % de cacao, doit entrer en vigueur en Europe au 1ᵉʳ janvier 2019.
Feuilles et fèves
Des analyses de sols et de plantes cultivées ont été réalisées dans le cadre du programme de recherche franco-équatorien Monoil dans des régions affectées par les activités pétrolières (extraction et raffinage) ; ces analyses ont été comparées à des régions témoins, toujours en Amazonie, au sud du pays.
Les résultats obtenus entre 2014 et 2017 indiquent que non seulement les feuilles de cacaoyer fino de aroma et CCN-51 – les 2 variétés les plus cultivées en Équateur – accumulent plus de Cd que les fèves ou les cabosses, mais que 50 % des fèves échantillonnées ont une teneur en Cd supérieure à la valeur seuil de 0,8 mg pour un kilogramme.
Comment expliquer la présence du cadmium ?
Le transfert racinaire du cadmium présent dans le sol vers la plante, et son accumulation au niveau des feuilles et des fruits, explique ces fortes teneurs. L’acidité des sols, couplée aux pratiques agricoles locales (épandages d’engrais, de pesticides, utilisation des cabosses et des feuilles comme source d’humus, etc.) semblent favoriser ce processus.
Les sources d’origine pétrolière ont été mises hors de cause ; en revanche, les sources naturelles issues de l’intense activité volcanique du pays ne sont pas écartées dans l’enrichissement en métaux lourds de certains sols.
Les teneurs en Cd dans les premiers centimètres du sol étant particulièrement élevées, les chercheuses travaillent actuellement avec les petits producteurs et d’autres acteurs de la filière cacao en Équateur pour tenter de réduire l’enrichissement en cadmium des fèves, classées parmi les meilleures du monde.
Des expérimentations de nettoyage des sols – consistant à enlever les feuilles et cabosses habituellement utilisées comme engrais naturel – sont actuellement réalisées avec des coopératives de petits producteurs en agriculture biologique. Des amendements, permettant d’augmenter un peu le pH des sols et donc de réduire la mise en solution dans l’eau du sol du cadmium issu de la dégradation de la matière organique, viendront compléter l’amélioration des pratiques agricoles en cours.
Dangeureux pour la santé ?
Des mesures de la « bio-accessibilité » du cadmium, c’est-à-dire la fraction de cet élément susceptible de rejoindre la circulation sanguine via le système digestif, dans les fèves et dans la pâte de cacao ont révélé que plus de 90 % est bio-accessible pour le système digestif humain ; cela signifie que plus de 90 % du cadmium ingéré via le cacao peut passer directement dans le système sanguin.
Les différentes recommandations, évoquées plus haut, sont en discussion à la fois avec les producteurs comme avec le ministère de l’Agriculture pour réduire ce risque tout en conservant les propriétés aromatiques du cacao équatorien.
Le risque pour la santé, calculé à partir des formules d’exposition aux métaux lourds proposées par l’Agence de protection environnementale des États-Unis et sur la base de la consommation d’une tablette de 100g de chocolat équatorien par semaine, varie de « faible » à « modéré » en fonction de l’origine des fèves.
Si la consommation de chocolat reste bonne pour la santé et le moral grâce aux fortes teneurs en magnésium du cacao, il est toutefois important de connaître l’origine des cacaos.
Le consommateur devra également varier sa consommation de chocolat en fonction des origines, des modes de production, des teneurs en cacao des produits consommés, etc. La consommation d’un chocolat à 80 % ou plus devra ainsi être plus modérée que celle d’un chocolat au lait par exemple. De quoi rassurer les amateurs de chocolat… qui pourront s’adonner à leur plaisir favori mais avec modération !
Fiorella Barraza, Biologiste, Institut de recherche pour le développement (IRD); Eva Schreck, Enseignante-chercheure, laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse », Université de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier et Laurence Maurice, Directrice de recherches, laboratoire « Géosciences environnement Toulouse », Institut de recherche pour le développement (IRD)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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