L’harmonisation communautaire de l’enseignement supérieur constitue un succès marquant de la construction européenne. La mise en place du système Licence, Master, Doctorat (LMD) dans l’Union européenne, copié dans de nombreux autres pays, facilite au quotidien les échanges d’étudiants étrangers et offre à nos universités un rayonnement mondial.
La libre circulation des personnes fait partie des quatre libertés inhérentes au marché unique et favorise le développement de la coopération au sein des États membres pour garantir le respect de ces droits fondamentaux. Cela passe par la concertation, le compromis et la réalisation de réformes difficiles.
La méthode des petits pas appliquée à l’enseignement supérieur
Cette méthode est aussi appelée Monnet-Schuman en hommage au commissaire au plan Jean Monnet, et au ministre des affaires étrangères Robert Schuman, considérés comme des pères de l’Europe. L’idée est de fonder l’Union « par le bas » grâce à la mise en place d’une gestion commune entre pays membres dans des secteurs limités, stratégiques et de plus en plus nombreux, afin de créer une solidarité de fait entre ces pays.
Appliquée à l’enseignement supérieur, cela consiste à adopter et mettre en place plusieurs directives, par exemple celle intitulée 89/48 CEE qui reconnaît des diplômes supérieurs d’une durée minimale de 3 ans, ce texte est complété par une autre directive 92/51 CEE, ou plus récemment celle du 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Les normes qui organisent les études supérieures dans chaque nation européenne résultent d’une Histoire, les transformer n’est pas toujours chose facile. Ainsi la directive constitue un outil idéal pour parvenir à cette harmonisation en douceur. Elle fixe des objectifs généraux à atteindre pour les États membres, mais elle laisse aux parlements nationaux le soin de transposer cette norme selon leurs règles dans un délai raisonnable et en tenant compte des contextes nationaux.
Le Processus de Bologne à l’origine du LMD
Cette harmonisation s’est construite dans le cadre du processus de Bologne. Elle a duré près de 15 ans, de la signature de la convention de Lisbonne en 1997 à la déclaration finale de la conférence de Vienne en 2010 qui officialise la création de l’Espace européen de l’Enseignement supérieur (EEES).
L’idée principale du LMD était d’organiser l’enseignement supérieur autour de trois diplômes : Licence, Master, Doctorat. Cette configuration s’est substituée à d’autres diplômes : le DEUG correspond aujourd’hui au niveau L2, la maîtrise au niveau M1, et les DEA ou DESS aux actuels M2.
Il s’agit non seulement d’accroître la mobilité entre étudiants européens et internationaux, mais aussi de faciliter les échanges entre les disciplines, entre formations professionnelles et générales, et par le biais des VAE (validation des acquis de l’expérience) de permettre aux travailleurs d’accéder à tout moment de leur vie à une formation universitaire correspondant à leur niveau.
La maîtrise des langues, obstacle encore important
L’objectif revendiqué de l’Union européenne est que chaque Européen parle au moins trois langues européennes. Dans certaines filières, la maîtrise de l’anglais est presque atteinte – l’obtention d’un score minimal au TOEIC conditionne le diplôme d’ingénieur dans la plupart des écoles supérieures –, mais pas dans les filières dites littéraires, ni dans la filière médicale.
Dans ce domaine pourtant, la littérature scientifique est presque exclusivement en anglais, les congrès et rencontres entre spécialistes également. Et pourtant… L’article 18 de l’arrêté du 18 mars 1992 relatif à l’organisation du premier cycle et de la première année du deuxième cycle des études médicales stipulait que
« l’enseignement des langues étrangères doit représenter l’équivalent d’au moins 120 heures, soit sous forme d’un enseignement spécifique, soit intégré à celui d’autres disciplines. S’il n’a pas été dispensé en première année du premier cycle, il doit obligatoirement être organisé en seconde année du premier cycle et en première année du deuxième cycle ».
Les textes plus récents sont beaucoup plus flous. On retrouve dans l’arrêté du 22 mars 2011 la mention des langues étrangères, noyée au milieu d’autres compétences :
« Un enseignement de langues vivantes étrangères, une formation permettant l’acquisition de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence de niveau 1, un apprentissage à la maîtrise des outils informatiques et une initiation à la recherche sont également organisés. »
Même chose dans l’arrêté du 8 avril 2013, qui stipule qu’un enseignement de langues vivantes étrangères est prévu (au pluriel). Nous sommes pourtant déjà malheureusement bien loin d’enseigner de manière correcte l’anglais en médecine, alors que cela devrait être une priorité…
Et pourtant !
Il ne faudrait pas que la culture européenne se rétrécisse à l’utilisation de l’anglais comme langue véhiculaire, ce qui impliquerait l’acquisition de deux langues en plus de sa langue maternelle (multilinguisme). Pendant longtemps, cette troisième langue a été l’allemand, l’espagnol ou l’italien. Aujourd’hui, il est aussi pertinent de maîtriser les langues nordiques ou de l’est de l’Europe. Ce qui implique d’encourager de manière plus forte l’apprentissage de ces langues dans les universités.
L’Union européenne a ainsi mis en place un cadre européen de référence pour harmoniser l’apprentissage des langues avec des niveaux de A1 à C2 pour déterminer la maîtrise d’une langue.
Alors, comment réussir la transition et développer la maîtrise des langues étrangères chez nos étudiants ?
Les stages à l’étranger et la sensibilisation à la culture de nos voisins paraissent être un bon début. En médecine par exemple, les échanges sont encore trop peu développés. À cause de l’épée de Damoclès du concours de fin de 6e année, nombreux sont ceux qui renoncent à partir. Et réaliser 6 mois à l’étranger lors de son internat relève du parcours du combattant. Le plus souvent, ces expériences, en plus de ne pas être correctement valorisées et encore moins encouragées, doivent être réalisées hors cursus, lors d’une « disponibilité », privant l’interne de son salaire et créant de véritables inégalités entre ceux qui pourront partir sans être rémunérés, et les autres.
Il est non seulement temps de démocratiser cette période de travail à l’étranger pour les internes, mais aussi de la valoriser, voire même de la rendre incontournable dans le parcours de nos jeunes médecins et plus largement de nos étudiants dont le futur sera, quoi qu’il arrive, lié de près à l’international.
Guillaume Bagard, Doctorant contractuel chargé d’enseignement en Droit, Université de Lorraine; Abdesselam Dahoun, Professeur en Matériaux, Université de Lorraine; Hélène Rossinot, Interne en santé publique, AP-HP et Inès Ahmed Youssouf Steinmetz, doctorante en droit, Université de Lorraine
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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