Les forces de l’ordre ont utilisé en 2018 trois à quatre fois plus de balles de LBD et grenades de désencerclement que l’année précédente, notamment lors des manifestations « gilets jaunes » où les blessures graves qu’elles ont provoquées ont fait polémique, selon les chiffres de la « police des polices » (IGPN) qui n’exclut pas une réflexion sur leur usage.
En 2018, les policiers ont tiré 19.071 munitions de lanceurs de balle de défense (LBD) et lancé 5.420 munitions de grenades de désencerclement, soit des hausses de 203% (trois fois plus) et 296% (près de quatre fois) qu’en 2017 (respectivement 6.357 et 1.357 munitions), selon l’IGPN.
L’état est très conscient. C’est même lui qui a classé le LBD comme « arme de guerre ». Et conformément à l’art. 2 CEDH il est en droit de répondre proportionnellement à une emeute ou une insurrection, en tuant si nécessaire. Nos geôliers ont bien conçu la cage. https://t.co/xO7JlqJxvI
— Albert Ator (@1984Harlock) 14 juin 2019
La « période du 17 novembre au 31 décembre représente pour les seules manifestations de gilets jaunes (alors au pic de leur mobilisation, NDLR) près du tiers des déclarations d’usage » du LBD et « plus de la moitié des munitions tirées », a détaillé la directrice de l’IGPN, Brigitte Jullien.
Pour la grenade de désencerclement, cette période concentre 50% de l’augmentation des usages et 72% de l’augmentation de munitions.
Outre les « gilets jaunes », la période de la Coupe du Monde 2018 et du 14 juillet a aussi concouru à cette accroissement en raison des violences urbaines générées, a souligné la cheffe de l’IGPN.
L’utilisation par les forces de l’ordre de ces armes dites de force intermédiaire (AFI) est dénoncée de longue date par des collectifs et associations, qui ont dénombré 23 personnes éborgnées et cinq qui ont perdues une main lors des manifestations de « gilets jaunes ».
Confrontée à cette crise sociale et d’ordre public sans précédent depuis des décennies, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir aux demandes d’interdiction de ces AFI. Sur ce sujet, il peut compter sur le soutien des syndicats policiers et s’appuyer sur des décisions du Conseil d’État en février et en avril.
#Giletsjaunes : la cheffe de l’#IGPN réfute totalement le terme de violences policières.https://t.co/BWgKBCfNbM pic.twitter.com/iJFHizezZn
— Agnes Hebert (@AgnesHebert20) 14 juin 2019
Il est « hors de question » d’interdire l’usage du LBD, a encore redit le secrétaire d’État à l’Intérieur, Laurent Nuñez, début juin.
Interrogée la directrice de l’IGPN, Brigitte Jullien a cependant ouvert la voie à une « réflexion » sur leur usage à moyen terme.
« On n’y échappera pas mais ce n’est pas le moment de le faire », a-t-elle déclaré. « On est encore dans un moment de manifestation et de contestation qui ne permettent pas à la police nationale de s’arrêter et de prendre du recul. »
Depuis le début des « gilets jaunes » et jusqu’à aujourd’hui, l’IGPN a été saisie de 265 enquêtes judiciaires, dont près de 40% (105) ont à ce jour été transmises aux parquets.
« Les parquets ne nous informent pas de leurs décisions (…) sur les classements ou les poursuites (…) immédiatement. On a demandé aux procureurs de nous informer des suites judiciaires. Ce sont eux qui sont maîtres du temps, maîtres des horloges », a expliqué Mme Jullien.
113 dossiers concernent des incapacités temporaires de travail (ITT) supérieures ou égales à 8 jours, a-t-on précisé à l’IGPN.
Alors que l’exécutif refuse d’employer le terme de « violences policières », s’attirant les foudres des « gilets jaunes » et de leurs soutiens dans la classe politique, la cheffe de l’IGPN s’est elle aussi déclarée opposée à cette terminologie et a justifié la longueur des enquêtes.
Je ne suis pas anti flic du tout . Je les respecte infiniment. Mais nier les violences policières c’est à la fois insulter le peuple et les policiers intègres.. https://t.co/tlDmbckQiu
— falbala (@anouchkacohen) 14 juin 2019
« Je réfute totalement le terme de violences policières puisque toutes les enquêtes sont ouvertes pour savoir si l’usage de la force a été fait dans un cadre légal et si la riposte est proportionnée à l’attaque qui a été subie », a avancé Mme Jullien.
« On n’est pas dans une situation où on a face à face des personnes qui ont les mêmes droits dans ces manifestations. On a des policiers qui ont l’usage de la force légitime pour eux et on a des manifestants qui commettent des infractions, c’est pour cela que les enquêtes sont différentes et plus longues pour les policiers. »
La directrice a souligné que les policiers avaient dû être mobilisés de nombreux samedis. « On n’a jamais connu ça. On n’a jamais connu des situations aussi difficiles en terme de manifestation (…) On s’est retrouvé dans une situation de riposte nécessaire des policiers ».
Avec AFP
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