À partir de juillet, le texte prévoit pour les plateformes et les moteurs de recherche l’obligation de retirer sous 24 heures les contenus « manifestement » illicites.
Il s’agit de la première loi au menu sans lien avec le coronavirus, depuis le début de l’épidémie en France. Le Parlement a adopté définitivement mercredi 13 mai, par un ultime vote à main levée de l’Assemblée, la proposition de loi controversée de Laetitia Avia (LREM) de lutte contre la haine en ligne. Un texte jugé « liberticide » par ses détracteurs.
Les députés se sont prononcés par 355 voix pour, 150 contre et 47 abstentions sur ce texte qui prévoit à partir de juillet pour les plateformes et les moteurs de recherche l’obligation de retirer sous 24 heures les contenus « manifestement » illicites, sous peine d’être condamnés à des amendes allant jusqu’à 1,25 million d’euros. Sont visées les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses.
Le Conseil constitutionnel saisi
La majorité ainsi que les députés UDI-Agir ont pour la plupart voté en faveur de cette « proposition de loi de responsabilisation » des plateformes, et les socialistes se sont abstenus.
Inquiets pour la liberté d’expression, les parlementaires de droite, de Libertés et territoires, de LFI et du RN s’y sont opposés, dans une ambiance houleuse. Plusieurs jugent aussi les dispositions « inefficientes » sans régulation européenne. Fustigeant un texte confiant aux GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) « le soin de réguler une liberté publique », le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a annoncé une saisine du Conseil constitutionnel.
Marine Le Pen est pour sa part venue défendre la suppression de la mesure phare, y voyant « une véritable épouvante ». « Vous sous-traitez la censure au privé » et le « rôle du juge » disparaît, a accusé la présidente du RN.
Les géants numériques inquiets
Cette proposition de loi avait entamé son parcours parlementaire en avril 2019. Elle avait ensuite été assez largement remaniée, au gré des critiques ou observations, jusqu’à la Commission européenne qui demandait un meilleur ciblage des contenus incriminés.
Ce texte a suscité de nombreuses réserves, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique. Alors que l’Hexagone se veut à la pointe du mouvement mondial de régulation, mais peine à faire avancer le sujet, Cédric O juge l’équilibre « atteint » entre liberté d’expression et « efficacité ».
Les grandes entreprises du numérique affichent leur soutien au renforcement de la lutte contre la haine en ligne, mais l’obligation de retrait inquiète. Car elle obligera les plateformes à décider très rapidement, au risque d’une cascade de polémiques et conflits juridiques. Au-delà, le texte prévoit une série de nouvelles contraintes pour les plateformes : transparence sur moyens et résultats obtenus, coopération renforcée notamment avec la justice, surcroît d’attention aux mineurs. Le tout sera contrôlé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
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