Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies humaines provoquées par des parasites, des virus ou des bactéries transmis par des vecteurs (moustiques ou tiques par exemple) encore appelées maladies à transmission vectorielle représentent, au niveau mondial, environ 17 % des maladies infectieuses.
Certaines de ces maladies sont transmises par des insectes hématophages comme les moustiques. Elles peuvent infecter l’homme par l’intermédiaire de virus (arbovirus), c’est le cas de la dengue, du chikungunya et de Zika ou de parasites (plasmodium) pour le paludisme.
Dans ce cas, le dernier rapport de l’OMS fait état d’un nombre de décès dus au paludisme estimé à 627.000 en 2020. Ce qui correspond à 69.000 décès de plus que l’année précédente. Les régions d’Afrique sont les plus impactées avec 96 % de tous les décès dus au paludisme en 2020, les enfants de moins de 5 ans sont les principales victimes (80 % des décès).
De plus, l’incidence de la dengue, par exemple, continue d’augmenter et la maladie touche désormais les populations de plus de 129 pays d’après la Dre Mwele Malecela, Directrice du Département de l’OMS de lutte contre les maladies tropicales négligées.
Au niveau national et dans plusieurs régions françaises, en particulier dans les territoires ultra-marins (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, La Réunion) et les collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, le contrôle des populations moustiques vecteurs des genres Aedes, Anopheles et Culex pose un réel problème en matière de santé publique. De plus, des cas autochtones de dengue en France métropolitaine ont été rapportés avec 9 foyers de transmission de dengue qui représentent 65 cas autochtones identifiés au 16 octobre 2022 en région Occitanie, Paca et Corse.
Enfin, l’émergence et la réémergence de ces maladies vectorielles transmises par les moustiques, dues aux changements climatiques et à la globalisation des échanges au niveau mondial renforcent l’urgence de développer de nouvelles stratégies essentielles pour gérer et contrôler ces populations de moustiques vecteurs d’agents pathogènes.
Des moyens de lutte variés mais imparfaits
Aujourd’hui, les objectifs de la lutte antivectorielle (LAV) sont de diminuer mais aussi de contrôler les populations de moustiques vecteurs. Parmi les moyens de lutte utilisés (biologiques, mécaniques et/ou génétiques), la lutte chimique par l’utilisation de biocides comme les insecticides,reste une stratégie largement utilisée.
Cependant, le développement des mécanismes de résistance aux insecticides classiques par les moustiques et d’autres mécanismes physiologiques de compensation (surexpressions de récepteurs cibles spécifiques) qui limitent le coût biologique généré par le développement de ces résistances par ces mêmes moustiques modifie l’effet insecticide et rend les traitements de moins en moins efficaces.
Dans ce contexte, pour limiter l’apparition de résistances chez les moustiques vecteurs d’agents pathogènes et diminuer la concentration d’insecticide utilisée afin d’éviter les effets secondaires sur les organismes non-cibles (comme des insectes auxiliaires ou des mammifères), nous avons développé au sein du laboratoire SiFCIR de l’Université d’Angers en collaboration avec l’IRD de Montpellier (F. Chandre) et la SATT-Ouest valorisation de Rennes, une stratégie innovante de lutte contre les moustiques sensibles et résistants aux insecticides.
L’agent synergisant
Cette stratégie est basée sur l’utilisation d’une association de deux composés de familles chimiques différentes ayant des modes d’action indépendants, à savoir un agent synergisant et un insecticide. L’agent synergisant, défini aujourd’hui dans le cadre du rapport d’expertise collective de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), est un composé chimique de synthèse ou naturel qui ne possède pas lui-même de propriétés insecticides, mais qui, lorsqu’il est associé et appliqué avec un insecticide renforce considérablement son activité tout en réduisant les concentrations utilisées. L’avantage majeur de cette association qui agit sur des cibles différentes rompt le cycle de développement de résistance observé pour un insecticide.
Cette stratégie, permet d’intensifier l’effet d’un insecticide donné, qui s’il avait été utilisé seul n’aurait pas eu une action aussi importante.
Dans ces conditions et parce que l’agent synergisant est utilisé à très faible concentration, il n’occasionne pas d’actions néfastes sur les organismes vivants et l’environnement. Il a pour effet d’activer des voies de signalisation intracellulaire impliquées dans l’augmentation de la sensibilité des cibles membranaires aux insecticides. Ces voies de signalisation, lorsqu’elles sont sollicitées, sont responsables d’un changement de conformation de la cible. Cet effet augmente l’action de l’insecticide tout en réduisant les concentrations utilisées et permet de contourner des phénomènes de résistance aux insecticides.
Ce nouveau concept basé sur l’utilisation d’un agent synergisant a fait l’objet de brevets. Il a retenu récemment l’intérêt d’industriels dans les domaines d’applications liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. Cet intérêt s’inscrit dans le cadre des nouvelles procédures d’homologations concernant l’utilisation des biocides à plus faibles concentrations dans un contexte à la fois de santé environnementale mais aussi de santé publique.
Bruno Lapied, Professeur de Neurophysiologie, Université d’Angers
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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