Les combats se poursuivaient mardi pour la prise de contrôle de Severodonetsk, ville-clé de l’est de l’Ukraine soumise à un déluge de feu russe, où la situation évolue « d’heure en heure » selon Kiev, qui accuse avec Washington la Russie de faire un « chantage » aux exportations de blé.
« Nos héros tiennent leurs positions à Severodonetsk. D’intenses combats de rue se poursuivent », a déclaré le président Volodymyr Zelensky dans sa dernière adresse vidéo, lundi soir.
Kiev peine à faire face à l’afflux de troupes russes sur Severodonetsk, plus grande agglomération encore aux mains des Ukrainiens dans la région de Lougansk.
L’évacuation des civils rendue « quasiment impossible »
Les Russes « sont en train de détruire la ville… Comme ils n’ont pas réussi à la prendre en un ou deux jours, ils utilisent des frappes aériennes, de l’artillerie lourde », a témoigné lundi soir Oleksandr Striouk, responsable de l’administration de Severodonetsk, s’inquiétant d’une évacuation des civils rendue « quasiment impossible » désormais.
Le maire de Severodonetsk, Oleksandre Striouk, a confirmé lundi que « la situation changeait toutes les heures » et que d’« intenses combats de rue » se déroulaient dans sa ville, sous le feu des projecteurs depuis plusieurs jours que les affrontements s’y concentrent.
« Les principaux efforts de l’ennemi se concentrent » sur une tentative de s’emparer totalement de ce centre industriel et de « bloquer » les troupes ukrainiennes dans la région voisine de Lyssytchansk, a fait savoir dans la soirée l’armée ukrainienne.
« Nos soldats gardent le contrôle de Severodonetsk, les combats se poursuivent dans sa partie orientale », a-t-elle ajouté dans son communiqué.
Pour la Russie, mettre la main sur cette ville serait déterminant en vue d’une conquête de l’intégralité du vaste bassin houiller du Donbass, déjà en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.
La Russie « vole » des tonnes de céréales
L’autre grande bataille, économique celle-ci, est celle des ressources en blé de la superpuissance céréalière qu’est l’Ukraine.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a ainsi accusé lundi Moscou de « chantage » à la levée des sanctions internationales par son blocage des exportations de blé de l’Ukraine.
Il a par ailleurs jugé « crédibles » les informations selon lesquelles la Russie « vole » des tonnes de céréales, « pour les vendre à son propre profit », avec son blocus naval des ports ukrainiens, qui empêche les exportations de céréales et fait craindre des crises alimentaires notamment en Afrique.
Selon le New York Times, Washington a averti mi-mai 14 pays, principalement en Afrique, que des cargos russes transportaient des « céréales ukrainiennes volées ». Antony Blinken a fait référence à cet article du quotidien américain, sans toutefois confirmer directement l’alerte adressée aux pays africains.
L’ambassadeur d’Ukraine à Ankara avait accusé dès vendredi la Russie de « voler » et d’exporter des céréales ukrainiennes notamment vers la Turquie.
« Il est important pour nous de nous tenir prêts à exporter nos céréales. La Russie raconte que la pénurie alimentaire incombe à l’Ukraine… C’est faux », a martelé de son côté lundi le président Zelensky.
Des céréales destinées à l’exportation et bloquées en Ukraine par les Russes
La quantité des céréales destinées à l’exportation et bloquées en Ukraine par les Russes pourrait tripler d’« ici à l’automne » pour atteindre 75 millions de tonnes, a alerté Volodymyr Zelensky.
« Nous avons besoin de couloirs maritimes et nous en discutons avec la Turquie et le Royaume-Uni » ainsi qu’avec l’ONU, a poursuivi le président ukrainien. Kiev évoque aussi ce sujet avec la Pologne et les Etats Baltes pour exporter de petits volumes par le rail.
En mer Noire, l’armée ukrainienne a assuré lundi avoir largement fait reculer la flotte russe, à plus de cent kilomètres des côtes, a affirmé le ministère ukrainien de la Défense.
Menaces aux armes de longue portée
A Moscou, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a de son côté mis en garde lundi les pays occidentaux contre des livraisons à Kiev d’armes de longue portée.
Cela n’a pas empêché Londres d’annoncer la livraison de lance-roquettes M270 MLRS d’une portée de 80 kilomètres, en complément des Himars de même portée promis la semaine dernière par Washington.
Les experts militaires soulignent que cette portée est légèrement supérieure à celle des systèmes analogues russes, ce qui permettrait aux forces ukrainiennes de frapper l’artillerie adverse en restant hors d’atteinte.
Les Etats-Unis et l’Europe ont par ailleurs réclamé à la Russie d’arrêter les violences sexuelles présumées commises par son armée et ses supplétifs en Ukraine, tandis que Moscou a dénoncé des accusations sans fondement, au cours d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.
Les Etats-Unis ont aussi accusé la Russie d’« intimider » les correspondants des médias américains à Moscou, convoqués par la diplomatie russe qui les a menacés de représailles en raison des sanctions américaines.
« Toucher la guerre du doigt »
Pendant ce temps, à Kiev, les Ukrainiens se pressent pour observer casques, rations alimentaires et missiles récupérés suite au retrait de l’armée russe des zones occupées et montrés dans une exposition nommée « Ukraine – Crucifixion ».
« Ici on peut voir et toucher la guerre du doigt », explique à l’AFP le commissaire Iouri Savtchouk. « C’est aussi le but: choquer les gens pour qu’ils se rendent comptent de ce qui se passe ».
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