Pour la première fois depuis la Révolution française, un groupe de vases exquis est réuni dans une exposition au Getty Center de Los Angeles, plus de 200 ans après leur dispersion du château royal de Versailles. Ces vases, fabriqués avec luxe à une époque trouble, témoignent non seulement de l’art sophistiqué des artisans et du mode de vie fastueux de leurs illustres mécènes, mais aussi d’un imaginaire culturel lointain qui s’est enraciné dans une société mûre pour des changements radicaux.
Les « Vases des âges »
À partir de 1778, la Manufacture de porcelaine de Sèvres a produit une collection de cinq vases selon un modèle appelé « Vases des âges ». Les vases étaient décorés d’anses en bronze doré en forme de têtes d’hommes barbus, de jeunes femmes et de garçons. Ils comptent parmi les plus grandes pièces de porcelaine de Sèvres « ornées » de feuilles d’or estampées et de petites gouttes d’émail coloré. Il s’agissait d’un type d’ornement élaboré, fastidieux et extrêmement fragile, qui n’était appliqué qu’aux objets destinés à être exposés plutôt qu’à un usage quotidien.
En 1781, Louis XVI (le dernier roi français à vivre à Versailles) acquiert pour sa bibliothèque personnelle un ensemble peint d’épisodes des « Aventures de Télémaque », roman populaire inspiré de l’« Odyssée » d’Homère. Mais il n’a eu que moins d’une décennie pour en admirer l’opulence. Pendant la Révolution française, les vases ont été nationalisés et probablement vendus dans le cadre des ventes d’anciens biens royaux organisées par l’État.
Pour beaucoup, la chute de l’Ancien Régime en France est une histoire familière : née au Moyen-Âge, la noblesse a connu son ascension vers le pouvoir absolu sous le règne long et prospère de Louis XIV, le « Roi-Soleil ». Cependant, lorsque son arrière-arrière-arrière-petit-fils est monté sur le trône, l’économie du pays était en plein déclin et le mécontentement de la population s’est rapidement transformé en une ferveur révolutionnaire qui a conduit à la prise d’assaut massive du palais royal en 1789 et à l’exécution sanglante du roi Louis XVI et de Marie-Antoinette quelques années plus tard.
En 1928, les deux petits vases d’appoint sont entrés dans la collection d’Henry Walters à Baltimore, dans le Maryland, et les trois vases de centre ont été acquis par le Getty Museum en 1984. Aujourd’hui, dans l’exposition, l’ensemble complet peut à nouveau être admiré dans toute sa splendeur royale, nous impressionnant comme il a jadis séduit les goûts somptueux de l’éphémère monarque.
La tendance de la chinoiserie
Un autre ensemble de vases en porcelaine a eu la chance de rester intact dans la collection de Versailles. Marie-Antoinette, lorsqu’elle devint reine en 1774, commença à faire redécorer ses appartements privés et acheta trois vases de forme ovoïde pour le salon. Ils sont réalisés en porcelaine dure et sertis dans des montures en bronze doré, délicatement réalisées avec des moulures détaillées.
Les motifs peints sur la surface de la porcelaine blanche étaient très particuliers. Fantaisistes, fantasques et exotiques, ces groupes de scènes ornementales ont été repris d’une suite d’estampes censées illustrer des « figures chinoises », conçues par le peintre rococo François Boucher (1703-1770). Bien que l’artiste n’ait jamais visité la Chine, son imagination inspirée pour ce pays lointain est typique d’une curiosité européenne plus large et extrêmement à la mode pour tout ce qui est chinois : jardins, cabinets, décor et, parmi eux, la véritable porcelaine dure, dont la qualité lumineuse extraordinaire était notoirement difficile à imiter.
La période rococo est connue pour sa décadence élégante, et la représentation romantique et fantaisiste de motifs exotiques était un jeu imaginatif sur l’esthétique orientale. Dans une tapisserie tissée pour la cour de France au début du siècle, un empereur Qing prend la mer dans un port somptueux et presque éthéré. Les motifs chinois tissés (grue, tortue, porcelaine, pagode) se mêlent à un décor romain particulier dit « grotesque » (motifs décoratifs mêlant formes animales, humaines et végétales) et à une architecture ornementale rappelant le gothique vénitien.
C’est en France que la mode de la « chinoiserie » fait rage avec le plus de force. L’intensification du commerce avec la Chine de la dynastie Qing et les fréquents rapports des missionnaires sur son peuple et sa culture favorisent l’émergence d’un intérêt pour l’Extrême-Orient au sein de la société. Pour Marie-Antoinette, ses porcelaines, décorées de motifs illustrés à la mode, auraient permis de mettre en scène son goût le plus exquis et le plus cosmopolite dans un espace réservé à un public privé.
Dispersés, retrouvés et réunis, ces vases exquis représentent le plus haut niveau des arts décoratifs français et le goût le plus exubérant de la royauté des Bourbons. Ayant traversé les vicissitudes de la fortune, les vases ont survécu pour impressionner et divertir un nouveau public aujourd’hui au Getty Center, et pour nous transmettre toutes les histoires troubles dont ils ont été les témoins.
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