Dans le Morbihan, Catherine Le Gal nous raconte l’histoire de sa mère – qui a été atteinte de la maladie de Charcot – depuis les premiers symptômes jusqu’à la toute fin de sa vie. Elle nous explique aussi sa colère par rapport à un dysfonctionnement du système qui n’a pas permis de respecter la volonté de sa mère et ses directives anticipées. Est-ce que des soins palliatifs appropriés, tels que prévus par la loi Clayes-Léonetti, auraient suffi à éviter cette obstination déraisonnable ou bien aurait-il fallu une loi autorisant l’euthanasie pour lui éviter ces quelques jours de souffrance en trop ?
La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi appelée maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative caractérisée par un affaiblissement puis une paralysie des muscles. La plupart des patients qui reçoivent ce diagnostic décèdent par insuffisance respiratoire trois ou quatre ans après le début des symptômes, indique le CHU de Lyon.
Dans le cas de Marie-Pierre Le Gal, il s’est écoulé un peu plus de deux ans entre les premiers symptômes et son décès le 24 mars 2024. Entre-temps, elle a reçu un diagnostic de la maladie de Charcot alors qu’elle était âgée de 78 ans. La Bretonne a fait plusieurs séjours à l’hôpital et, malgré les moments difficiles liés à la maladie et à son déclin rapide, elle a quand même vécu des moments heureux avec sa famille et ce jusqu’à la toute fin de sa vie.
Les premiers symptômes de la maladie sont apparus fin janvier, début février 2022. « Elle a commencé simultanément par perdre beaucoup de poids et par avoir de plus en plus de difficultés à se mouvoir. Elle a d’abord pris une canne, puis deux », se souvient sa fille unique, âgée de 55 ans aujourd’hui.
Le moral de Mme Le Gal a commencé à baisser. En avril, la nourriture ne passait pas. Lorsque Catherine allait manger avec sa mère, cette dernière se mettait à pleurer lorsqu’elle n’arrivait pas à avaler la nourriture. La batterie d’examens demandés par le médecin n’a pas apporté de réponse. Pendant l’été, la septuagénaire a commencé à prendre des antidépresseurs. Puis au mois de septembre, le médecin lui a proposé de se faire hospitaliser pour subir des examens approfondis et soulager son mari.
Un diagnostic mal annoncé
C’est finalement en décembre 2022 que le diagnostic est tombé après un examen supplémentaire dans un autre hôpital. La neurologue le lui a annoncé un soir. La jeune femme, avec qui Mme Le Gal partageait sa chambre d’hôpital à ce moment-là, a confirmé à Catherine que le diagnostic n’a pas été bien annoncé, « comme si on lui annonçait qu’elle avait une bronchite », explique la quinquagénaire. « Et puis, très, très froide, la neurologue l’a laissée là en plan. »
Marie-Pierre Le Gal a passé la nuit à faire des recherches sur cette maladie sur sa tablette, puis elle a dit à son mari qu’elle était « foutue ». Toutefois, après quelques semaines supplémentaires d’hospitalisation afin de préparer son retour à la maison, Marie-Pierre Le Gall a pu rentrer chez elle avec une prise en charge médicale appropriée.
« Est-ce que je peux dire ce que je pense ? », me demande subitement Catherine Le Gal en cours d’entrevue. « Je pense que la maladie est apparue suite à l’injection Covid, parce que les symptômes sont apparus dans les jours ou les toutes premières semaines qui ont suivi le vaccin. » Pour elle, il ne fait aucun doute que la maladie est apparue après la deuxième injection du vaccin.
Une dernière année dans sa maison
Mme Le Gal a habité presqu’un an avec son mari dans leur maison lumineuse qui comprend de grandes portes-fenêtres donnant sur une jolie cour intime. Au cours de cette période, la patiente a seulement fait deux ou trois courts séjours à l’hôpital pour permettre à son mari de souffler. Malgré son état de santé qui se dégradait rapidement, Marie-Pierre a quand même vécu des moments de bonheur et de joie, comme ce dernier Noël en famille en décembre 2023.
« Même dans la souffrance, elle a vécu des bons moments », se souvient Catherine. « Jusqu’à mi-février [soit environ cinq semaines avant son décès, ndlr], elle a même ri un petit peu. Il y avait quand même des petits moments qui valaient la peine d’être vécus. »
Mme Le Gal a aussi pleuré à de multiples reprises. À partir de l’été 2023, sa dextérité s’est détériorée. Elle a commencé à chuter et il a fallu lui mettre une sonde urinaire afin de lui éviter de se lever pour aller aux toilettes seule. L’étape du fauteuil roulant a été difficile pour son moral.
Par ailleurs, elle arrivait encore à manger toute seule mais n’arrivait plus à décortiquer ses crevettes. À partir du mois d’octobre, c’est au niveau de son élocution que son état a commencé à se dégrader. « C’était encore un autre stade de la maladie, bien qu’elle ait réussi à parler jusqu’à la fin », remarque sa fille. « C’était très compliqué de la comprendre à la fin, mais on la comprenait quand même. »
Début janvier 2024, la septuagénaire a accepté de retourner à l’hôpital de la ville voisine pour un séjour de trois semaines. « Ça devenait très très lourd pour mon père. C’était compliqué pour lui parce qu’il y avait beaucoup de passage à la maison, il n’était jamais seul », explique Catherine. Lorsque Mme Le Gal est partie à l’hôpital, sa fille et son mari savaient qu’elle ne reviendrait plus à la maison.
En effet, à la fin des trois semaines d’hospitalisation, après discussion avec le médecin, la patiente a convenu qu’elle se trouvait mieux à l’hôpital puisqu’elle pouvait sonner à n’importe quel moment du jour ou de la nuit pour obtenir de l’aide. Elle y est restée et son état a continué à s’aggraver.
Dix jours avant le décès de Mme Le Gal, une aide-soignante a dit à Catherine que sa mère n’allait pas bien. « D’habitude, j’ai toujours un petit sourire mais pas aujourd’hui », a confié la soignante. Marie-Pierre a arrêté de s’alimenter et le personnel médical a commencé à l’alimenter artificiellement. Elle avait des tuyaux dans le nez pour l’aider à respirer. Le masque qu’elle portait la nuit pour recevoir de l’oxygène était de plus en plus présent dans la journée et à la fin, elle le portait constamment.
Obstination déraisonnable ?
Au cours de sa maladie, Mme Le Gal a eu plusieurs occasions de s’exprimer sur le fait qu’elle ne désirait pas faire l’objet d’une obstination déraisonnable. Le médecin qui la suivait à l’hôpital en a discuté à plusieurs reprises avec elle à différents stades de la maladie. Elle ne voulait pas continuer à vivre le jour où elle ne pourrait plus s’exprimer et le médecin lui avait promis de respecter son choix. Une semaine avant son décès, pendant le week-end, elle a fait part à son médecin de son envie d’en finir et d’arrêter les traitements. Elle a réitéré ses propos le lundi.
Le médecin a contacté Catherine à l’école maternelle où elle travaille le lundi matin après avoir parlé à son père. Ils étaient d’accord avec la volonté de Marie-Pierre Le Gal. Refuser l’obstination déraisonnable, cela signifiait l’endormir avant de lui ôter son masque à oxygène afin de lui éviter la souffrance de la détresse respiratoire. Au vu de son état, elle serait décédée très rapidement puisqu’elle n’arrivait plus à respirer seule.
Le médecin et toute l’équipe soignante étaient d’accord. C’était la demande de la principale intéressée et sa famille aussi était d’accord. Mais ça ne s’est pas passé comme cela.
Le médecin a expliqué qu’il fallait l’accord de l’unité mobile de soins palliatifs, une simple formalité vu l’état de santé de Mme Le Gal. Toutefois, le mercredi après-midi, l’équipe de soins palliatifs a envoyé un psychologue qui n’avait jamais vu Marie-Pierre afin de faire une évaluation. Il a trouvé qu’elle n’était pas tellement en demande et a donc refusé de lui accorder ce qu’elle désirait.
Quelques jours plus tard, une infirmière a expliqué à Catherine que les soignants avaient augmenté la dose de calmants de sa mère un peu avant l’arrivée du psychologue. Si l’évaluation avait eu lieu le matin, lorsque celle-ci souffrait pendant sa toilette, le résultat de l’évaluation aurait sans doute été différent.
Malgré l’augmentation de la dose de calmants au cours des jours suivants, la patiente gémissait encore pendant sa toilette le samedi matin, ce qui signifiait qu’elle n’était pas encore profondément endormie. C’est finalement le dimanche que Mme Le Gal est décédée. Selon Catherine et son père, elle a souffert quelques jours de trop.
« Il y a eu un dysfonctionnement quelque part, c’est évident »
Plusieurs soignants ont dit à Catherine Le Gal qu’ils étaient en colère au sujet de la manière dont les derniers jours de vie de Mme Le Gal se sont déroulés. Une infirmière lui a même raconté que des soignants avaient du mal à passer la porte de sa chambre pendant ces quelques jours. Une autre, qui a travaillé dans une unité de soins palliatifs, a témoigné qu’elle n’avait jamais vu un patient atteint de la maladie de Charcot décéder avec son masque à oxygène au lieu de se le faire enlever pour éviter ces derniers jours de souffrance.
Après le décès de sa mère, Catherine a dit au personnel de l’hôpital ce qu’elle pensait de la décision de ce psychologue. Une infirmière lui a donné un numéro de téléphone pour qu’elle s’explique directement avec la médecin des soins palliatifs dès le lendemain du décès. Elle avait préparé ce qu’elle avait à dire.
Pourquoi n’a-t-on pas accédé à la demande de sa mère alors que tout le monde était d’accord ? Pourquoi lui a-t-on demandé à plusieurs reprises ce qu’elle souhaitait pour ne pas en tenir compte lorsqu’elle en avait besoin ? Le médecin de l’hôpital lui avait pourtant promis quelques mois auparavant d’accéder à sa demande. Pourquoi n’a-t-on pas laissé les gens qui se sont occupés d’elle pendant des mois et des mois prendre la décision finale ? Pourquoi la décision n’a-t-elle pas été prise de manière collégiale au lieu d’écouter la seule voix contre ?
« Il y a eu un dysfonctionnement quelque part, c’est évident », assure Catherine.
« La médecin reconnaissait à demi-mots qu’il y avait eu quelque chose, que ça n’avait pas été bien fait », raconte la fille endeuillée. Toutefois, la soignante essayait encore de trouver des excuses. Catherine Le Gal a dit tout ce qu’elle avait sur le cœur, tout en restant cordiale et cela lui a fait du bien. À la fin de la conversation, elle a terminé en disant : « Je ne vous en veux pas. Par contre, j’aimerais bien que ça ne se reproduise pas avec quelqu’un d’autre ».
La quinquagénaire rappelle que l’état de santé de sa mère s’était tellement dégradé qu’il s’agissait d’une question de jours avant son décès, sans aucune autre issue possible que la mort. « Elle pesait moins de 50 kilos. Elle ne pouvait rien faire. Elle était emprisonnée dans son corps, mais lucide parce que consciente jusqu’au bout », témoigne-t-elle.
« Peut-être qu’il ne s’agissait que de quelques jours, mais ce sont des jours très importants »
Lorsque Catherine Le Gal m’a raconté cette histoire la première fois, avant de répondre à mes questions en entrevue, elle était encore très en colère. Elle était plutôt pour une loi sur l’euthanasie afin que les personnes atteintes de maladies graves et irréversibles comme la maladie de Charcot puissent éviter cette souffrance des derniers jours dont elle a été témoin. Toutefois, elle ne pense pas que sa mère y aurait eu recours parce qu’elle a quand même vécu de bons moments pendant toute sa maladie. C’est son avis personnel seulement et elle n’a pas de certitude sur ce qu’aurait fait sa mère si le choix de l’euthanasie avait été légal à ce moment-là.
En y repensant au fil de l’entrevue et en analysant les faits, elle s’est rendu compte que pour un cas comme celui de sa mère, il y a déjà une loi qui encadre la fin de vie, la loi Clayes-Léonetti. Cette loi aurait du suffire pour éviter l’obstination déraisonnable si elle avait été bien appliquée.
En effet, rien ne devrait avoir empêché Mme Le Gall d’avoir accès à une sédation profonde et continue avant de retirer son masque à oxygène. D’autre part, sa mère était hospitalisée en unité de médecine dans un hôpital gériatrique et n’a pas eu accès à des soins palliatifs appropriés tels que prévus par la loi Clayes-Léonetti. Catherine reconnaît toutefois n’avoir rien à dire contre le personnel de l’hôpital de manière générale.
« Peut-être qu’il ne s’agissait que de quelques jours, mais ce sont des jours très importants », remarque la fille endeuillée, avec une certaine tristesse.
« Un beau moment dans ces derniers jours très douloureux »
La fille de Mme Le Gal peut toutefois se consoler en se souvenant que pendant ces quelques jours de vie supplémentaires, il s’est passé un moment heureux dans la vie de sa mère, un événement qui n’aurait pas eu lieu si le médecin avait retiré son masque à oxygène dès la demande de Marie-Pierre.
Le mercredi midi, donc deux jours après sa demande d’en finir, Mme Le Gal a reçu la visite de sa petite-fille Élodie avant celle du psychologue. C’était un peu avant de recevoir une plus grosse dose de calmants, elle était donc encore consciente.
La conversation entre les deux femmes a été merveilleuse pour l’une comme pour l’autre. Élodie, enceinte, a entre autres révélé en primeur à sa grand-mère le prénom et le sexe du bébé qu’elle attendait. Mme Le Gal ne trouvant pas le prénom à son goût, elle en a proposé un autre : Alix. Après discussion ce soir-là, le couple a accepté ce prénom pour leur troisième enfant et l’a annoncé avec bonheur au personnel de l’hôpital.
Dans la soirée du mercredi, Catherine a vu sa mère qui était encore consciente. « Elle était contente, ravie de la conversation qu’elle avait eue avec Élodie », raconte-t-elle. Marie-Pierre Le Gal a aussi levé le pouce pour montrer à quel point elle avait passé un bon moment.
« C’est un beau moment dans ces derniers jours très douloureux », se console Catherine. Quatre jours après cet heureux événement, Mme Le Gal a reçu une dernière visite d’Élodie. Puis elle est décédée trente minutes après son départ.
Le 2 juin 2024, soit à peine plus de deux mois plus tard, naissait la petite Alix, dont le prénom rappellera pour toujours à sa famille son lien avec son arrière-grand-mère.
Que dit la loi Clayes-Léonetti ?
Les dernières modifications du 2 février 2016 de la loi mise en place le 9 juin 1999 visent à renforcer le droit d’accès aux soins palliatifs. La loi Clayes-Léonetti assure entre autres que les directives anticipées sont respectées par le professionnel de santé.
La loi « a clarifié les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en réaffirmant le droit du malade à l’arrêt de tout traitement, à bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme », résume le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins sur son site Internet.
Selon cette loi, Mme Le Gal avait effectivement le droit de refuser l’obstination déraisonnable « à tout moment » et de faire retirer son masque, d’autant plus qu’elle avait exprimé ses directives anticipées. Elle avait aussi le droit de bénéficier de la sédation profonde et continue avant de retirer son masque, ce qui lui aurait permis d’éviter les souffrances liées à la détresse respiratoire entraînée par le retrait du masque, comme nous l’avons vu récemment dans un article sur la sédation profonde et continue.
Articles de cette série sur la fin de vie, l’euthanasie et les soins palliatifs :
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