Emmanuel Macron a annoncé ce mardi en Ardèche son intention de relocaliser en France la production d’une cinquantaine de médicaments essentiels, dont vingt-cinq prochainement, afin de faire face aux pénuries qui ont frappé des produits parfois grand public comme les antibiotiques ou le paracétamol.
« Ces relocalisations dont on a tant parlé montrent que nous avons réinversé le sens de l’histoire », a lancé le chef de l’État sur le site du laboratoire pharmaceutique Aguettant à Champagne, au début d’une semaine de rendez-vous consacrés au renforcement de la souveraineté industrielle et technologique française. « Cette réindustrialisation est en marche », a-t-il martelé sur ce thème qui avait déjà fait l’objet d’une offensive de communication en mai pour montrer qu’il reprenait la main après la crise des retraites, et dont il semble vouloir faire le fil rouge de ses mandats.
450 « médicaments essentiels »
Après avoir visité le laboratoire d’Aguettant, qui va participer à l’effort en renforçant sa production de trois molécules stratégiques d’urgence et de réanimation prêtes à l’emploi qui ont manqué pendant la pandémie, Emmanuel Macron a évoqué une liste de 450 « médicaments essentiels ».
Une liste dévoilée dans Le Parisien par le ministre de la Santé François Braun, qui indique que « pour ces molécules, les industriels devront avoir quatre mois de stock ». Parmi ces molécules, une « liste cœur » d’une « cinquantaine de médicaments essentiels pour lesquels notre dépendance aux importations extra-européennes est avérée » ou dont la production française est insuffisante par rapport à la demande et qu’il faut donc « relocaliser », a expliqué le président de la République.
Vingt-cinq d’entre eux « verront leur production relocalisée ou augmentée significativement », un processus qui débutera « dans les semaines à venir », a-t-il ajouté. Le ministre délégué chargé à l’Industrie précise de son côté que ces transformations auront abouti « d’ici cinq ans ».
Et cela, grâce à huit projets de relocalisations et 160 millions d’euros d’investissements publics et privés, dont celui d’Aguettant et celui du laboratoire britannique GSK pour augmenter la production d’amoxicilline, l’antibiotique le plus prescrit aux enfants et qui est régulièrement en rupture de stock.
Les vingt-cinq autres médicaments à relocaliser dans un second temps feront l’objet d’un « guichet » doté d’une « première enveloppe de 50 millions d’euros » apportés par l’État, a expliqué Emmanuel Macron, qui a aussi dit vouloir favoriser la prévention pour avoir moins recours à certaines molécules utilisées à mauvais escient.
« Vigilance »
Une annonce accueillie avec « vigilance » par le Leem, organisation professionnelle des entreprises qui réclame « un modèle économique viable » pour le médicament dans le prochain budget de la Sécurité sociale.
De son côté, France Assos Santé relève l’absence de conditionnalité de l’aide publique : « il ne faudrait pas que les entreprises soient tentées, après les aides, de redélocaliser pour des questions de rentabilité », indique son administratrice à l’AFP, Catherine Simonin.
« Faire croire qu’Emmanuel Macron aurait fait une politique favorable à la question de la relocalisation et contre les pénuries de médicaments est absolument faux », a fustigé la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot qui met plus particulièrement en garde contre la « pénurie de pilules abortives, extrêmement inquiétante pour le droit à l’IVG dans notre pays ».
La France dépend à hauteur de 60 à 80% des importations, notamment de la Chine, pour la production de médicaments dits matures (antibiotiques, produits d’anesthésie…). Et selon une étude BVA réalisée pour France Assos Santé en mars, citée par l’Élysée, 37% des Français ont été confrontés à des pénuries en pharmacie.
Emmanuel Macron s’est ensuite rendu dans une autre entreprise de l’Ardèche, Chamatex à Ardoix, qui s’est lancée dans la relocalisation de baskets en France. Signe que la page des retraites est tournée après l’échec d’une nouvelle motion de censure contre le gouvernement lundi à l’Assemblée nationale ? À peine une trentaine de manifestants l’attendaient à Champagne, loin des casserolades qui avaient accompagné ses déplacements après la promulgation de la retraite à 64 ans.
Emmanuel Macron réinvestit donc le terrain, sur fond de réflexion sur un possible remaniement gouvernemental pour entamer une nouvelle page de son second quinquennat à l’été. À cet égard, sa venue sur les terres ardéchoises de son ministre du Travail Olivier Dussopt, qui a porté la réforme des retraites et sera jugé en novembre pour favoritisme dans une affaire de marché public, peut être interprétée comme une forme de soutien. Le ministre l’a accompagné dans la visite du laboratoire.
Mercredi, le président fera des annonces au salon VivaTech à Paris, l’un des grands rendez-vous mondiaux de la technologie, sur le « financement, la formation et la recherche en matière d’intelligence artificielle ». « En Européens, nous devons aussi avancer pour réguler et maîtriser cette technologie, au service du progrès et de l’emploi », a-t-il relevé sur Twitter.
Vendredi et lundi, il s’exprimera sur la décarbonation de l’aviation, notamment via des carburants durables produits en France, à l’occasion du Salon du Bourget. « Oui, l’avion zéro émission est possible. Je veux qu’il soit français et européen », a souligné le chef de l’État.
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