Madi Seydi : « La personnalité apaisante de Michel Barnier va faire du bien au pays »

ENTRETIEN – Futur gouvernement Barnier et insécurité à Grenoble, l’éditorialiste Madi Seydi décrypte l’actualité pour Epoch Times.

Epoch Times : Le 5 septembre, Michel Barnier a été nommé Premier ministre par Emmanuel Macron. Au regard de la composition actuelle de l’Assemblée nationale, le chef de l’État a-t-il fait un bon choix en nommant une personnalité issue de LR ?

Madi Seydi : Au regard de la composition de l’Assemblée nationale, la nomination de Michel Barnier a de quoi surprendre. Même si aucun groupe n’a été en mesure de dégager une majorité, les députés LR sont loin d’être les plus nombreux !

Mais si on analyse sa nomination en ayant comme grille de lecture les attentes des Français, je crois qu’elle a du sens. La France penche plus à droite qu’à gauche, notamment sur les questions d’immigration, de pouvoir d’achat et de sécurité. Toutes ces problématiques seront mieux résolues si une personnalité politique issue de la droite est aux commandes.

Pensez-vous qu’il sera en mesure de bâtir des compromis avec toutes les formations politiques ?

Michel Barnier apporte avec lui une expérience politique solide, tant au niveau national qu’européen. Il a été ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac et de l’Agriculture et de la Pêche sous Nicolas Sarkozy. Il a aussi été député et commissaire européen et un négociateur en chef du Brexit respecté. Une expertise européenne bienvenue quand on sait comment les lois votées à Strasbourg et Bruxelles ont un impact sur notre droit interne.

La personnalité apaisante de Michel Barnier va également faire du bien au pays après sept ans de Macronie.

Je crois sincèrement qu’il a la capacité de parler aussi bien à LR qu’au RN, et d’être respecté par une partie du PS, et donc d’être capable de trouver des compromis avec plusieurs formations politiques.

Michel Barnier a promis le 11 septembre qu’un gouvernement serait nommé la semaine suivante. De leur côté, les Républicains ont annoncé un « soutien très clair » des députés et sénateurs LR au nouveau Premier ministre, mais veulent une « politique de droite » avec « plus de sécurité » et « moins d’immigration ». Des personnalités LR vont très certainement entrer au gouvernement. Même si Michel Barnier a promis un gouvernement « équilibré », n’y a-t-il pas un risque que les électeurs de gauche se sentent lésés ? Certains observateurs ont parlé de « hold-up ».

Évidemment, si on regarde la situation chiffre par chiffre, même le NFP, en tant que coalition, peut prétendre avoir obtenu une majorité – relative. Maintenant, à l’Assemblée nationale, ça ne marche pas par coalition, mais par groupe. Donc, en réalité, personne n’a de majorité. Mais je peux comprendre que certains Français soient dans l’incompréhension et estiment que leur vote n’a pas été pris en compte.

Cependant, une autre lecture est possible. Le RN est le parti qui a obtenu le plus grand nombre de voix, à savoir 11 millions. Et ses électeurs peuvent également se sentir lésés par le résultat puisque contrairement à ce que j’entends régulièrement, les électeurs du Rassemblement national ne sont pas tous des gens racistes. Parmi eux, il y a beaucoup des personnes issues de la classe ouvrière qui ont déjà fait confiance à la droite et à la gauche et qui aujourd’hui, n’en peuvent plus.

Le 8 septembre, un agent municipal grenoblois, Lilian Dejean, a été tué par balle par un individu qui avait provoqué un accident de la route. Le suspect, Abdoul D., connu de la justice, est toujours en fuite. Comment analysez-vous l’insécurité à Grenoble ?

Il s’agit malheureusement d’un drame lié à un refus d’obtempérer qui vient s’ajouter à tant d’autres et qui touchent désormais les villes moyennes comme Grenoble, voire les petits villages. Et ce sont souvent des personnes comme cet agent municipal qui en sont victimes.

C’est d’autant plus dramatique que la ville de Grenoble est administrée par Éric Piolle, qui ne prend pas au sérieux la question de l’insécurité. Il est contre les caméras de vidéosurveillance alors qu’elles sont utiles pour les enquêtes. Il est également opposé à l’armement de la police municipale. C’est un maire qui envoie un mauvais message en matière de sécurité.

Et la situation à Grenoble est un peu la même sur l’ensemble du territoire. Au-delà du manque de moyens, il y a une crise de l’autorité. Les policiers ne peuvent plus exercer correctement leur métier puisque certains individus, souvent très jeunes, ne les craignent plus. Celui qui a tué l’employé municipal est âgé de seulement 25 ans et a déjà été condamné 11 fois. Comment une personne avec un casier judiciaire aussi lourd peut-elle être encore en liberté ? Manifestement, les sanctions ne sont plus dissuasives…

Pour ma part, je fais partie des générations qui respectent l’uniforme. Je me souviens, quand j’étais enfant, quand on voyait des policiers nous faire traverser la rue, on les saluait. Il y avait un vrai respect de l’autorité.

L’avocat de la famille de Lilian Dejean a dénoncé « l’indignité » des récupérations politiques. Qu’en pensez-vous ?

Je comprends que la famille de Lilian Dejean, qui n’est certainement pas politisée, puisse être gênée par les récupérations politiques de leur drame. Mais si les politiques ne disaient rien, on entendrait certains crier au scandale en dénonçant l’inaction de ceux qui sont payés par nos impôts et censés assurer notre sécurité. Je dirai également que la récupération fait partie de notre société hyper médiatisée avec des réseaux sociaux qui peuvent relayer des drames très rapidement.

Il est donc tout à fait légitime qu’un politique prenne la parole. La récupération a aussi le mérite de mettre en lumière certaines problématiques.

Ce qui est surtout regrettable, c’est la récupération politique à géométrie variable, en fonction de la nature du drame. Par exemple, quand la police est en cause dans les refus d’obtempérer, on entend la gauche réagir comme jamais. Souvenez-vous de l’affaire Nahel. Autrement, elle reste bien silencieuse.