Des maisons japonaises du XIXe siècle restaurées

avril 16, 2016 9:39, Last Updated: avril 20, 2016 10:21
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Patrick Devedjian, président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, a inauguré le 2 avril dernier, par une cérémonie de pose de la première pierre, la création du nouveau bâtiment du Musée départemental Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt.

Lors de cette cérémonie, Patrick Devedjian a salué les diverses personnalités politiques présentes et l’architecte Kengo Kuma. « Ce nouveau musée, attendu pour 2018, est d’abord un objet architectural particulièrement remarquable signé Kengo Kuma, à qui l’on doit notamment la Cité des Arts de Besançon, le FRAC de Marseille, ainsi que le futur stade des Jeux olympiques de Tokyo. » C’est un grand projet, dont le budget s’élève à 27,8 millions d’euros pour le Département qui permettra d’augmenter la surface d’exposition de 60%.

La pose de la première pierre a été précédée d’une cérémonie de bénédiction de la restauration des maisons japonaises nommée Jyotoshiki. L’objectif de la cérémonie est de souhaiter longue vie aux maisons en cours de restauration, en plaçant les édifices et les personnes qui œuvrent à ce chantier, sous la protection du Saint-Patron des charpentiers. Après le rite de bénédiction de la maison, une plaque commémorative, indiquant le nom du commanditaire – le Président du Conseil départemental –, l’architecte, le maître charpentier et les entreprises, est posée sous le faîtage de l’édifice. La cérémonie s’est déroulée sous la direction du maître charpentier.

Restauration des maisons japonaises

Les bâtiments installés au début du XXe siècle sur la propriété d’Albert Kahn ont été démontés à l’automne 2015. Les pièces les plus abimées seront remplacées ou restaurées grâce aux matériaux en bois arrivés du Japon en janvier 2016. En effet, « le village japonais » était très abîmé. Les deux maisons traditionnelles en bois et cloisons de papier bénéficieront d’une restauration exemplaire qui s’appuiera sur des enquêtes archéologiques et historiques menées sur le bâti japonais, au sein des archives du musée.

Grâce aux connaissances de spécialistes, le délicat sauvetage se déroulera en trois temps. D’octobre à décembre 2015, démontage pièce par pièce numérotée. En janvier, les pièces ont été transportées dans la prairie du jardin anglais, sous une tente de 200 m2. En ce printemps 2016, les maîtres charpentiers remontent les maisons à leur emplacement initial. Une coque de protection les entourera jusqu’en 2017, date à laquelle prendra fin la construction du bâtiment principal, le nouveau bâtiment du musée, imaginé par l’architecte Kengo Kuma.

La restauration s’appuie sur une étude historique et un diagnostic technique précis

Les parois transparentes permettront aux visiteurs de suivre le travail en cours. Chaque partie de bois abîmée sera refaite à l’identique (toutes les essences de bois viennent du Japon) et l’ensemble des toitures, des cloisons amovibles, des paravents, des tatamis, des entrecroisements en bambou et des décors marouflés seront restaurés.

Des traces de pigmentation ocre et bleue sur les bois ont permis de retrouver l’origine géographique de ces maisons villageoises. Elles proviennent du Kantô, dans sa partie proche des contreforts des montagnes, dans la région de Tokyo. Grâce aux 72 000 autochromes – des photos couleur sur plaques de verre réalisées autour du monde – léguées par Albert Kahn, les formes et matériaux des maisons ont été redécouverts : les volutes du toit, le faîtage, ou encore le chaume de l’une, l’autre étant recouverte de lauze. Les différentes phases de la restauration seront photographiées et exposées avec les plans et les dessins de l’avant-projet sur des panneaux autour du chantier.

La restauration s’appuie sur une étude historique et un diagnostic technique précis, réalisés par un archéologue spécialiste de l’architecture japonaise de la fin du XIXe siècle. Ces travaux sont conduits dans le souci du maintien de l’intégrité des matériaux originaux. Les interventions effectuées au sein du jardin sont limitées au strict nécessaire et prennent en compte les logiques paysagères dictées par l’histoire et l’esprit du lieu.

Une incitation à la méditation

Au départ, lors de la première installation, les maisons avaient été fabriquées en quelques jours. Elles ont été montées dans leur pays d’origine, puis démontées pour le transport puis remontées dans le jardin d’Albert Kahn par un charpentier et un maçon japonais. Les constructions d’exposition n’ont jamais été habitées. Entourées d’une collection de végétaux en pot, elles complètent le village.

Les portes coulissantes des maisons appelés shōji sont constitués de papier de riz et des fenêtres placées à hauteur du regard offrent une vision sur le jardin. Ainsi, assis en tailleur sur un tatami, l’hôte et ses invités contemplent le paysage, devenu une succession de tableaux mouvants à regarder depuis l’intérieur de la maison. Entourant le pavillon occidental, une plate-forme nommé engawa, une sorte de véranda, permet de s’asseoir dehors à la belle saison.

À l’intérieur, les pièces sont à usage multiple : réception, salle à manger ou chambre. Le mobilier est rare. Dans le tokonoma, une sorte d’alcôve consacrée à l’art et à la spiritualité, on dépose des bibelots, comme le kakemono, une peinture verticale, estampe ou une calligraphie sur soie, et l’ikebana une composition florale, bonsaï ou autre.

Une colline pour évoquer les pavillons de thé au Japon

Au nord du village japonais, s’élève un pavillon de thé. Une première maison en chaume était située sur un terrain légèrement surélevé. Il est possible que cette colline ait été élevée pour évoquer les pavillons de thé au Japon, représentant les ermitages de montagne. De petite dimension, cette « cabane » imitait alors le style miniature d’une maison de thé traditionnelle, destinée à limiter le nombre d’hôtes. Devenue trop vétuste, elle a été remplacée en 1966 par un pavillon plus grand, offert par l’école Urasenke de Kyôto.

« Rien n’a vraiment changé depuis 1900. Pour entrer dans le village japonais, on franchit toujours un portique avant d’accéder aux maisons ».

-Christian Lemoing, chef de projet de la restauration

Cette « maison de thé », toujours active, complète le village, « afin d’unir dans une même harmonie de sentiment le citoyen de Kyoto et le citoyen de Paris ». En écho au jardin traditionnel, un jardin de conception contemporaine a été réalisé en 1990 par le paysagiste Fumiaki Takano. « L’harmonie du site tient à la fluidité entre les deux jardins. D’un côté se dressent le hêtre pleureur et le cèdre évoquant le yin et le yang, et de l’autre, le pont rouge et le pont en bois qui viennent d’être restaurés à l’identique ».

Christian Lemoing, chef de projet de la restauration, témoigne : « Rien n’a vraiment changé depuis 1900. Pour entrer dans le village japonais, on franchit toujours un portique avant d’accéder aux maisons ; l’ensemble des pierres et les alentours paysagers sont conformes aux autochromes qui montrent également un jardin de glycines et de bonsaïs dans des pots d’époque ».

Une pagode de cinq étages, représente les cinq éléments de l’univers bouddhique

Une pagode de cinq étages existait à l’origine, elle avait été construite dans ce village, entre la laiterie normande et les maisons japonaises. Ce temple, dont les cinq étages symbolisent les cinq éléments de l’univers bouddhique (la terre, l’eau, le feu, le vent et le ciel) rompt alors avec le caractère profane de cette partie du jardin japonais, mais son bois ocre et l’ambiance chaude qu’il crée, s’accordent parfaitement aux couleurs automnales des érables rouges miniatures disposés tout autour. Malheureusement, ce bâtiment a disparu dans un incendie en 1952. Mais, dans le cadre des travaux de rénovation du site, la reconstruction de cette pagode est prévue.

Un cœur pur, calme, sans émotion peut préparer le thé

Au Japon on dit qu’on ne peut bien préparer le thé que si l’on a un cœur pur, calme, sans émotion. Le thé reflète l’état intérieur de celui qui le prépare. Cette recherche de pureté et de simplicité a influencé l’architecture japonaise, la décoration intérieure, la céramique, la peinture et l’art de la laque.

D’avril à juin et en septembre, les mardis et dimanches, un maître formé à l’École Urasenke de Kyoto propose des cérémonies de thé dans le pavillon dédié. L’ensemble de la cérémonie est perçu comme un pèlerinage vers un lieu écarté de la civilisation et vise à se rapprocher de la nature. À l’entrée du jardin, terre humide, un « tsukubai » (pierre creusée et alimentée en eau par un tube en bambou) sert à se purifier les mains et la bouche avant la cérémonie. Une louche est utilisée pour les ablutions.

La cérémonie de thé japonaise représente un grand moment de sociabilité. Au Japon, elle peut durer toute une journée. À la contemplation du jardin succède la cérémonie du thé proprement dite, puis viennent les échanges philosophiques, l’évocation des poètes anciens et les improvisations de Haïku, forme très prisée de la poésie japonaise. Il s’agit d’un poème court visant à célébrer l’évanescence des choses.

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