Des repas « rationnés », des personnes âgées laissées sans soin pendant des jours : l’obsession de la réduction des coûts au sein des maisons de retraite du groupe Orpea, leader mondial des Ehpad et des cliniques privées, se traduit par de graves « dysfonctionnements », selon un livre-enquête qui a suscité lundi des turbulences boursières et les protestations de sa direction.
Dans « Les Fossoyeurs » – à paraître ce mercredi chez Fayard, le journaliste indépendant Victor Castanet décrit un système où les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont « rationnés » pour améliorer la rentabilité du groupe d’Ehpad privés. Et ce alors que les séjours sont facturés au prix fort – près de 6500 euros par mois pour une chambre d’« entrée de gamme » à la résidence « Les Bords de Seine » de Neuilly-sur-Seine, et jusqu’à 12.000 euros par mois.
Or les maisons de retraite, même privées, bénéficient d’importants financements publics, de la part de l’État et des conseils départementaux, souligne le journaliste, pour qui « au moins de manière indirecte, une partie de cet argent public ne va pas au bénéfice des personnes âgées ».
Ehpad : « Le personnel soignant est obligé d’être maltraitant car il fait face à un système violent de réduction des coûts mis en place par Orpea. On m’a proposé 15 millions d’euros pour que je ne publie pas mon enquête. »@VictorCastanet dans le 5/5 de @MattBelliard.#CàVous pic.twitter.com/rABMvWF80r
— C à vous (@cavousf5) January 25, 2022
« Nous étions rationnés »
« J’ai obtenu des témoignages selon lesquels ces dysfonctionnements trouvaient leur origine dans une politique de réduction des coûts mise en place à un haut niveau » de l’entreprise, a résumé l’auteur.
Une auxiliaire de vie, dont M. Castanet a recueilli le témoignage, raconte par exemple à quel point elle devait « se battre pour obtenir des protections » pour les résidents. « Nous étions rationnés : c’était trois couches par jour maximum. (…) Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro, qu’il y ait une épidémie », raconte cette femme, Saïda Boulahyane.
La direction réagit et se défend
« Nous contestons formellement l’ensemble de ces accusations que nous considérons comme mensongères, outrageantes et préjudiciables », a réagi dans un communiqué la direction d’Orpea, fustigeant des « dérives sensationnalistes » et une « volonté manifeste de nuire ». Le groupe indique avoir saisi ses avocats pour donner « toutes les suites, y compris sur le plan judiciaire », à la publication du livre, afin « de rétablir la vérité des faits ».
« Nous avons toujours placé la qualité avant le financier », s’est défendu lors d’un point presse le directeur général du groupe, Yves Le Masne. Selon lui, les témoignages à charge recensés dans le livre émanent d’une minorité d’anciens collaborateurs de l’entreprise qui ont nourri une « rancœur » à son encontre après l’avoir quittée.
Chute libre à la Bourse de Paris
Après la publication de ces accusations dans Le Monde, le titre Orpea à la Bourse de Paris a dévissé de plus de 16%, avant que sa cotation ne soit suspendue, à la demande du groupe. D’autres gestionnaires privés de maisons de retraite ont également fait les frais de cette polémique : au cours de la séance, le titre Korian a perdu plus de 14% et celui de LNA santé plus de 5%, dans un marché globalement en très forte baisse de près de 4%.
Le gouvernement saisit le groupe Orpea
Mardi, le ministre de la Santé Olivier Véran a assuré sur LCI « prendre très au sérieux » le livre, tout en voulant attendre « des éléments factuels ». « Nous allons lui poser des questions [au groupe Orpea], j’attends d’avoir des éléments factuels venant des autorités d’évaluations et de contrôles indépendantes », a-t-il développé, sans exclure l’ouverture d’une enquête.
Par ailleurs, les députés socialistes ont demandé que les parlementaires puissent disposer d’un droit de visite dans les Ehpad sur le modèle de ce qui se pratique pour les lieux de privation de liberté.
« Ces visites peuvent faire bouger les choses. En cas de dysfonctionnements les groupes privés risquent le ‘name and shame’ et cela peut avoir un effet bénéfique sur la prise en charge des résidents », a expliqué la députée Christine Pires Beaune.
Depuis 2000, la loi permet aux parlementaires de visiter à l’improviste les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires. En 2015, ce droit a été élargi aux centres éducatifs fermés.
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