Bien des indices signalent que la classe politico‑médiatique canadienne est en train de perdre tout esprit de collaboration avec la population, au prétexte d’une situation temporaire. Les signes d’une telle tendance sont nombreux et constants, de jour en jour, voire d’heure en heure.
Ou, pour le dire autrement, selon les paroles historiques du premier ministre de l’Ontario Doug Ford : « Le fromage est en train de glisser du cracker. »
Ce même Doug Ford qui vient de déclarer l’« état d’urgence » pour faire face aux quelques centaines de poids lourds qui bloquent les principales artères entre le Canada et les États‑Unis. Du fromage. Du cracker.
Doug Ford et les autres médias politisés semblent être sous l’emprise d’un charme hallucinatoire en avançant que les manifestations de camionneurs risquent de « détruire l’économie ». Selon eux, à travers leurs protestations, les camionneurs constituent la source de tout le problème. Or, ces derniers manifestent à l’évidence en pointant dans la bonne direction, vers la vraie source du problème.
À défaut d’une intervention psychiatrique de grande ampleur pour nos dirigeants en passe de perdre la raison, peut‑être serait‑il utile que le Cabinet du premier ministre détermine réellement les causes et les effets et rétablisse une distinction saine entre le symptôme et la maladie.
Certes, l’obstruction des camionneurs entraîne des perturbations économiques et cet enrayement peut effectivement s’avérer dangereux. De fait, il serait judicieux que tout cela prenne fin rapidement, on en convient. Comment ne pas voir cependant, après deux ans sans interruption de crise du Covid, que les irritations et les démangeaisons ne sont pas la maladie ?
Sommes‑nous devenus amnésiques ? Avons‑nous oublié la maladie sous‑jacente ayant attisé l’exaspération des camionneurs les poussant à traverser le pays tous ensemble ? Avons‑nous oublié ce qui les a amenés à bloquer les rues d’Ottawa, les ponts de Windsor‑Detroit et les autres points sensibles ? Le déploiement, par la classe politico‑médiatique, de mesures publiques alarmantes et leurs justifications toujours plus ubuesques, tout cela s’est‑il perdu dans les brumes de notre mémoire ? Ne voyons‑nous pas que des citoyens libres souffrent sous l’effet de décrets insensés ?
Détruire l’économie, vous dites ? Comme le dit si bien dit Randy Newman : « Où sommes‑nous ? Sur la Lune ? »
Qui a dévasté la vie économique en imposant des confinements qui se sont abattus comme une enclume de deux tonnes sur la classe laborieuse ? Qui a mis des millions de travailleurs du secteur tertiaire au chômage ? Qui a poussé la dette fédérale et provinciale jusqu’aux bords du précipice en payant la population active à rester chez soi au lieu d’investir dans les systèmes de santé ?
Réponse : ce ne sont pas les camionneurs. Ils étaient trop occupés à traverser le Canada et ses frontières pour maintenir en vie la chaîne d’approvisionnement. Voici une liste partielle des autres choses que les camionneurs n’ont pas fait :
- – Nous empêcher de nous rendre au chevet de nos proches âgés ou mourants ;
- – Nous empêcher d’assister aux funérailles, mariages, remises de diplômes, etc. de ceux qui nous sont chers ;
- – Nous empêcher de fréquenter les lieux de culte pour trouver du réconfort dans la louange et la prière ;
- – Nous obliger à montrer nos certificats de vaccination pour effectuer nos activités quotidiennes ;
- – Créer la panique dans nos maisons pour réguler le nombre de personnes qui peuvent nous rendre visite.
Toutes ces mesures, et bien d’autres encore, ont été initiées par la classe politique. Et la classe médiatique a encouragé sans relâche ces mesures en abandonnant sa fonction fondamentale de contrepouvoir. Alors, les camionneurs sont‑ils le problème ?
Non. Le « problème » des camionneurs aurait pu être réglé dès le premier jour. Pour cela, Justin Trudeau n’avait qu’à lever les obligations vaccinales pour les chauffeurs transfrontaliers. Les pneus des poids lourds se seraient dégonflés au fur et à mesure que les mesures liberticides imposées par le gouvernement se dissipaient.
Comme les députés libéraux l’ont dénoncé, le premier ministre préfère davantage se livrer à une politique cynique de division. Son comportement avilissant confirme la thèse de Conrad Black, selon laquelle il est inapte à exercer ses fonctions.
Cependant, focaliser toute son attention sur ce personnage, c’est être myope. Le problème plus profond est la coalition de la classe politico‑bureaucratico‑médiatique qui reste habilement dans ses retranchements tout en clivant les populations. Une classe qui s’octroie le droit de contrôler la manière dont doit penser la majorité, de décider qui sera élu, qui sera exclu.
Nous pouvons peut-être tout réparer encore, la prescription médicale sur le plan politique consistant en vagues successives de nettoyage électoral. La clé ? Des doses régulières. Le clientélisme des partis doit céder la place à la solution du « un mandat et c’est tout » jusqu’à ce que nous rétablissions l’équilibre démocratique.
De même, il faut faire pression sur les administrations entrantes pour qu’elles transforment les sinécures de la haute fonction publique en sièges éjectables.
Quant aux médias traditionnels, depuis un moment déjà, ils ont un pied dans la tombe, n’est‑ce pas ? Eh bien ! désormais, ils sont en train d’y mettre le deuxième. La patience pourrait s’avérer être la solution. Une fois enterrés, nous rendrons hommage aux camionneurs canadiens ayant joué le catalyseur en accélérant opportunément ce processus. Selon les mots inoubliables du grand Tom Waits, nous dirons qu’ils « donnaient du klaxon à toutes les fenêtres de la ville ».
Peter Stockland est un ancien rédacteur en chef de la Gazette de Montréal et cofondateur du magazine Convivium sous les auspices du think tank Cardus. Il est également responsable des communications stratégiques pour le groupe Acacia Law d’Ottawa.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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