Confrontés aux insultes, voire à la violence des manifestants les plus radicaux tout en étant parfois la cible des charges policières, les services d’ordre des syndicats vivent des moments tendus depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites.
Manifestation parisienne du 6 avril, sur l’esplanade des Invalides. Quelques minutes avant le départ du cortège, la cinquantaine de membres du service d’ordre du carré de tête — chargés d’assurer la sécurité des principales figures syndicales — discutent de leurs difficultés à trouver des volontaires. « Chez vous aussi, c’est compliqué ? », demande l’un d’eux à un camarade d’un autre syndicat, qui lui confirme qu’il a fallu battre le rappel au sein de plusieurs fédérations pour renforcer les effectifs.
Quelques kilomètres plus loin, place Denfert-Rochereau, alors que la manifestation s’engage dans la dernière partie du tracé jusqu’à la place d’Italie, une charge policière visant des manifestants violents sépare le carré de tête du reste du cortège. Puis des grenades lacrymogènes, destinées à disperser un groupe s’en prenant à du mobilier urbain, éclatent à proximité du cortège de la CFDT, en tête de la manifestation, dont le service d’ordre doit gérer le reflux paniqué de dizaines de personnes.
« On subit des charges de la police et des agressions des éléments qui sont devant »
Journée de manifestation à peine plus agitée que la moyenne pour les « SO », à pied d’œuvre depuis trois mois et onze journées de mobilisation. « On doit à la fois subir des charges de la police, et aussi des agressions des éléments qui sont devant », soupire un responsable syndical. Car la violence vient parfois de l’autre bord. Apparus en 2016, durant la contestation de la loi Travail, à l’avant des cortèges, les Black blocs et autres manifestants radicaux revendiquent une défiance vis-à-vis des organisations institutionnelles qui pousse certains d’entre eux à s’en prendre aux syndicats et à leurs services d’ordre, accusés de ne pas les protéger, voire de coopérer avec la police.
On est passé de « Assurer la sécurité des manifestants » à « Assurer notre propre sécurité »
Le samedi 11 mars, des échauffourées et des échanges de coups ont ainsi éclaté entre certains Black blocs et le service d’ordre de la CGT, à la fin de la manifestation parisienne. « En théorie, on est là pour assurer la sécurité des manifestants. Mais on est passé de « Assurer la sécurité des manifestants » à « Assurer notre propre sécurité », reprend le responsable syndical, qui regrette de devoir porter des équipements de protection pour manifester.
De fait, l’attirail a changé. Exit les brassards syndicaux comme seuls éléments distinctifs des services d’ordre : désormais, ceux du carré de tête sont casqués et ont le visage camouflé, la plupart gardant à portée de main un masque à gaz qu’ils revêtent quand les incidents se rapprochent. Pourtant, les membres des services d’ordre ne sont pas nécessairement, contrairement aux idées reçues, des gros bras ayant le goût de la bagarre. Ce ne sont pas des professionnels de la sécurité et assurent leur tâche bénévolement.
Rester calme et ne pas monter en pression
« Ce qu’il faut, c’est être calme, ne pas monter en pression, avoir confiance dans le collectif », dit Maud Valegeas, silhouette fluette, enseignante en Seine-Saint-Denis et coordinatrice du service d’ordre de Solidaires. La jeune femme était à la manœuvre le 19 janvier, durant la première mobilisation nationale contre la réforme des retraites.
Solidaires défilait ce jour-là en tête de la manifestation — les syndicats se succèdent à cette place — quand, après de violents heurts, des centaines de personnes avaient reflué du cortège de tête vers le cortège officiel au milieu des gaz lacrymogènes. « Beaucoup de gens n’avaient jamais pris de gaz de leur vie, il a fallu faire avancer le cortège et les rassurer en disant, « Ne vous frottez pas les yeux », « Tenez-vous les uns aux autres, on avance ensemble » (…), on a vraiment dû faire ce travail très « pédagogique », se souvient-elle.
Ce jour-là, aucun incident majeur n’avait été recensé. Mais début février, le service d’ordre entourant le carré de tête avait été la victime collatérale de plusieurs charges de CRS venus au contact du Black bloc et face à la répétition de ce genre de scènes, une certaine lassitude se fait jour. « Au bout d’un moment, les copains rechignent », résume le responsable syndical : « Quand on subit des attaques, des jets de pierre ou de bouteilles, des motards qui passent avec le LBD en notre direction pendant des heures, ça fatigue. »
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