Mauvais départ pour l’opération « Wuambushu » : le tribunal de Mamoudzou a suspendu l’évacuation d’un bidonville prévue mardi dans le cadre de cette action contre la délinquance et l’habitat insalubre, après le refus la veille des Comores d’accepter les bateaux de migrants expulsés.
Initialement prévue mardi à partir de 6h00 locales (3h00 GMT), l’évacuation de Talus 2, un bidonville où vivent plus de 100 familles situé à Koungou, à proximité de Mamoudzou, a été suspendue alors que les familles avaient déjà préparé leurs affaires pour quitter les lieux.
La justice a ordonné à la préfecture « de cesser toute opération d’évacuation et de démolition des habitats visés » estimant que cela mettrait « en péril la sécurité » des autres habitants du bidonville, dont les logements seraient fragilisés. « Je suis trop contente, on a été au tribunal, on a gagné. Rien ne va être détruit, enfin du repos », a déclaré à l’entrée du bidonville Mdohoma Hadja, 33 ans, une habitante pointant les mains vers le ciel en signe de joie.
Les Comores empêchent leurs ressortissants d’accoster
Lundi, le refus des Comores « d’accueillir les expulsés » en empêchant les bateaux d’accoster à Anjouan, l’île comorienne la plus proche de Mayotte, avait déjà semé un doute sur l’avenir de l’opération. La préfecture de Mayotte a annoncé à l’AFP faire appel de la décision de justice, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin estimant que « ce qui met en danger la population c’est l’insalubrité, l’insécurité et la non-reconnaissance du droit de propriété ».
Une opération qui devrait durer plusieurs mois
Sur RMC, la porte-parole du ministère de l’Intérieur Camille Chaize a elle relativisé, assurant que l’opération, qui a « déjà lieu depuis plusieurs semaines », avait vocation à durer « plusieurs semaines, plusieurs mois ». Préparée depuis un an, l’évacuation de Talus 2 devait constituer la première et spectaculaire opération de « décasage » (destruction des cases en tôle) sur l’île depuis l’arrivée, mi-avril, de centaines de renforts policiers et de gendarmerie.
Des jeunes se barricadent et caillassent la police
À cette heure, aucune autre opération de ce genre n’est en « phase active » à Mayotte. Sur place, peu après 6h00, des affrontements sporadiques ont eu lieu entre des jeunes du quartier voisin et des forces de l’ordre déployées en nombre, selon une journaliste de l’AFP. Des barricades de poubelles et de pneus avaient été installées tout le long de l’axe principal de l’île menant au secteur. Les forces de l’ordre, prises à partie par des jets de pierres, ont répliqué par des tirs nourris de LBD et de grenades lacrymogènes.
Partisans et opposants à ces opérations d’expulsion
Signe de la tension extrême sur cette île de l’océan Indien, les déclarations sont de plus en plus virulentes entre partisans et opposants des opérations d’expulsion. « Ces délinquants, ces voyous, ces terroristes, à un moment donné il faut peut-être en tuer », a été jusqu’à affirmer le premier vice-président du Conseil départemental de Mayotte, Salime Mdere, soutien de la majorité présidentielle, sur la chaîne Outre-mer La Première.
« Je connais pas ces propos mais si ils sont tels que vous me les relatez, ils suscitent mon indignation », a répliqué le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti, lors d’un point-presse à la Cour d’appel de Paris.
Dans une tribune au Monde publiée lundi, l’eurodéputé écologiste Damien Carême a lui accusé Gérald Darmanin de « s’attaquer aux pauvres » et de « vouloir faire de Mayotte le laboratoire de sa politique : violente, inhumaine et indigne ». À l’inverse, Marine Le Pen a réclamé lundi « la fin du droit du sol » à Mayotte.
Immigration clandestine et insécurité
Estelle Youssouffa, députée Liot de Mayotte, a elle assuré sur RFI que « la population de Koungou a vécu un enfer toute la nuit » après la décision du tribunal, dénonçant « le travail des associations qui ne comprennent pas où elles mettent les pieds ».
Une grande partie de la population mahoraise soutient ces opérations d’expulsion, accusant l’immigration clandestine comorienne de nourrir l’insécurité sur l’île, dont près de la moitié des 350.000 habitants estimés ne possède pas la nationalité française selon l’INSEE.
La crise prend également une tournure diplomatique, Moroni, qui revendique sa souveraineté sur Mayotte restée française après l’indépendance des Comores en 1974, est vent debout contre cette opération. En 2019, Moroni s’était engagé à « coopérer » avec Paris sur l’immigration, en échange d’une aide au développement de 150 millions d’euros sur trois ans.
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