Le mois dernier, l’opération « Wuambushu » (« reprise », en mahorais) avait essuyé un sérieux revers après la décision du tribunal judiciaire de suspendre en urgence la démolition d’un vaste bidonville à Mayotte. Deux jugements, le premier du tribunal administratif et le second de la chambre d’appel de Mayotte, sont venus retoquer cette suspension. L’occasion de faire le point avec Mansour Kamardine, député Les Républicains du 101e département français, sur l’état de l’opération, mais aussi sur le projet parlementaire relatif à l’immigration dévoilé par sa famille politique ce week-end.
Etienne Fauchaire : Le 17 mai, la chambre d’appel de Mayotte a donné raison à la préfecture et infirmé la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou, qui avait suspendu en urgence la démolition du bidonville de Talus 2. L’opération Wuambushu pourra-t-elle aller jusqu’à son terme ?
Mansour Kamardine : Je crois que désormais l’État a démontré sa capacité à respecter la loi : c’était là le fond de la question. Le préfet a fait un travail extraordinaire, car il a réussi à apporter la preuve qu’il va loger à la fois les Français qui se trouvaient sur ce site, mais aussi les personnes en situation irrégulière. Il a ensuite invité tous ceux qui n’avaient pas à être à Mayotte à rentrer chez eux. Depuis que la situation s’est débloquée, trois voyages en bateau ont permis de ramener des ressortissants comoriens dans leur pays d’origine. Par ailleurs, plusieurs têtes de réseaux mafieux ont été interpellées puis déférées devant le procureur de la République. La conduite de l’opération Wuambushu se poursuit.
La presse s’est fait l’écho de la reprise de la liaison maritime entre les Comores et Mayotte, mais Moroni a néanmoins prévenu lundi dernier que le gouvernement n’accueillerait que les Comoriens en situation irrégulière volontaires pour rentrer au pays. Les expulsions se font donc bel et bien ?
Tout à fait. Le premier jour, 17 personnes ont été reconduites hors de Mayotte. Durant le second voyage, une cinquantaine l’ont été et, hier, il y en a eu environ 70. Je pense que ces personnes-là ont sans doute compris par elles-mêmes qu’elles seraient mieux aux Comores qu’à Mayotte, car les conditions d’accueil sur l’ile sont extrêmement difficiles : il n’y a pas d’avenir ici.
Que vous inspirent les deux décisions du tribunal administratif et de la chambre d’appel de Mayotte, qui ont décidé de retoquer la décision de la présidente du tribunal judiciaire Catherine Vannier, également ancienne vice-présidente du syndicat de la magistrature ?
Ces temps-ci, plusieurs évènements, qui ne concernent d’ailleurs pas spécifiquement Mayotte mais aussi la France dans son ensemble, ont montré qu’un certain nombre de magistrats sont en train de saper le crédit de la justice à l’égard de l’opinion publique, qui se met progressivement à éprouver de la défiance. C’est un fait regrettable car une société saine a besoin d’une justice fonctionnelle. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises : les ennemis de la justice sont à l’intérieur même du système judiciaire. C’est pourquoi il est capital de se ressaisir afin que les Français puissent bénéficier d’une justice qui soit républicaine et au-dessus de tout soupçon. Sans doute ce qui se passe à Mayotte ne pouvait pas laisser nos concitoyens indifférents.
Parmi les mesures contenues dans les propositions de loi déposées par Les Républicains dans le but de mettre fin aux « pompes aspirantes de l’immigration », figure un volet spécifique sur Mayotte : la « suppression du droit du sol à Mayotte » et « l’extension de 5 à 10 ans de la durée de résidence régulière à Mayotte pour la naturalisation ». Est-ce suffisant pour mettre fin au chaos migratoire qui ronge le département ?
Ce sont des mesures qui vont dans la bonne direction. En revanche, il faut aller encore plus loin sur d’autres aspects. Je pense notamment à l’idée d’imaginer que les primo-demandeurs de titres de séjour pour Mayotte le fassent avant leur départ pour l’ile, c’est-à-dire auprès de la chancellerie à l’étranger. Il s’agit d’une piste que j’ai soumis à mes collègues de LR. D’autre part, il faut poser la question de l’accès à la santé pour tous. Qu’on soigne les clandestins dont le pronostic vital est engagé ou dont l’état de santé comporte un risque immédiat pour la personne elle-même ou la santé publique, va de soi. En revanche, que des étrangers en situation irrégulière puissent se rendre à l’hôpital pour une simple céphalée alors que nos services publics sont submergés pose un vrai problème. L’accès à la santé pour tous est un puissant aimant d’attraction de l’immigration. Tout comme l’obligation scolaire. Aussi, il en découle que certaines politiques publiques sont inadaptées à la situation de Mayotte et il faudra les corriger de façon à dissuader les Comoriens tentés de rejoindre l’ile dans le seul dessein de pouvoir en bénéficier. Si ces mesures proposées par ma famille politique sont excellentes, puisqu’elles intègrent plusieurs éléments de revendications exprimés par les Français de Mayotte, il y a lieu de les compléter. Si ce n’est pas fait, je ne manquerai pas de déposer des amendements en ce sens.
Les propositions formulées par LR prévoient une réforme de la Constitution pour, notamment, remettre le pouvoir au Parlement face aux Cours suprêmes et l’inscription dans la loi fondamentale de la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen. L’objectif selon le sénateur Bruno Retailleau : contrer la « révolution juridique silencieuse » et le « gouvernement des juges ». Tant que le droit européen ne sera pas subordonné au droit français, il n’y aura donc pas de maitrise de l’immigration ?
Quelques pays signataires de la Convention européenne des droits de l’homme ont exprimé certaines réserves quant à l’application de cette convention. De la même manière, on peut aussi formuler des réserves vis-à-vis de notre Constitution pour atteindre l’objectif souhaité. Au sein de la République, la vraie Cour suprême, ce sont les électeurs. Quand on est élu sur la base d’un programme électoral, on se doit de faire son possible afin de mettre en œuvre les mesures politiques approuvées par l’expression démocratique. Or, les Cours suprêmes, c’est-à-dire des magistrats n’ayant reçu leur pouvoir que par le seul fait de leur désignation, ont aujourd’hui le dernier mot : ce fonctionnement dans une démocratie n’est pas sain et il convient donc de le corriger.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt a estimé que modifier la Constitution pour inscrire « la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen » est « impossible » et « contraire à la construction européenne ».
Il y aura un débat parlementaire : on saura ainsi qui veut quoi. Chacun a pu constater le yoyo de l’exécutif autour du projet de loi immigration : tantôt cela va se faire, tantôt cela ne va pas se faire, tantôt on va le saucissonner… Je pense que le gouvernement ne sait plus où il en est. Aussi, le groupe Les Républicains a fait preuve d’une belle initiative et d’une grande responsabilité en déposant ces propositions de loi sur l’immigration, car cela permettra aux uns et aux autres de prendre position. À ce titre, je suis heureux qu’Olivier Dussopt ait lu notre projet au point d’avoir déjà pris parti. Mais à ce stade, on ne peut pas affirmer que nos mesures sont contraires à la Constitution. En modifiant la loi fondamentale, le but est de la rendre compatible avec l’ensemble des orientations qui nous semblent nécessaires. C’est précisément car nous pensons qu’on nous opposerait des éléments d’inconstitutionnalité que nous proposons une révision constitutionnelle.
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