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Mediator en appel: l’accusation requiert la «confiscation du bénéfice» engrangé par Servier

juin 1, 2023 13:00, Last Updated: juin 1, 2023 15:07
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Au procès en appel du Mediator, l’accusation a requis mercredi que Servier soit condamné à payer près de 200 millions d’euros, dont 182 millions pour la « confiscation du bénéfice » tiré de ce médicament, responsable de graves effets cardiaques chez des milliers de patients.

Cette peine, inédite en matière de tromperie, est justifiée par « la gravité des faits », a argumenté l’un des avocats généraux, Jean-Philippe Rivaud, estimant « dérisoires » le montant des amendes encourues « eu égard au préjudice causé ».

« Information déloyale » des médecins, « dissimulation » vis-à-vis des autorités sanitaires, patients « utilisés à des fins mercantiles », atteinte à la « confiance dans la médecine »… Lors de deux jours de réquisitoire devant la cour d’appel de Paris, les représentants de l’accusation ont longuement détaillé les griefs imputés au laboratoire et à son ex-numéro deux Jean-Philippe Seta. Tous deux sont rejugés depuis janvier pour « tromperie aggravée », « homicides et blessures involontaires », « obtention indue d’autorisation de mise sur le marché » et « escroquerie ».

Commercialisé depuis 1976 comme adjuvant aux traitements antidiabétiques mais souvent prescrit indûment comme coupe-faim jusqu’à son interdiction en 2009, le Mediator est tenu pour responsable de centaines de décès. Quatorze ans après la révélation d’un des pires scandales sanitaires français, les deux avocats généraux ont requis 13,5 millions d’euros d’amende contre les six sociétés du groupe Servier poursuivies, le maximum encouru.

« Confiscation du produit de l’infraction »

Surtout, ils ont réclamé une « peine complémentaire de confiscation du produit de l’infraction », évaluant à 153 millions d’euros le bénéfice dégagé par Servier sur les ventes du Mediator pendant la période de prévention (1994-2009), auquel ils ont ajouté les dépenses de recherche et développement, estimant que les études lancées sur le Mediator n’étaient destinées qu’à « tenter de sauver le médicament ».

En première instance, le parquet avait requis environ 10 millions d’euros d’amende contre Servier, finalement condamné à 2,7 millions. À l’encontre de Jean-Michel Seta, 69 ans, ex-directeur général de Servier, l’accusation a réclamé cinq ans d’emprisonnement dont deux ferme, aménageables avec un bracelet électronique, et une amende de 200.000 euros. Ils ont estimé que la « participation active » de cet « homme de qualité », bras droit du tout-puissant fondateur Jacques Servier, décédé en 2014, avait « pu être démontrée, malgré ses dénégations ».

Selon l’avocate générale Agnès Labreuil, il ne pouvait ignorer « que le Mediator faisait l’objet d’une enquête de pharmacovigilance », ni les signalements d’effets indésirables graves dès 1999. En mars 2021, Jean-Philippe Seta avait été condamné à quatre ans de prison avec sursis et 90.600 euros d’amende. L’accusation avait requis cinq ans de prison dont trois ferme et 200.000 euros d’amende.

Reprenant chacun des délits reprochés aux prévenus, l’accusation a requis une confirmation de leur condamnation pour « tromperie aggravée » à l’encontre de plus de 7500 parties civiles et « homicides et blessures involontaires » envers 95 victimes.

« Mensonges en bande organisée » pendant 33 ans

« Nous ne sommes pas dans des faits de tromperie ordinaire qu’on appelle souvent le ‘délit d’épicier’ », a argumenté Agnès Labreuil. « Les laboratoires Servier et M.Seta ont trompé pendant 33 ans les médecins et leurs patients » en commercialisant « un produit présentant un risque, (…) identifié dès la fin des années 1960 », a-t-elle estimé. À partir de 1995, lorsqu’une étude démontre que deux médicaments proches du Mediator augmentent le risque d’une maladie pulmonaire grave, on bascule même « d’un risque hypothétique » à « un risque avéré », que Servier fait « le choix délibéré » de dissimuler.

L’accusation a également demandé la condamnation de Servier pour « escroquerie », estimant que la relaxe en première instance s’appuyait sur des « erreurs juridiques ». Pour Jean-Philippe Rivaud, Servier a bien usé de « manœuvres frauduleuses » pour conduire « les organismes sociaux à rembourser » le Mediator.

À l’audience, Servier et Jean-Philippe Seta ont reconnu une « erreur d’appréciation » mais aucune faute pénale, et assurent avoir scrupuleusement respecté leurs obligations réglementaires – des « mensonges en bande organisée », a répliqué l’accusation. La pneumologue Irène Frachon, qui avait révélé l’ampleur du scandale sanitaire, s’est réjouie des « termes très forts » employés par l’accusation, qualifiant le Mediator de « poison » et Servier de « bourreau ». La défense plaidera à partir de lundi. La décision de la cour est attendue le 20 décembre.

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