ENTRETIEN – Un an après l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas en Israël, Aurélien Bernheim et Eli Levy, fondateurs du Mouvement des étudiants juifs français (MEJF), livrent leur regard sur les prises de position françaises depuis le 7 octobre 2023, tant à l’échelle nationale qu’internationale, et exposent les raisons pour lesquelles l’idée d’une solution à deux États représente à leurs yeux une « aberration historique ». L’occasion pour eux d’expliquer en quoi l’héritage intellectuel de Vladimir Jabotinsky, penseur emblématique de l’aile droite du sionisme, qui a inspiré la création de leur université éponyme, peut incarner une boussole idéologique pour appréhender et naviguer à travers les enjeux civilisationnels et géopolitiques contemporains.
Epoch Times : Hormis La France insoumise, l’ensemble de la classe politique française a immédiatement et unanimement condamné l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, exprimant son soutien à Israël. Par la suite, le débat public s’est fracturé au fil de la guerre entre l’armée israélienne et le Hamas. De droite à gauche, quel bilan tirez-vous des diverses réactions et postures aussi bien dans le monde politique que médiatique français depuis les événements du 7 octobre ?
Aurélien Bernheim et Eli Levy : Le 7 octobre restera gravé dans la mémoire du peuple juif comme un traumatisme, qui fait écho à la tragédie de la Shoah et aux persécutions antérieures de son histoire.
Après ces attaques, le président de la République française a réagi rapidement, condamnant les actes terroristes et exprimant son soutien à Israël. Durant l’assaut iranien en avril dernier, la France a aussi pris part à la défense de l’État juif, en interceptant plusieurs des missiles tirés et, le 2 octobre, mobilisé des moyens militaires suite à la nouvelle attaque massive de missiles perpétrée la veille par l’Iran.
Pourtant, en même temps, Emmanuel Macron, s’est également engagé dans une démarche de diabolisation d’Israël qui, si elle n’est pas aussi ouvertement hostile que celle de La France insoumise, produit néanmoins les mêmes effets.
Tout d’abord, bien que le chef de l’État s’est tenu aux côtés d’Israël le 7 octobre, il ne soutient pas sa réponse, son opération contre le Hamas qui vise à prévenir que de telles tragédies ne se reproduisent. L’histoire récente montre pourtant que seules des actions déterminées, comme les frappes contre l’État islamique, permettent d’endiguer les menaces existentielles, et non les condoléances, les bougies, les marches blanches.
Par ailleurs, Israël est la seule nation à avoir été exclue d’Eurosatory, le salon international de défense et de sécurité terrestre organisé à Paris en juin dernier. Cette décision arbitraire, qui émane des plus hautes sphères de l’État, soulève des questions sur la place accordée à Israël et aux Juifs en France. Si Israël peut être mis à l’écart d’un tel événement aujourd’hui, qu’est-ce qui l’empêcherait de l’être demain des Jeux olympiques ou de l’Eurovision, comme le réclamait l’extrême gauche ?
Le positionnement français vis-à-vis de la Cour pénale internationale renforce ce constat troublant : alors que le procureur de la CPI met en équivalence Israël, un État démocratique, et le Hamas, un groupe terroriste, la France n’a émis aucune critique, préférant plutôt rappeler qu’elle « soutient la CPI et son indépendance ».
Cette animosité du gouvernement à l’égard d’Israël, nous avons pu encore l’observer en septembre, lorsque la France a voté à l’ONU en faveur d’une résolution ambitionnant d’imposer un embargo sur les armes pour priver l’État juif des moyens de se défendre, une position que même l’Allemagne a choisie de ne pas soutenir, en s’abstenant.
Enfin, à la veille même du 7 octobre, Emmanuel Macron est allé jusqu’à appeler à un embargo contre les armes utilisées par Israël dans sa guerre contre le Hamas, en dépit du fait que 42 Français aient été tués dans son attaque du 7 octobre et que deux autres Français sont toujours retenus en otage.
Par ses déclarations et ses décisions, Emmanuel Macron, qui a refusé de prendre part à la marche contre l’antisémitisme en novembre dernier, délégitime ainsi Israël, faisant du juif le paria des nations, comme le disait Léon Poliakov. Après le drame vécu par le peuple juif au siècle dernier, on aurait espéré de lui qu’il se tienne au côté d’Israël…
À cela s’ajoute le comportement d’une partie de la gauche française qui n’hésite pas à glorifier les criminels du Hamas et du Hezbollah, fermant les yeux sur leurs exactions, y compris contre des Français. Ceux qui proclament le fameux « plus jamais ça » après la Shoah oublient bien vite qu’une barbarie comparable a eu lieu le 7 octobre, certains osant même qualifier les membres du Hamas de « résistants » ou encore justifier leurs atrocités.
Cette rhétorique de l’inversion victimaire, bien analysée par Pierre-André Taguieff, tente de retourner la réalité. On accuse Israël de ce que ses ennemis arabo-musulmans rêveraient de lui infliger. Ces derniers prétendent que les Juifs commettent un génocide à Gaza, alors même que, parmi les nations, seuls les pays musulmans, en dehors des nazis, ont historiquement voulu exterminer les Juifs. Et ce, dès la création de l’État d’Israël en 1948 : les pays arabes se sont unis non pas pour forcer un plan de partage des terres, mais bien pour éradiquer, détruire l’État juif, la presse de l’époque en Égypte relayant même des slogans tel qu’« Égorgeons tous les Juifs ». À ce titre, on peut aussi rappeler le rôle du grand mufti de Jérusalem, qui a collaboré avec Hitler sur un plan de création de camps d’extermination en Palestine. Ou bien encore le sort des Juifs chassés des pays musulmans, où ils étaient souvent réduits à un statut de dhimmis.
Dans le paysage politique français, seuls les partis de droite – Les Républicains, le Rassemblement national, et Reconquête – ont exprimé sans détour leur soutien à Israël et à son opération militaire contre le Hamas.
Quelques voix au centre se sont également exprimées en faveur d’Israël, mais elles restent sous l’influence directe de Macron, comme Caroline Yadan, dont le remarquable travail pour la libération des otages n’a pas été accompagné d’une condamnation de l’exclusion d’Israël d’Eurosatory, probablement par loyauté envers le président.
Du côté médiatique, à part CNews, la majorité des médias télévisuels se sont déchaînés contre Israël, tout comme la presse écrite, à l’instar du Monde, qui, encore dernièrement n’hésitait pas à présenter Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, sous les traits d’un « chef charismatique ».
Toutefois, malgré cette diabolisation médiatique, l’opinion publique française reste majoritairement favorable à Israël. Cela tient en partie au philosémitisme en France, mais aussi à la compréhension de la menace commune posée par le terrorisme islamiste. Les Français, ayant eux-mêmes vécu des actes de terrorisme, perçoivent bien que l’expansion de l’islam radical constitue une menace partagée, tant pour la France que pour Israël.
En mai dernier, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, trois pays actuellement dirigés par des gouvernements de gauche, ont décidé de reconnaitre un État de Palestine. Le 28 septembre dernier, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a déclaré que la « seule voie vers la paix » serait une solution à deux États, faisant ainsi écho aux désidératas du chef de l’ONU, António Guterres. Vous estimez que cette proposition est une chimère. Quel est votre raisonnement ?
L’idée de créer deux États sur le territoire de l’actuel Israël relève d’une aberration historique, car cette « solution » a en réalité déjà été mise en œuvre en 1923.
Après la Première Guerre mondiale et la dissolution de l’Empire ottoman, la France et le Royaume-Uni se sont partagé les territoires ottomans du Moyen-Orient selon les termes des accords Sykes-Picot de 1916 et des mandats confiés par la Société des Nations, ancêtre de l’ONU. La France a reçu le mandat sur le Liban et la Syrie, tandis que le territoire de la Palestine a été placé sous mandat britannique en 1920, lors de la conférence de San Remo, pour y établir un foyer national juif.
À l’origine, la Palestine mandataire comprenait l’ensemble des territoires actuels d’Israël et de la Jordanie. Cependant, en 1923, les Britanniques ont décidé de céder 77 % de ce territoire à Abdallah Ier, qui devint l’émir de la Transjordanie, renommée plus tard Jordanie. Le terme « Transjordanie » n’a aucune racine historique particulière, se limitant à une simple désignation géographique : le territoire « au-delà du Jourdain ».
Ce partage, en réalité, a privé les Juifs de l’essentiel de la terre qui leur avait été promise pour restaurer leur nation ancestrale, conformément à la Déclaration Balfour de 1917. Et aujourd’hui, on nous fait croire que les 23 % restants doivent encore être divisés !
Cette exigence n’a aucun sens, surtout lorsque certaines voix prônent un nouveau partage de ces territoires, allant jusqu’à envisager une division ahurissante à hauteur de 50/50. Pour nous, il est évident que la division de la terre d’Israël a déjà largement eu lieu, et qu’il n’est pas question d’en faire davantage. La Jordanie constitue déjà donc un État pour les Arabes de Palestine.
Bien que le partage ait déjà été acté à cette époque, le mythe d’une solution à deux États demeure un mirage auquel beaucoup continuent de s’accrocher.
Ce qui est frappant, c’est de constater qu’Israël est systématiquement la nation sommée de faire de nouvelles concessions, comme si c’était ce pays qui bloquait la solution à deux États. L’histoire montre pourtant le contraire. En 1937, la commission Peel a proposé un premier partage de la nouvelle Palestine : les Juifs n’auraient obtenu qu’une petite partie au nord, Jérusalem serait placée sous un régime international, et le reste reviendrait aux Arabes. Les Juifs ont accepté cette proposition, mais les Arabes l’ont rejetée, aspirant à la création d’un grand État arabe. De même, en 1947, l’ONU a proposé un nouveau plan de partage, accepté par les Juifs et de nouveau refusé par les Arabes.
Après la guerre de 1948, la Cisjordanie (ou Judée-Samarie) a été annexée par la Jordanie jusqu’en 1967, sans qu’un État palestinien ne soit jamais proclamé. Gaza, de son côté, était sous administration égyptienne, et il n’y a eu aucune revendication nationale palestinienne durant cette période. Cela montre bien qu’avant 1967, l’idée d’un État palestinien indépendant n’était pas une revendication pour les habitants de ces territoires !
L’identité nationale palestinienne est en réalité une construction politique relativement récente. En 1964, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a été créée pour « libérer » la Palestine, alors même que… le territoire était sous contrôle jordanien. Au lieu de se battre contre les occupants jordaniens, l’OLP s’est est pris… à Israël, visant sa destruction pour restaurer une souveraineté arabe et musulmane.
Les accords d’Oslo des années 1990 ont illustré une nouvelle fois l’illusion de ce projet de partage. Beaucoup ont cru voir en Yasser Arafat un interlocuteur de bonne foi, mais ces accords ont échoué en raison de l’exigence par Arafat du retour de cinq millions d’Arabes sur le territoire israélien, ce en vertu du fameux « droit au retour » de l’ONU, qui octroie un statut de « réfugié palestinien » aux Arabes des territoires palestiniens, mais aussi à leurs descendants. Cette belle escroquerie aurait tout bonnement conduit à la disparition de l’État juif par la démographie : Israël ne recensait pas alors 5 millions d’habitants.
Aujourd’hui, certains militants pro-palestiniens comme Rima Hassan prônent d’ailleurs la création d’un État binational, ce qui reviendrait là aussi à diluer l’identité juive dans un pays majoritairement arabe, entraînant la disparition d’Israël et le retour des Juifs au statut de dhimmis, leur condition historique dans les pays islamiques.
Par ailleurs, on évoque souvent l’idée de revenir aux « frontières de 1967 », un vrai catéchisme sur les plateaux de télévision. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Ces « frontières » ne sont pas des délimitations établies par un accord définitif, mais simplement des lignes d’armistice, où les armées se sont arrêtées temporairement après les combats de 1948. Elles ne constituent pas une frontière formelle ; ce sont plutôt des traces des hostilités cessées, sans aucun mur ni barbelé les matérialisant. Pour illustrer cela, c’est un peu comme si, durant la Première Guerre mondiale, Français et Allemands s’étaient arrêtés à Verdun, établissant un cessez-le-feu : cette ligne aurait marqué une pause des combats, pas une véritable frontière.
Une autre proposition absurde est celle de diviser Jérusalem en deux pour en faire la capitale d’un hypothétique État palestinien. Toute personne qui a déjà mis les pieds à Jérusalem sait qu’une telle division serait totalement impraticable. C’est un peu comme si l’on essayait de couper Venise en deux : les rues sinueuses, les quartiers entremêlés, et la topographie de Jérusalem rendent une telle séparation impossible. On se souvient des divisions douloureuses de Berlin pendant la Guerre froide, des familles déchirées par le Mur, et de l’appel universel à ne plus jamais répéter ce genre de séparation. Pourtant, certains sont prêts à plaider en faveur d’une scission tout aussi injuste pour Jérusalem…
Historiquement, l’idée que Jérusalem pourrait devenir la capitale d’un État palestinien n’a jamais existé. En 1948, lors de la déclaration d’indépendance d’Israël, Jérusalem devait être placée sous un statut international, conformément aux recommandations de l’ONU. Après la guerre d’indépendance, Israël a pris le contrôle de la partie ouest de la ville et l’a déclarée sa capitale, tandis que la partie est tombée sous occupation jordanienne. Pourtant, à aucun moment, cette Jérusalem-Est n’est devenue la capitale d’un État palestinien, car un tel État n’existait pas et la ville était simplement intégrée au territoire jordanien. Jérusalem, donc, n’a jamais été envisagée comme une capitale palestinienne dans l’histoire contemporaine, contrairement à ce que certains veulent faire croire aujourd’hui !
Entre 1948 et 1967, sous occupation jordanienne, la situation à Jérusalem était bien différente de la vision idéalisée qu’on veut parfois en donner. Les Juifs étaient interdits d’accès à leurs lieux saints, notamment au Mur des Lamentations. La ville elle-même était négligée par les autorités jordaniennes, au grand dam de nombreuses familles palestiniennes qui en ont voulu à la monarchie jordanienne de reléguer Jérusalem au second plan. La centralité administrative et politique se trouvait en Jordanie, et Jérusalem n’était qu’une ville délaissée… Cela illustre l’hypocrisie de ceux qui affirment aujourd’hui que Jérusalem a toujours eu une grande importance symbolique pour le monde musulman : entre 1948 et 1967, alors que la ville était sous contrôle jordanien, elle fut en grande partie ignorée et laissée à l’abandon.
Les Arabes de Palestine accusent Israël de mener une politique d’expropriation, soutenant qu’ils étaient présents sur ces territoires avant les Juifs. Quelle est votre réponse à cette affirmation ? De plus, puisque la Jordanie représente à vos yeux le véritable État palestinien après la division de la Palestine mandataire en 1923, cela signifie-t-il que, selon vous, les habitants de Gaza et de Cisjordanie devraient émigrer en Jordanie s’ils refusent de vivre dans un État juif ?
Avant 1948, toutes les terres sur lesquelles les Juifs pionniers se sont installés en Palestine ont été légalement acquises auprès de propriétaires arabes, soit par des particuliers, soit par des institutions comme le Fonds national juif ou le Keren Kayemeth LeIsrael (KKL). Ces transactions étaient effectuées avec l’accord des propriétaires arabes de ces terres. Ainsi, l’établissement des Juifs en Palestine s’est fait dans un cadre légal et contractuel.
Par ailleurs, il est faux de prétendre que les Arabes étaient là les premiers et que les Juifs sont des « nouveaux arrivants » ou des « colons ». Historiquement, la présence juive sur cette terre est ancienne, remontant à des millénaires. Pour illustrer cette continuité, il suffit de se pencher sur l’histoire de Noël, qui célèbre la naissance de Jésus, un Juif vivant en Judée, se rendant régulièrement au Temple de Jérusalem. La présence juive en Israël est profondément enracinée, et la plupart des villes actuelles sont liées au monde juif : les noms arabes sont souvent des traductions ou des adaptations de noms hébreux.
Le terme « Palestine » a été quant à lui attribué par les Romains en 135 de notre ère, après la révolte de Bar-Kokhba, afin de renommer la région de Judée et d’effacer les liens juifs avec cette terre. Le nom fait référence aux Philistins, un ancien peuple ennemi des Juifs. Ainsi, même le terme « Palestine » est lié à l’histoire juive. Entre l’expulsion des Juifs par les Romains en 135 et la création de l’État d’Israël en 1948, il n’a jamais existé d’État palestinien indépendant. La Palestine était simplement une région, une province intégrée successivement dans divers empires, dont l’Empire ottoman, le dernier à l’administrer avant le mandat britannique.
Il est aussi paradoxal que certains accusent les Juifs de « colonisation ». En réalité, un Juif revenant en Judée-Samarie, sa terre ancestrale, ne peut être considéré comme un colon. Le mot « Juif » vient de « Judéen », qui désigne un habitant de la Judée. En revanche, les Arabes venus d’Arabie qui se sont installés dans toute la région méditerranéenne lors des conquêtes musulmanes pourraient, eux, être qualifiés de colonisateurs. Contrairement à cette expansion violente, le peuple juif, depuis son retour en Israël, a su faire preuve de tolérance et intégrer les minorités dans sa société. À l’inverse, dans le monde musulman, les Juifs et les chrétiens ont souvent été traités comme des « dhimmis », des citoyens de seconde zone, avec des droits restreints, une situation qui peut être comparée à une forme d’apartheid.
Concernant la situation actuelle, Israël, en tant qu’État démocratique, accorde des droits égaux à tous ses citoyens, y compris les Arabes qui composent environ 20 % de la population israélienne. Ces citoyens arabes jouissent des mêmes droits et libertés que les autres Israéliens, qu’ils soient Juifs ou non. Ils peuvent vivre en tant que citoyens à part entière, à condition de respecter la souveraineté de l’État d’Israël et de lui prêter allégeance.
Pour les Arabes qui ne souhaitent pas vivre sous un État juif, des alternatives existent : ils peuvent émigrer vers un des nombreux pays arabes ou bien choisir de vivre en Jordanie, historiquement le territoire prévu pour accueillir les Arabes vivant encore à ce jour dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
La philosophie que vous venez d’exposer s’appuie sur la pensée de Jabotinsky. Pour commencer, qui était-il ? Ensuite, pourquoi, alors qu’il reste relativement méconnu aujourd’hui, estimez-vous qu’il devrait être réhabilité dans la pensée moderne ?
Vladimir Ze’ev Jabotinsky (1860-1940) était un penseur et leader sioniste de la fin du XIXᵉ et début du XXᵉ siècle. Issu d’une Europe d’avant la Shoah, il s’est inscrit dans la grande pensée juive moderne de l’époque : le rétablissement de l’État juif en Palestine, alors sous domination ottomane.
Pour concrétiser et accélérer ce processus, Jabotinsky a fondé en 1923 le Betar, un mouvement de jeunesse sioniste destiné à dispenser aux jeunes Juifs une formation intellectuelle sioniste, à leur inculquer un sentiment de fierté, à faire d’eux des leaders intègres et responsables. À une époque où beaucoup de Juifs en Europe étaient marginalisés et soumis aux violences antisémites, en particulier dans l’Europe de l’Est, le Betar leur apprenait à se défendre et à être fiers de leur identité, mettant un fort accent sur l’idée de Hadar (qui signifie « noblesse » ou « grandeur » en hébreu). Cette philosophie visait à enseigner à chaque membre une conduite basée sur la discipline, l’honneur, l’engagement et la noblesse d’esprit, à la fois sur le plan personnel et national, reflétant la vision de Jabotinsky d’un peuple juif digne, fier et fort. Son but ultime était de promouvoir l’immigration vers la Palestine et d’y établir un État juif.
Jabotinsky a aussi fondé la Légion juive au sein de l’armée britannique. Pendant la Première Guerre mondiale, elle a permis pour la première fois depuis l’Antiquité à des soldats juifs de combattre sous un commandement juif, arborant le drapeau juif aux côtés du drapeau britannique, espérant ainsi soutenir la cause sioniste en Palestine.
En dehors de sa pensée religieuse et sociale, il nous apparait important de connaitre et réhabiliter Jabotinsky pour sa doctrine du « mur de fer », particulièrement à notre époque contemporaine. Ce « mur de fer » n’était pas un mur physique, mais une politique de force et de dissuasion. Il était convaincu que les Arabes refuseraient de partager la Palestine, motivés par un sentiment panarabe et par la perception que les Juifs étaient une minorité faible.
Selon lui, la seule façon de garantir l’établissement d’un État juif était de développer une puissance militaire et politique suffisamment forte pour être dissuasive. Ce n’est qu’une fois que les Arabes accepteraient la réalité d’un État juif que de véritables négociations de paix deviendraient possibles.
En quoi sa vision du sionisme différait-elle en matière territoriale de celle portée par les sionistes de gauche ?
Contrairement aux visions idéalistes du sionisme de gauche, qui pensaient qu’il serait possible de négocier la paix avec les Arabes par des concessions diplomatiques ou par des valises de billets, Jabotinsky considérait cela comme une illusion. Pour lui, la seule approche réaliste était celle de la fermeté.
Un exemple marquant lui donnant raison est celui du Premier ministre Ariel Sharon, pourtant une figure emblématique de la droite israélienne, qui, en 2005, a orchestré le retrait unilatéral de la bande de Gaza, entraînant l’expulsion des familles juives qui y résidaient. Loin de favoriser la paix, cette concession a conduit à l’élection du Hamas en 2007, un groupe dont la charte prône ouvertement la destruction d’Israël et l’assassinat des Juifs.
Certaines critiques à gauche ont accusé Jabotinsky de racisme ou de fascisme, mais ces accusations, fausses, provenaient de ses opposants politiques, comme David Ben Gourion, animé par une vision socialiste. En réalité, Jabotinsky défendait l’idée d’une stricte égalité entre Juifs et Arabes dans l’État d’Israël, à condition que les Arabes prêtent allégeance à l’État juif. Pour lui, Israël devait être un État démocratique, et il envisageait même la possibilité qu’un jour un Arabe devienne Premier ministre.
Jabotinsky ne souhaitait ni expulser ni opprimer les Arabes, contrairement à ces derniers, mais il était lucide quant aux obstacles à la coexistence pacifique.
À l’heure où nous parlons, ses prévisions se sont révélées en grande partie prophétiques : bien que certains pays arabes aient conclu des traités de paix avec Israël (comme l’Égypte et la Jordanie), ces accords restent fragiles. Et la politique de dissuasion forte qu’Israël doit adopter aujourd’hui, notamment vis-à-vis du Hezbollah au Liban, montre que la vision de Jabotinsky était la bonne, puisqu’elle s’inscrit dans sa doctrine du mur de fer.
L’héritage de Jabotinsky demeure donc pertinent à ce jour. Les accords d’Abraham, négociés avec le soutien des États-Unis sous Donald Trump, et les tentatives de rapprochement avec des pays comme l’Arabie Saoudite montrent qu’une partie du monde arabe reconnaît désormais l’intérêt de la paix avec Israël, plutôt que de maintenir des hostilités infructueuses.
En dehors des accusations de « fascisme » portées contre lui par la gauche, comment expliquez-vous que son nom et l’héritage que vous évoquez restent relativement méconnus du grand public, contrairement à celui de Ben Gourion ?
Car pendant les premières décennies depuis la création de l’État d’Israël, c’est la gauche qui a dominé la vie politique, jusqu’à l’arrivée de Menachem Begin en 1977. Durant cette période, l’apport de la droite à la fondation de l’État d’Israël a souvent été minimisé, voire effacé. Cela s’est traduit par une mise à l’écart des figures de droite comme Jabotinsky et de leurs contributions au sionisme.
David Ben Gourion, l’un des fondateurs de l’État d’Israël et figure emblématique de la gauche, s’est même opposé au retour du corps de Jabotinsky en Israël pendant son mandat, et ce n’est que dans les années 1960 que ce rapatriement a été accepté.
Le dénigrement de la droite a également touché les mouvements de résistance qui ont contribué à la création de l’État juif. L’Irgoun, un groupe de résistance en Palestine mandataire affilié à la droite, a vu son rôle réduit ou occulté, tandis que la Haganah, associée à la gauche, a été mise en avant comme le principal acteur de la lutte.
Un autre exemple de cette réécriture de l’histoire concerne le soulèvement du ghetto de Varsovie. Dans ce combat contre les nazis, deux groupes de résistance juifs étaient présents : le premier était de gauche, le second de droite. Pourtant, la version officielle en Israël présente souvent ce soulèvement comme uniquement conduit par le groupe de gauche. Ce récit a été facilité par la disparition des combattants de droite, qui, étant tombés au combat, ne pouvaient plus témoigner de leur propre héroïsme.
C’est Menachem Begin qui, après avoir accédé au pouvoir en 1977, a réhabilité la figure de Jabotinsky et remis ses idées et contributions sur le devant de la scène.
Au sein du Mouvement des étudiants juifs français (MEJF), nous nous réclamons de cet héritage intellectuel. Et c’est pourquoi nous avons décidé de lancer l’Université Jabotinsky, en partenariat avec le KKL France et l’Organisation sioniste mondiale. Gratuite pour les étudiants et ouverte à tous, cette université populaire dispense des cours le dimanche au siège du KKL une fois par mois en compagnie d’experts et professeurs qui abordent des thématiques variées, dont l’histoire contemporaine d’Israël, le franco-judaïsme, les sionismes, ou encore le Liban. Dans l’esprit de l’œuvre entreprise par le Betar au début du XXe siècle, l’Université Jabotinsky porte le projet ambitieux de délivrer une solide formation intellectuelle aux jeunes générations, pilier de la future élite intellectuelle et politique française.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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