Fermetures d’usines et licenciements : le géant du pneu Michelin a annoncé plus de 1200 suppressions d’emplois en France, avec la fermeture en 2026 de deux usines dans l’ouest, à Cholet et Vannes. Le groupe industriel français avait déjà fortement réduit son empreinte en France en fermant six usines en vingt ans. Le géant des pneumatiques prépare aussi la fermeture d’ici 2025 de deux usines en Allemagne.
Ces annonces interviennent dans une conjoncture déjà dégradée pour l’emploi en France, notamment dans l’industrie, avec une multiplication des plans de licenciements. Le syndicat CGT a recensé « 180 plans de licenciements », carte du pays à l’appui, qui concernent « en termes d’emploi direct et indirect autour de 100.000 salariés », avait déclaré sa secrétaire générale, Sophie Binet.
En Europe, c’est l’ensemble du secteur automobile qui souffre d’un marché en berne, de normes européennes freinant le développement industriel et d’une concurrence chinoise déloyale.
Une journée noire pour l’emploi en France
Dans l’usine Michelin de Cholet, « ils ont mis les 900 salariés dans une salle comme des vaches à l’abattoir et annoncé que c’était fini », a réagi Morgane Royer, déléguée du syndicat SUD. « C’est la version voyou du capitalisme », a condamné devant les salariés le maire de droite de la ville, Gilles Bourdouleix.
« Aujourd’hui, on ferme deux sites et on met plus de 1200 salariés au chômage pour que Michelin fasse plus de bénéfices et donne plus de dividendes à ses actionnaires », a protesté le délégué syndical central CGT, Romain Baciak.
Malgré les justifications par les deux groupes français des difficultés économiques qu’ils traversent, et leurs promesses de reclassements des salariés concernés, le gouvernement français est rapidement monté au créneau.
Ces suppressions d’emplois sont « évidemment éminemment préoccupantes », a déclaré le ministre de l’Economie et de l’Industrie, Antoine Armand.
La CGT avait notamment pointé les difficultés des filières automobile, chimie, verre et céramique. C’est le résultat de « l’échec total de la politique de l’offre » du président Emmanuel Macron, avait estimé Mme Binet. « Nous devons créer ou recréer de l’emploi industriel, comme maintenir l’emploi agricole dans notre pays », a affirmé pour sa part le chef du gouvernement.
Michel Barnier a dit être « en désaccord » avec la décision du groupe automobile Michelin de fermer ses sites de Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire), où travaillent au total 1254 salariés. Il a indiqué avoir rencontré son PDG, Florent Menegaux, « il y a quelques jours ».
Michelin, un fleuron industriel français qui se dégonfle
Fleuron industriel mondial, Michelin a multiplié les fermetures de sites en France ces dernières années. L’annonce de la fermeture des usines de Cholet et Vannes est la conséquence d’une forte baisse d’activité dans le secteur automobile français et plus largement européen.
Le géant des pneumatiques avait installé sa première usine en 1889 à Clermont-Ferrand. À l’origine, 52 ouvriers y travaillent à la fabrication de patins de freins pour vélo. Au cours du XXe siècle, Michelin accompagne le développement des bicyclettes puis des automobiles et devient une des multinationales tricolores les plus connues, avec des pneus d’excellente réputation, des victoires en Formule 1 et en rallye.
Le Bibendum, dessiné à partir d’un empilement de pneus et devenu un des logos les plus connus dans le monde, a fêté ses 125 ans en 2023. Et le Guide Michelin reste une référence pour les gourmets.
Le groupe a misé sur les pneus haut de gamme et pèse désormais 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec plus de 130 sites et 132.500 salariés dans le monde fin 2023, dont 19.000 en France (contre plus de 23.000 en 2013).
En 2006, il ferme le site de Poitiers, puis Toul (2008), Joué-lès-Tours (2014) et La-Roche-sur-Yon (2020), avant une nouvelle vague de 2300 suppressions de postes en France en 2021.
Le groupe construit parallèlement des usines géantes en Pologne, Espagne, Brésil, Chine ou Thaïlande, en délocalisant sa main-d’œuvre et son savoir-faire.
Une baisse de la demande plombée par le marché européen
Dans un contexte de chasse à ce qui pollue, le fabricant est en pointe dans la recherche sur les nouveaux matériaux et vise à ne produire que des pneus en matières renouvelables ou recyclées à l’horizon 2050.
Après avoir traversé la pandémie de Covid, le groupe doit désormais affronter la baisse des ventes d’automobiles. Le Bibendum se retire progressivement de France pour des questions de coûts, comme de nombreux groupes industriels soumis à la concurrence internationale.
« La France reste un pays stratégique pour Michelin », a souligné M. Menegaux. « Nous avons investi en France 2,5 milliards d’euros au cours des dix dernières années et nous allons continuer d’investir dans les années qui viennent. »
Le marché automobile européen a fortement baissé au mois d’août, entraîné notamment par la morosité des marchés allemand, français et italien. Les ventes de voitures électriques ont enregistré leur quatrième mois de baisse en août (-43,9 %), repassant sous la barre des 100.000 véhicules. Les voitures à essence ont baissé de 17,1 % sur un an, avec 33,1 % des immatriculations. Les ventes de modèles diesel sont en chute libre sur la plupart des marchés européens (-26,4 %) et représentent 11,2 % du marché.
En cause, des constructeurs automobiles européens qui risquent 15 milliards d’euros d’amendes s’ils ne respectent pas les règles de l’UE sur les émissions alors que les ventes de voitures électriques ralentissent la production automobile totale sur le Vieux continent.
Voitures électriques : le grand suicide européen ?
42 millions d’euros reçus de l’État en 2023
Le Premier ministre Michel Barnier a dit le 5 novembre vouloir « savoir » ce que les groupes Auchan et Michelin, qui prévoient de fermer plusieurs sites avec des milliers d’emplois menacés, ont fait « de l’argent public qu’on leur a donné ».
« Je ne suis pas fier […] d’une politique qui détruirait des emplois, jamais », a déclaré le chef du gouvernement devant l’Assemblée nationale, disant avoir « le souci de savoir ce qu’on a fait dans ces groupes de l’argent public qu’on leur a donné ».
« Je veux le savoir. Et donc nous allons poser des questions et nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé pour en tirer les leçons », a-t-il développé, en réponse à une question sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dont ont profité Auchan et Michelin lorsqu’il existait encore.
Michelin a rappelé ne plus toucher le CICE, transformé en 2019 en baisse durable de cotisations sociales. Le fabricant de pneumatiques a par ailleurs indiqué avoir reçu de l’État en 2023 42 millions d’euros, essentiellement par le biais du Crédit d’impôt recherche, qu’il juge « très important » pour « rendre les chercheurs compétitifs ».
Dans un communiqué, le leader communiste Fabien Roussel a appelé « à un moratoire sur les plans de licenciement ».
« Notre industrie est engluée dans une crise structurelle, notamment sur la question énergétique », a poursuivi le numéro un du PCF, estimant que « le gouvernement peut immédiatement baisser de 30 % le prix de l’électricité pour nos entreprises, comme pour les ménages », en « sortant du marché européen de l’énergie, mais aussi de se donner réellement les moyens de développer notre production nucléaire ».
L’argument a été partagé par Marine Le Pen (RN), qui a dénoncé « l’échec total d’Emmanuel Macron à enrayer la désindustrialisation de notre pays ». Elle a également réclamé une baisse des « impôts de production » et la sortie « des règles européennes de fixation des prix de l’énergie » en évoquant « l’avantage compétitif que devrait nous procurer notre production nucléaire ».
Des centaines de manifestants et un ministre invectivé
Plusieurs centaines de salariés de Michelin ont manifesté le 8 novembre contre les fermetures annoncées des sites de Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire), où le ministre de l’Industrie a été pris à partie verbalement par des employés en détresse.
Le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, est resté « trois minutes » devant l’usine, quittant les lieux peu avant 13 h 00 après un échange tendu, selon des syndicalistes.
« Je regrette profondément » la décision de fermer les sites de Cholet et de Vannes « comme je regrette la manière dont elle a été annoncée aux salariés », avait un peu plus tôt dit le ministre en sortant d’un comité de pilotage à la sous-préfecture avec des représentants syndicaux et des élus locaux.
Dès le début de la matinée, des pneus avaient été enflammés devant le site Michelin, avec des banderoles ou inscriptions sur les murs évoquant les « vies brisées » et les « années à trimer pour se faire jeter ».
« Merci pour ce super Noël! », ont ironisé les quelque 900 « enfants de Michelin » à Cholet, recevant de nombreux signes d’encouragement des passants.
À Vannes, les salariés ont manifesté dès 06 h 30 pour demander le maintien des emplois en France, avant de planter des croix blanches symbolisant la mort programmée de leur usine. Quelque 200 salariés étaient aussi rassemblés à Clermont-Ferrand, où se situe le siège social, en solidarité avec Vannes et Cholet.
Marc Ferracci a indiqué que le gouvernement allait publier « dans les prochaines semaines un plan d’urgence pour la filière automobile à l’échelle française et européenne », pour « agir de manière structurelle ». Le plan comprendra des mesures de soutien à la demande et à l’investissement, et « des mesures de protection commerciale qui touchent l’ensemble de la filière. »
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