Mobilité bancaire : moment de vérité

7 décembre 2016 07:00 Mis à jour: 7 décembre 2016 10:45

Le 6 février 2017, les Français pourront plus facilement changer de banque. Le dispositif de la loi Macron, qui entrera en application à cette date, donnera un nouveau cadre à la mobilité bancaire, dans lequel les établissements prendront en charge les opérations nécessaires. La mesure devrait ainsi renforcer la concurrence du secteur et tirer vers le haut la qualité du service bancaire des établissements.

« On mise beaucoup sur cette loi, reconnaît le patron d’une banque en ligne. On s’attend à une acquisition de clients beaucoup plus importante, car la loi Macron va décoincer les réflexes. » « Ce sera un bon aiguillon : cela va nous pousser à faire davantage pour nos clients et à mieux traiter les réclamations », analyse un directeur général de banque coopérative.

D’après le rapport d’Inès Mercereau intitulé « Portabilité du compte bancaire », remis fin 2014 au ministre des Finances, la France accuse un certain retard sur les pays d’Europe. « Les clôtures de compte annuelles issues d’une mobilité seraient supérieures à 3,5 millions », portant la mobilité bancaire à 4,5% par an. Depuis le 18 septembre 2016, les banques ont l’obligation de délivrer à leurs clients une information sur la mobilité bancaire. Cette démarche, gratuite et sans condition, prépare le basculement qui s’opérera début février. Il sera alors possible au client, par simple présentation de RIB et signature d’un mandat de mobilité bancaire, de demander à sa nouvelle banque la prise en charge des changements nécessaires au transfert des comptes bancaires.

Les opérations récurrentes et les chèques non débités sur les treize derniers mois seront également de la responsabilité du nouvel établissement. Le tout dans un cadre réglé comme une horloge suisse : entre la demande du client et la mise en place effective, d’après le dispositif, il ne doit pas s’écouler plus de 22 jours.

La part grandissante des banques en ligne

De nombreux rapports le confirment, les chiffres sur la confiance des Français en leur banque sont au plus haut : d’après le Baromètre de l’image des banques, réalisé par l’institut BVA, 68% des Français ont confiance en elles. Les analystes observent une même tendance : les Français ont confiance dans la relation de proximité qui les lie à leur conseiller.

Un bilan flatteur pour les établissements, mais qui mérite d’être nuancé. D’après le cabinet de conseil en stratégie Bain & Co, le taux d’attrition (perte de la clientèle), historiquement faible, s’est vu presque doubler en trois ans, passant actuellement à 4,3%. « Il est certain que la loi Macron va faciliter le départ des clients mécontents de leur banque. Aujourd’hui, ils restent dans leur établissement parce qu’ils ont le sentiment que c’est très compliqué de changer », remarque un patron d’une banque régionale mutualiste.

Mais plus significatif pour ces établissements, le cabinet a établi, dans une modélisation des facteurs de risque pouvant impacter les revenus des banques traditionnelles, que les banques traditionnelles pourraient perdre jusqu’à 26% de leur produit net bancaire, soit l’équivalent de 12 milliards.

Le modèle bancaire traditionnel se verrait ainsi menacé par les parts de marchés sans cesse plus grandes, conquises par les banques en ligne telles que Boursorama, Fortuneo, ING. En 2016, 26% des Français ont déclaré ne plus du tout utiliser les services d’une agence bancaire. Le digital gagne lui aussi du terrain : le nombre d’opération simples et la fréquence d’utilisation des applications bancaire augmentent sans cesse.

Le groupe Orange, par exemple, compte profiter de l’occasion pour lancer Orange Bank. L’opérateur estime que le nombre d’usagers quittant leur banque pourrait doubler, qu’il évolue aujourd’hui à « entre 3 et 4 millions de clients potentiels ». Le cœur de cible de ces banques : les jeunes et les revenus aisés, qui d’après les études, sont les plus « volatiles » clients des banques traditionnelles à ce jour.

Paradoxes

« Ce sont des moments de vérité, sur lesquels les banques traditionnelles ne doivent pas se rater. Les banques en ligne ont, elles, des processus plus simples et une promesse client moins large, plus facile à tenir », soutient Ada di Marzo, du cabinet Bain & Co. Ces établissements seraient, d’après l’étude du cabinet, principalement les banques commerciales, qui contrairement aux banques mutualistes et affinitaires, ne maîtrisent pas leur taux d’attrition.

Ce rejet relatif des banques commerciales serait dû à la mauvaise réputation du système financier dans son ensemble. Entre 10 à 25% des Français ne les recommanderaient pas autour d’eux, même s’ils en sont clients. D’après Jean-François Faure, président du service en ligne AuCOFFRE.com,« les agences de ces banques privées font partie intégrante du système financier pour lequel les Français éprouvent de la défiance. Et le paradoxe est là : les Français sont satisfaits des services de leur banque mais ne la recommanderaient pas ».

Dans cette course à l’attractivité, le baromètre de confiance ne joue pas non plus en faveur des banques en ligne. D’après une enquête Ifop/AuCOFFRE.com, 68% des Français ne font pas confiance dans les banques privées en ligne, soit un rapport à l’inverse de la confiance attribuée aux banques commerciales. « À travers ces résultats s’expriment une peur de la dématérialisation, de l’abstrait. L’argent doit pouvoir se voir et se toucher, un conseiller clientèle se rencontrer. Il y a encore beaucoup de conservatisme des Français dans leur rapport à l’argent. Ils sont soumis à une double contrainte qui les pousse à confier leurs économies à des entités réelles, physiques, mais dont ils réprouvent le système », estime Jean-François Faure.

Élément fondamental dans le choix d’une banque, la confiance restera le principal fond de commerce des banques. Cependant, le risque de voir s’enfuir la clientèle n’est pas loin, avec l’arrivée sur le marché de nouveaux poids lourds, tels que Paypal, qui a ouvert son propre service bancaire. L’enjeu sera dans la qualité. Pour Ada di Marzo, « dans 72% des cas, les banques ne sont pas réactives quand un client manifeste son envie de partir, il n’y a pas de contre-offre. Or, on peut prédire ces situations avec l’analyse des données. Il y a un enjeu de proactivité. Il faut faire entrer dans la culture de la banque l’importance de la qualité de service pour garder le client. »

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