« Moi, je voulais juste des bonbons… ». Ces mots, lus par une avocate mardi au procès de l’attentat de Nice, sont ceux de K., une petite fille âgée aujourd’hui d’une dizaine d’années, rescapée de l’attaque au camion-bélier sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016.
« Moi, je voulais juste des bonbons. Et je ne savais pas ce qui allait se passer. Et à mon petit âge de quatre ans (à l’époque des faits, ndlr), c’est difficile de comprendre ça ». K. aurait dû témoigner par visioconférence depuis Nice, mais le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Laurent Raviot, y a mis son veto en raison de son jeune âge. « Ses parents (séparés) ont bien compris que c’était pour la protéger, pas pour l’exclure » des débats, a commenté Me Méhana Mouhou, conseil du père.
C’est finalement l’avocate de la fillette et de sa mère, Me Sylvie Topaloff, qui a lu à la barre une lettre rédigée par la petite fille. Sa mère, Hager Ben Aouissi, 38 ans, avait raconté vendredi à la cour comment elle n’avait pas hésité à se jeter entre les roues du camion de 19 tonnes conduit par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un homme de nationalité tunisienne, en plaquant sa fille au sol, pour lui sauver la vie.
« Depuis ce soir-là, c’est très dur »
Dans sa lettre, la petite fille explique: « J’ai compris quand on s’est relevé avec Maman et que j’ai vu le camion continuer ». « Il y avait Maman, Tata, E. (sa cousine âgée alors de deux ans, ndlr), Papi, Mamie et Doudou Lapin », poursuit-elle.
« Au début c’était une très bonne soirée et ensuite elle s’est transformée en moche », résume la fillette qui, depuis l’attentat, est suivie au Centre d’évaluation pédiatrique du psychotraumatisme (CE2P) de l’hôpital Lenval de Nice.
Lors de son audition vendredi, sa mère avait raconté comment sa fille avait « complètement régressé » depuis l’attentat. « Elle n’a pas arrêté de dire qu’elle voulait retourner dans mon ventre. Elle a repris la tétine, le biberon », avait détaillé Mme Ben Aouissi.
« Quand je me suis relevée avec Maman, j’ai vu des trucs à ne pas voir à mon âge », explique encore la petite fille par la voix de l’avocate. « Mais je ne vais pas vous dire ce que j’ai vu, c’est trop horrible ».
La petite fille est toujours la proie de réminiscences qui provoquent chez elle de violentes crises d’angoisse. Comme beaucoup d’adultes survivants, elle souffre d’un sévère complexe de culpabilité. « Elle dit que c’est elle qui voulait des bonbons et que c’est à cause d’elle » que nous nous sommes retrouvés dans la trajectoire du camion, avait dit sa mère dans un sanglot.
« Quand on est arrivé au stand de bonbons, j’étais pressée de remplir mon sachet, il y a des filles trop gentilles qui nous ont laissé passer », se rappelle aujourd’hui la petite fille comme en écho aux propos douloureux de sa mère.
« J’ai vu le camion en premier, mais maman m’a dit qu’il allait se garer », se souvient la petite fille avant de revenir aux friandises. « Dans mon sachet de bonbons, il y avait une araignée, un serpent, une framboise noire et une rouge, et une fraise Tagada », dit-elle comme si c’était hier. « Voilà. Moi, je voulais juste des bonbons », répète la petite fille. « Depuis ce soir-là, c’est très dur, à l’école, dans la rue et avec les autres », conclut-elle.
Des chocs traumatiques plus ou moins importants
L’attentat de Nice a tué 86 personnes, dont quinze mineurs. Des centaines d’autres, dont K., ont subi un choc traumatique plus ou moins important toujours présent chez certains. Plus de 60% des enfants suivis souffrent de troubles de stress post-traumatique (TSPT), avait indiqué au début du procès la pédopsychiatre Michèle Battista de l’hôpital Lenval.
« Un tiers des enfants vont bien. Un tiers fonctionne mais souffre toujours. Le dernier tiers nécessite encore des soins réguliers », avait-elle détaillé. La pédopsychiatre avait exprimé le souhait de voir ces enfants devenir des adultes « marqués par un attentat dans leur enfance » et non « des victimes à vie ».
Aux plus jeunes, elle avait dit « que le camion avait été démonté et qu’il ne ferait plus jamais mal à personne; que la police avait dû enlever la vie de ce monsieur car il ne comprenait pas qu’il fallait qu’il arrête; et que cela ne se reproduirait plus ».
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