« Mon handicap est devenu une grande force » : un photographe raconte son parcours inspirant

Par Nathalie Dieul
24 juillet 2024 01:56 Mis à jour: 24 juillet 2024 01:56

Charles Marceau-Cotton est né avec un handicap aux bras. Il a toujours été différent des autres. Il a dû apprendre à faire les choses à sa manière, puis il s’est cherché pendant de longues années à travers de nombreuses expériences et métiers avant de devenir photographe tout récemment. Aujourd’hui, ce trentenaire est épanoui dans sa vie de famille et il est aussi très impliqué dans la vie de son village d’adoption au Québec.

À Ham-Nord dans le Centre-du-Québec, Charles Marceau-Cotton, alias Carlito, est bien connu et apprécié de tous. Que ce soit au sein de l’organisme de développement Forum citoyen, de la bibliothèque ou encore comme entraineur de football (ou soccer au Québec) pour les tout-petits, ce bénévole est impliqué partout dans son petit village de près de 1000 habitants. Il contribue aussi aux événements ponctuels de la municipalité par son talent de photographe.

Pourtant, la vie de ce sympathique père de famille de 38 ans n’a pas toujours été facile. Il lui a fallu de longues années avant d’arriver à trouver cet équilibre dans sa vie qui rend ses yeux pétillants de bonheur.

Un mésangeai du Canada capturé en plein envol par un matin de grand froid par Carlito dans le parc du Mont-Mégantic au Québec. (Charles Marceau-Cotton, Carlito photo)

Charles est né avec un handicap qui s’appelle arthrogrypose, une maladie congénitale. « C’est une malchance : de tous mes frères et sœurs, je suis le seul qui a ça », raconte-t-il à Epoch Times.

Chez certains, cette maladie peut se manifester dans les bras, chez d’autres dans les jambes et les bras. Pour le trentenaire, seuls les bras sont touchés par la maladie. Il estime donc qu’il a beaucoup de chance puisqu’il aime particulièrement faire de la randonnée.

« J’ai toujours été différent des autres »

« En résumé, j’ai moins de force dans les bras, j’ai moins de dextérité, moins d’amplitude dans les bras. Mes bras sont un peu plus petits. J’ai toujours été différent des autres et j’ai dû apprendre à faire les choses à ma manière », explique le jeune homme.

Concrètement, quand on le voit agir au quotidien, on se rend compte que la vie n’est pas si simple avec un tel handicap. Par exemple, Charles ne peut pas mettre un chapeau tout seul sur sa tête s’il n’a pas un appui. Quand je lui tends un papier, il faut que je le lui passe plus bas qu’à quelqu’un d’autre parce qu’il ne peut pas monter ses bras au niveau de sa poitrine. Pour boire, il doit être assis ou encore s’appuyer sur une table.

Le trentenaire n’arrive pas à boutonner ses chemises jusqu’en haut non plus – problème facile à régler : il n’en porte que très rarement. Dans sa cuisine, les assiettes se trouvent dans les armoires du bas et non celles du haut : « On se penche au lieu de lever les bras pour les attraper ».

Les épreuves de l’adolescence

Charles raconte : « Enfant, je ne voyais pas beaucoup mon handicap parce que je suis né comme ça. J’ai appris à vivre avec ça, puis à me débrouiller, entre autres avec l’aide de mon entourage ».

Les choses se sont compliquées au niveau social à la période de l’adolescence, « parce qu’à cet âge-là, quand tu es différent des autres, tu te fais beaucoup étiqueter, tu te fais beaucoup juger ». L’adolescent qu’il était s’est parfois senti rejeté. « C’était dur pour la confiance en soi, pour l’estime de soi. Ça m’a toujours un peu suivi par la suite », confie-t-il deux décennies plus tard. Par conséquent, il s’est cherché pendant longtemps avant de trouver sa voie.

« C’est un long parcours. La photo que je fais aujourd’hui, c’est récent. J’ai fait beaucoup de choses avant », précise Charles Marceau-Cotton.

Charles avec son sac à dos au début du West Highland Way, sorte de Chemin de Compostelle écossais : « J’y ai parcouru les 150km en 5 jours en solo. Ce fut une grande aventure intérieure, où j’ai appris à me surpasser à maintes reprises. » (Charles Marceau-Cotton)

De l’Écosse à l’Uruguay en passant par la France

Il a commencé par faire des études de sociologie à l’université, dans sa ville natale de Montréal, mais ça ne le passionnait pas. « Il a fallu que je change mon mode de vie pour trouver ma voie. »

Il a ensuite eu un déclic pour le développement international. Cependant, pour pouvoir entreprendre des études universitaires dans ce domaine, il fallait qu’il approfondisse sa connaissance de deux langues. Il a choisi l’anglais et l’espagnol.

« Je me suis lancé comme défi de partir voyager dans des endroits du monde où je pourrais apprendre ces langues », se souvient celui qui a été surnommé Carlito en Amérique centrale. Il a commencé par aller travailler pendant six mois dans une auberge de jeunesse en Écosse, son tout premier voyage en solitaire. Le jeune homme a continué à alterner voyages et études universitaires : Amérique centrale, France, puis un an en Uruguay en échange dans une université.

Charles dans un petit village traditionnel de la Colombie où il a passé plus de deux mois. (Charles Marceau-Cotton)

Un nouveau départ

Une fois son diplôme en poche en 2012, Charles ne se voyait pas travailler dans le monde du développement international et se cherchait encore. Le fait d’avoir adhéré à une prestation de paniers de légumes bio à la fin de ses études lui a ouvert l’esprit sur un monde qu’il ne connaissait pas du tout.

Notre aventurier dans une famille sur l’île d’Ometepe au Nicaragua. (Charles Marceau-Cotton)

Ne sachant pas trop quoi faire, il est parti pendant un an au Mexique en woofing (du bénévolat dans des fermes en échange du logement et de la nourriture, ndlr). « J’ai eu la chance d’être dans différents projets de permaculture, de bioconstruction, de jardins bio. J’ai même eu la chance de créer mon propre projet sur un domaine pendant six mois », se réjouit-il.

Son handicap ne l’a pas empêché de travailler dans des fermes.  « J’avais une bonne capacité physique. En étant à l’université, j’étais plus sédentaire et j’avais pris du poids. Ça a pris deux mois au Mexique à travailler physiquement toute la journée dehors à la chaleur et j’ai perdu tout ce poids là », remarque-t-il.

« C’était super agréable. Ça m’a vraiment beaucoup apporté au niveau physique, puis au niveau intérieur aussi, au niveau mental », assure le trentenaire.

Charles (au bout à droite) dans un projet de permaculture près du lac Chapala au Mexique, où il a participé pendant un mois à la construction d’une maison naturelle en adobe. « Je me suis surpassé physiquement et ce fut le point tournant dans ma vie de nouvelles habitudes de vie plus saines », se souvient-il. (Charles Marceau-Cotton)

L’un des projets dans lequel le jeune homme a travaillé était un éco-village. « C’était la première fois de ma vie que j’étais en contact avec le concept des éco-communautés », explique celui qui, à son retour au pays, a fait des recherches qui l’ont amené à trouver l’éco-village de Ham-Nord, dans un coin du Québec qu’il ne connaissait pas.

Carlito a commencé à la Cité écologique en tant que stagiaire puis il y est resté. C’est là qu’il a rencontré sa conjointe, Karen, une jeune femme qui a grandi dans cet éco-village.

« Au début, j’étais beaucoup dans la production : aider à tout ce qui est production, transformation, préparation des produits pour la vente des légumes », détaille celui qui a continué à travailler en agriculture malgré son handicap. Quand il a eu 30 ans, il a toutefois commencé à ressentir davantage de douleurs dans le corps.

« Vu que j’ai moins de force dans les bras, c’est tout le reste de mon corps qui compense : mes jambes, mon dos, mon cou », explique le jeune homme.

« J’ai réalisé que je ne pouvais pas être un surhomme. Faire de l’agriculture, c’est difficile pour n’importe qui, c’est un défi. Moi, en plus, je m’exigeais le double », remarque Charles. Il s’est donc tourné vers des postes un peu moins physiques comme la vente ou la gestion du lien entre la ferme et la cuisine de la communauté.

Papa

Entre-temps, un gros changement s’est opéré dans la vie de Carlito et de Karen en 2017 : le couple a fondé une famille et ils sont devenus parents d’un petit garçon, Ilan. Charles se demandait s’il serait un bon papa.

Une nouvelle vie de famille pour Carlito. (Charles Marceau-Cotton, Carlito photo)

Avec son handicap, il a fallu que le nouveau père de famille s’adapte encore une fois. « Cela ne m’a pas empêché de prendre mon fils dans les bras, parce que j’ai assez de force pour ça quand même. J’ai juste moins d’endurance pour endormir un bébé quand c’est long », se souvient-il.

Tout ce qui demande de la dextérité fine comme changer les couches ou habiller un bébé qui gigote était un autre défi pour Charles : « Il y avait des incapacités physiques de mon côté. Mais j’arrive à faire beaucoup de choses dans la vie, alors j’arrive souvent à compenser et à trouver une manière de faire ».

Le jeune couple a finalement trouvé un équilibre. Charles contribuait moins à habiller le bébé, mais il faisait les repas, le ménage, il jouait avec le petit Ilan, lui apprenait des choses. Il a bénéficié de beaucoup de compréhension de la part de sa conjointe et de leur entourage.

Par contre, Carlito reconnaît que s’il avait été tout seul, « cela aurait été vraiment, vraiment ardu, même quasiment impossible ».

Charles et son petit garçon, Ilan. (Charles Marceau-Cotton, Carlito photo)

Aujourd’hui, Ilan a six ans. « Je pense qu’il est capable de voir avec sa maturité que j’arrive à faire les choses même avec mon handicap. Je sens beaucoup de respect, d’admiration de sa part », raconte le père de famille qui a aussi transmis son sens de l’humour à son fils.

Une nouvelle passion : la photographie

Il y a trois ans, la petite famille a décidé de quitter la vie au sein de la communauté et de s’installer dans le village de Ham-Nord, tout proche. « Vivre dans L’éco-village, c’très demandant en termes d’exigences de tout ce qu’on doit accomplir, contribuer », explique Carlito.

Petit matin d’hiver givré au lever du soleil. (Charles Marceau-Cotton, Carlito photo)

Le couple a donc fait un compromis en achetant une petite maison dans le village tout en gardant un lien fort avec la communauté. Karen continue à travailler dans l’éco-village et Ilan va à l’école là-bas aussi.

Un peu avant le déménagement, Charles a trouvé un emploi en tant que directeur d’un supermarché de produits locaux. C’était la continuité de ses autres implications dans le domaine de l’agroalimentaire. Cela n’a pas été de tout repos : les ventes ont quadruplé pendant la période du confinement.

« C’était vraiment intense », raconte le trentenaire qui vivait beaucoup de stress. « J’avais besoin de quelque chose pour me sortir de ma tête. »

Au cours des derniers mois, il avait commencé à suivre différents photographes professionnels de nature sur les réseaux sociaux. « Ce que je voyais, c’était non seulement de belles photos, mais c’était tous les beaux mome

Le photographe se confie sur ses doutes : « Je me demandais si j’allais être capable d’en faire avec mon handicap ». Qu’importe, il a choisi un appareil léger – avec un bon écran puisqu’il ne peut pas utiliser de viseur – et s’est lancé.

« Ça a été tout de suite un coup de cœur, une passion qui s’est développée. Ça m’a incité à aller plus dehors et à prendre le temps d’observer. Il y a un côté très méditatif à faire de la photo, je ne pense à rien d’autre que de regarder autour de moi. »

Carlito a vu la qualité de ses photographies augmenter rapidement. Dès la deuxième année, le passionné a créé des calendriers et des cartes de souhaits. Il s’est ensuite équipé d’une imprimante professionnelle pour faire des impressions grand format et diversifier les produits qu’il propose à ses clients, a créé son site Internet, Carlito Photo.

Au bout de trois ans, il s’est rendu compte qu’il avait besoin d’un appareil photo professionnel pour continuer à progresser. Il a eu beaucoup de chance : il a pu bénéficier de l’aide de tous ses proches pour s’équiper d’un tout nouvel appareil disposant d’une optique professionnelle tout en étant plus compact. Ce modèle venait d’apparaître par magie sur le marché.

Aujourd’hui, le photographe ne peut pas dire s’il est devenu professionnel parce qu’il ne vit pas uniquement de son art mais il est déterminé à atteindre cet objectif. Pour l’instant, il a encore un travail d’appoint tout en de continuant à développer sa passion et son modèle d’affaires.

Pour y arriver, il a commencé à proposer des services de photographe pour des portraits lors de séances photo familiales, des événements etc, tout en essayant de trouver un équilibre entre ces contrats et sa passion pour la photo de nature.

« Grimper une montagne pour assister au lever du soleil demande certes de quitter les bras de Morphée un peu plus tôt qu’à l’accoutumée, mais cela procure aussi une sensation indescriptible », explique Carlito. (Charles Marceau-Cotton, Carlito photo)

« Mon handicap est devenu une grande force »

Charles ne se souvient pas d’avoir rêvé sa vie d’adulte quand il était encore un enfant. Mais une chose est certaine : sa vie d’aujourd’hui est complétement différente de tout ce qu’il aurait pu imaginer à l’époque.

« C’est clair que mon handicap est devenu une grande force », remarque-t-il. « Aujourd’hui je sais mieux doser pour l’utiliser, en tirer quelque chose de positif dans ma vie et me permettre d’aller de l’avant. »

« Quelqu’un qui a un handicap comme moi traverse beaucoup plus de défis, d’embûches que quelqu’un qui n’en a pas. Le mot résilience, je l’ai employé souvent dans ma vie. Aujourd’hui, ce que j’aimerais, c’est aller davantage vers le mot persévérance, parce que la résilience, c’est la capacité de se relever après être tombé, après avoir vécu des difficultés, des défis. Alors que la persévérance, ce n’est pas nécessairement attendre que ces défis là arrivent pour se relever. »

« Quand on escalade une montagne à une température de – 25 °C et qu’on arrive au sommet où le vent nous fouette le visage de plein fouet, on se sent aussi vivant qu’ébahi par la beauté et la pureté de ces montagnes », explique Charles au sujet de cette photos prise dans le parc de la Gaspésie en plein mois de février. (Charles Marceau-Cotton, Carlito photo)

« J’ai peut être été plus lent à démarrer dans la vie, mais aujourd’hui je vois que je suis capable de passer par-dessus les embûches. Je vois que la vie a tellement à nous offrir quand on prend la peine de la vivre, toute cette beauté… »

 

Quand on lui demande s’il est satisfait de sa vie, aujourd’hui à l’âge de 38 ans, Carlito répond sans hésitation et avec un grand sourire que oui, il est très heureux de tout ce chemin parcouru.

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