Face à la situation exceptionnelle des urgences de l’hôpital de Thionville (Moselle), où 55 des 59 infirmiers et aides-soignants sont en arrêt maladie, l’AFP a recueilli plusieurs témoignages de ces professionnels qui réclament de pouvoir « travailler correctement ».
Jeune infirmière dans la vingtaine, Hélène* n’aurait « jamais pensé être en arrêt pour épuisement physique et psychologique » après seulement quelques années d’exercice.
« Mais la situation s’est vraiment compliquée ces derniers mois. Avec le nombre de patients qui arrivaient, qui stagnaient, en attente, on ne s’en sortait plus », témoigne-t-elle.
Les conditions de travail inadaptées
Elle se dit marquée par le décalage entre « les conditions de travail » et « ce qu’on nous a inculqué en formation. Les principes de bienveillance, de respect et de dignité, on ne peut plus les appliquer auprès des patients. L’image que je me faisais de mon métier a complètement changé ».
Cette situation amène Hélène à réfléchir à son orientation professionnelle, elle qui était convaincue, « depuis la classe de 3ème, au collège », de sa « vocation » à devenir infirmière. « Mon métier, c’est devenu l’usine », assure-t-elle. « Si les conditions ne changent pas, je partirai ».
Mise en arrêt pour une semaine, elle reprendra le travail dans quelques jours. « C’est ambivalent, à la fois je tiens vraiment à reprendre, et en même temps j’appréhende beaucoup », précise la jeune femme.
« On ne se met pas en arrêt de gaieté de cœur », atteste Élisabeth*, aide-soignante depuis 12 ans. Malgré sa fatigue, elle ressent de la culpabilité à s’être arrêtée de travailler quelques jours. « J’ai le service public chevillé au corps, ce n’est pas dans mon ADN de m’arrêter ».
Comme d’autres, elle explique que ce sont les conditions de travail de son service qui l’ont amenée à cette extrémité.
« On a un nombre effarant de patients, des personnes âgées dépendantes, qui ont besoin de nous », explique-t-elle, faisant état d’une « forte charge mentale ». « Mais on a une conscience professionnelle, alors on assure les soins minimum d’hygiène, même si ce n’est pas toujours dans les conditions nécessaires de pudeur. On fait du mieux qu’on peut ».
Elle aimerait que les difficultés des soignants soient davantage prises en compte, et appelle à la solidarité. « Si je suis en arrêt, c’est aussi pour nos patients. Demain, ça peut être votre père, votre grand-mère, votre frère qui sera admis aux urgences, à Thionville mais aussi ailleurs en France, dans des services submergés. Alors nous devons sonner l’alarme ».
L’inquiétude de la situation des urgences
Salim Menasria, lui, est aide-soignant à l’hôpital Mercy de Metz, un autre établissement du CHR de Metz-Thionville. Il se dit « inquiet » devant la situation des urgences de Thionville, estimant qu’elle pourrait faire « boule de neige ».
« L’hôpital de Mercy est en train de supporter la fermeture des urgences de Bel Air (l’hôpital de Thionville), on a eu des transferts de brancards », rapporte-t-il. « On devait déjà faire face à la grève des médecins généralistes qui se poursuit, donc c’est très tendu, on a peur que des agents craquent. Il y a des brancards partout. Et les urgences ne sont que la partie émergée de l’iceberg ».
Le plan blanc a été déclenché pour faire face aux arrêts maladie, et permettre aux services de rappeler les professionnels en congés. « Ces arrêts maladie sont justifiés, certains soignants pourraient ne pas revenir tout de suite. On craint donc que la situation se prolonge, alors que le personnel de l’hôpital de Mercy est lui aussi fatigué », expose celui qui est aussi secrétaire général du syndicat FO au CHR.
La direction du centre hospitalier a annoncé mardi vouloir recruter 12 soignants pour renforcer les urgences et améliorer les prises en charge. « Je ne pense pas que ce soit suffisant par rapport au flux de patients que nous observons », souligne-t-il. « D’autant que les services d’hospitalisation manquent eux aussi de personnel ».
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.