ENTRETIEN – Normes excessives, taxes sur le carburant, concurrence déloyale… Les agriculteurs sont mobilisés et attendent des réponses fortes de la part du gouvernement. Epoch Times a contacté Jean-Marc Leroy, exploitant agricole sur le plateau du Neubourg en Normandie qui partage la colère de ses collègues.
Monsieur Leroy, depuis deux mois, le monde agricole est en colère. Fin novembre, les panneaux des communes étaient retournés. Aujourd’hui, les actions se poursuivent : des autoroutes et des gares sont bloquées. Les agriculteurs dénoncent notamment des normes environnementales trop contraignantes. Il y a deux jours, par exemple, un reportage d’un média concurrent racontait qu’un agriculteur risque 3 ans de prison et 150.000 euros d’amendes s’il ne taille pas ses haies selon les 14 normes européennes sur la taille des haies. En tant qu’exploitant dans le département de l’Eure en Normandie, comprenez-vous la colère de vos collègues ? Subissez-vous cette même inflation normative environnementale ?
Cela fait des années que nous subissons cette accumulation de normes. En plus des normes européennes, nous avons celles franco-françaises, encore plus vertes, qui provoquent des distorsions de prix et, donc, de concurrence sur notre propre marché européen.
En ce qui me concerne, je fais de mon mieux pour respecter les réglementations, notamment en matière de produits phytosanitaires, mais ça devient vraiment difficile depuis trois ans avec les nouvelles normes qui ne cessent de nous tomber dessus. L’exemple des haies que vous citez est très révélateur de cette inflation normative et du manque de cohérence de ceux qui mettent en place ce genre de restrictions. On nous incite à les entretenir, mais en même temps, nous n’avons plus le droit de les tailler avant le 15 août et à cette date, nous sommes en période de moissons !
En plus, certaines démarches administratives renvoient à une image culpabilisante de nos pratiques agricoles et à la nécessité de, sans cesse prouver, sa bonne foi.
Le monde agricole est également en révolte contre la hausse des taxes sur le carburant GNR. Comment faites-vous face à cette augmentation du prix du gazole non routier ?
Pour le moment, c’est en pourparlers et je ne peux pas confirmer que cet avantage fiscal sera supprimé. Les agriculteurs ont protesté contre sa suppression, je pense que ça va s’arranger. C’est une question de bon sens. Nous ne pouvons malheureusement pas nous passer du GNR, Il nous faut au moins une centaine de litres de carburant par hectare pour produire, et le passage à l’électrique ou à l’hydrogène pour nos fermes est pour l’instant impossible.
Néanmoins, nous essayons d’éviter les labours et les travaux en plaine pour les stockages de carbone et donc pour diminuer la consommation de carburant.
La concurrence déloyale liée aux traités de libre-échange provoque également l’ire des paysans français qui dénoncent des importations de denrées étrangères qui ne peuvent être produites en France. Comment voyez-vous cette problématique ?
Actuellement, la France et l’Europe préfèrent importer des produits étrangers, notamment de la viande bovine en provenance du Brésil et d’Argentine, mais ces importations à tout va font progressivement disparaître nos éleveurs et la plupart des jeunes qui ont repris des exploitations arrêtent complètement puisqu’ils n’arrivent plus à vivre de leur travail.
Avant-hier, les syndicalistes Arnaud Rousseau (FNSEA) et Arnaud Gaillot (Jeunes Agriculteurs) étaient reçus par le Premier ministre Gabriel Attal. Il a déclaré que sans « décisions concrètes » prises par le gouvernement, il n’y aura pas de levée des actions sur le terrain ». Selon vous, la mobilisation doit-elle se poursuivre jusqu’au bout ? Êtes-vous plus optimiste depuis la nomination du nouveau Premier ministre ?
Moi, par définition, je connais les agriculteurs et ils ne vont pas s’arrêter comme ça. Ils ont encaissé les coups pendant des années, et maintenant ils vont aller jusqu’au bout. J’ai reçu il y a deux jours des syndicats qui m’indiquaient qu’il fallait se mobiliser très prochainement.
Mais pour que les actions se poursuivent, il faut que le métier communique davantage. Je n’avais pas été mis au courant de l’action du retournement des panneaux dans ma ville il y a deux mois, alors que je suis agriculteur. Pour ce qui est du nouveau Premier ministre, je l’admire. Il défend des idées qui ne sont pas toujours les miennes, mais il est jeune et je pense qu’il va tenter de changer la situation.
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