Norvège, Allemagne, Pays-Bas, Danemark : plusieurs sélections européennes ont attiré l’attention cette semaine par des actions symboliques sur des atteintes présumées aux droits humains au Qatar, qui recevra le gotha mondial du football lors de la Coupe du monde 2022.
Sous le feu de critiques d’organisations de défense des droits humains pour son traitement des travailleurs migrants, notamment dans les chantiers de construction des stades de la compétition prévue en décembre 2022, le Qatar cristallise la polémique, alors qu’ont débuté, en Europe, les qualifications pour « sa » Coupe du monde. La Norvège d’Erling Haaland a été la première à allumer la mèche avant son match à Gibraltar mercredi. Les joueurs avaient arboré un T-shirt proclamant : « Droits humains sur et hors du terrain ».
Une action répétée le lendemain par l’Allemagne, championne du monde 2014, avec une photo largement partagée sur les réseaux sociaux montrant les onze joueurs de la sélection alignés, chacun ayant sur son torse l’une des onze lettres de « HUMAN RIGHTS », droits humains en anglais. « On doit faire savoir à l’opinion publique qu’on n’ignore pas cette question », a expliqué le milieu du Bayern Munich Leon Goretzka. « Nous avons une grande portée, que nous pouvons utiliser de belle façon ».
Hypothèse d’un boycott
Les Pays-Bas de Memphis Depay ont pris le relais dans les actions samedi, et le Danemark, qui affronte dimanche la Moldavie à Herning, a lui aussi promis une mobilisation sans en dévoiler la forme. Les joueurs iront-ils plus loin qu’un message de désapprobation ?
L’hypothèse d’un boycott du tournoi, évoqué notamment par la Fédération norvégienne qui a reporté à juin sa décision, reste en tout cas loin d’être sérieusement étudiée par les grandes nations du football. « Pour un boycott, nous arrivons dix ans trop tard. C’est à l’époque (quand le Mondial a été attribué au Qatar, ndrl) qu’il aurait fallu réfléchir », a lancé l’international allemand Joshua Kimmich.
Le sélectionneur de la Belgique Roberto Martinez a lui déclaré dans le quotidien La Dernière Heure que « boycotter le Mondial au Qatar n’est pas la solution. Ce serait tourner le dos au problème. On doit, au contraire, y faire face ».
Chez les champions du monde en titre français, la question est déjà évacuée. « Le Qatar a été désigné depuis longtemps par des gens responsables, on ne va pas aller sur une remise en cause à un an de l’organisation. La France sera présente au Qatar si elle se qualifie », a assuré le président de la Fédération française Le Graët dans un entretien à l’agence France Presse (AFP) début mars.
Le capitaine Hugo Lloris a néanmoins indiqué soutenir le mouvement : « C’est une bonne chose, les joueurs ont le droit de se manifester. Je pense qu’il n’y a aucun joueur insensible à ce qui a été dit ou écrit par rapport à tout ça », a-t-il déclaré samedi.
Le défenseur Lucas Hernandez, de son côté, a été plus mal à l’aise au moment de répondre à cette question : « Je ne sais pas dans quelles conditions (les ouvriers) ont travaillé au Qatar, ce n’est pas moi qui doit dire si c’est bien ou pas bien », a-t-il glissé, évasif. Le joueur du Bayern est lui aussi confronté à une situation délicate, car son club est sponsorisé par Qatar Airways et n’hésite pas à partir en stage dans le pays du Golfe depuis plusieurs années.
La Fifa, organisatrice du Mondial, est pour le moment restée assez discrète sur le sujet, indiquant « croire en la liberté d’expression et au pouvoir du football pour susciter des changements positifs » et refusant de sanctionner les sélections qui se sont mobilisées, alors qu’en règle générale, elle interdit les déclarations politiques dans le cadre des rencontres.
Le Qatar assure être « transparent »
Au Qatar, qui assure avoir fait plus que tout autre pays dans la région afin d’améliorer les conditions de travail des migrants, l’affaire n’a pas encore pris une grande ampleur.
Deux travailleurs immigrés interrogés par l’AFP n’ont en tout cas pas eu vent de cette mobilisation en Europe : « Peut-être que c’est seulement un grand débat en Europe ? », s’interroge l’un d’entre eux, préférant garder l’anonymat par crainte de représailles de son employeur. « Je ne savais pas que quoi que ce soit était en cours », reprend un expatrié indien travaillant sur le projet de Coupe du monde.
Un porte-parole de l’autorité gouvernementale en charge de l’organisation et de la construction des stades a rejeté toutes les accusations, dimanche : « Nous avons toujours été transparents sur la santé et la sécurité des travailleurs », a-t-il assuré dans un communiqué.
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