Le Norvégien Henrik Kristoffersen, deuxième meilleur skieur du monde régulièrement barré par Marcel Hirscher, détonne dans le milieu du ski par sa soif de vaincre claironnée et ses colères assumées en cas de défaite.
Ce prodige du ski, vainqueur de 16 courses en Coupe du monde, n’a étonnamment jamais remporté de médaille mondiale en trois éditions. A 24 ans, il a l’occasion de se rattraper vendredi sur le slalom géant des Mondiaux d’Are (Suède). « Mon but ultime est de devenir le meilleur du monde. Et je le dis depuis que j’ai 8 ans », explique Henrik Kristoffersen, sans rougir, à l’AFP.
Kristoffersen, c’est en quelque sorte le grand Vizir Iznogoud de la bande dessinée éponyme de René Goscinny et Jean Tabary: celui qui veut « être Calife à la place du Calife ». Le Calife du ski, Marcel Hirscher, empêche régulièrement le très bon Norvégien d’arriver à ses fins: rien que l’hiver dernier, Kristoffersen a terminé 2e du gros globe, du globe de géant, du globe de slalom et du géant des Jeux olympiques de Pyeongchang, à chaque fois derrière… Marcel Hirscher.
« Je me dis parfois que ce serait plus facile sans lui. Mais ce qui est facile n’a pas de saveur. La plus belle chose du monde, c’est de battre les meilleurs. Pour l’instant c’est lui le meilleur, donc ce que je veux, c’est le battre. » Le grand Vizir Iznogoud, frustré de l’échec récurrent de ses plans machiavéliques, entre dans des colères noires, comme « Henrik », petit prince du ski à l’allure impeccable qui ne jure que par la victoire.
On revoit Kristoffersen balancer de rage son bâton dans l’aire d’arrivée de Kitzbühel en janvier, ou encore hurler sa rage à la caméra à Schladming (Autriche) l’an dernier, après que de facétieux supporters lui ont lancé des boules de neige en plein slalom. « J’essaie d’aller le plus vite possible, puis quand je franchis la ligne j’ai une réaction naturelle, sans filtre, que j’ai été bon ou mauvais. C’est juste moi, je n’essaie pas d’être quelqu’un d’autre. »
Pendant l’entretien dans une ambiance chaleureuse et tamisée, une tempête de neige fait rage hors des murs imposants de l’hôtel Copperhill, mastodonte isolé de la station suédoise aux faux airs d’Overlook, l’établissement du célèbre et frissonnant « Shining » de Stanley Kubrick. Calme à l’intérieur et furieux en dehors, soit l’inverse du très courtois Henrik Kristoffersen, blond au visage angélique, en qui sommeille de son propre aveu un véritable « volcan », comme sur certaines îles de son pays, prêt à entrer en éruption.
Ce mauvais perdant tout terrain, « c’est toujours vrai mais c’était pire avant », plaisante-t-il, répète qu’il faut « travailler dur pour devenir quelqu’un ». Un principe inculqué dès sa tendre enfance par son père, entraîneur omniprésent aux méthodes viriles.
« Quand j’étais jeune, j’avais du mal à l’entendre me hurler dessus, expliquait-il il y a deux ans à l’hebdomadaire suisse Le Matin Dimanche. Du mal à entendre que j’étais mauvais et même très mauvais, que je devais changer ceci ou cela, fournir encore plus d’efforts. Mais pour rien au monde je ne changerais cela. »
Une exigence extrême qui a déteint sur le fiston. « Si je fais une grosse erreur que j’aurais dû éviter de faire et qui me coûte un bon résultat, alors je suis furieux après moi même, reprend-il. Selon l’erreur que j’ai faite et le type de course, je peux mettre quelques minutes, des heures, voire un jour ou deux pour me calmer. »
A-t-il besoin de cette agressivité pour bien skier ? « Un peu. Je n’ai pas besoin d’être énervé, plutôt d’être heureux, mais ce n’est pas un problème d’être un peu agressif, au contraire », assure-t-il à rebrousse poil des apôtres du relâchement sur les skis.
« Quand ça ne va pas, il faut être déçu et énervé. Après une bonne performance, il faut être content. Le pire, c’est d’être toujours pareil, plat. Si tout est toujours parfait, comme un grand ciel bleu sous le soleil, alors tu ne progresses pas. »
D.C avec AFP
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