Parce qu’il avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, Samuel Paty a essuyé la colère de certains de leurs parents. Enseignant d’un collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), « à fond dans son métier » selon ceux qui l’ont côtoyé, il a été décapité vendredi dans un attentat.
« Quand j’ai vu ‘prof – Bois d’Aulne – décapitation’, j’ai fait le lien direct: ‘c’est Monsieur Paty’ « , assure Martial, 16 ans, accouru vendredi soir devant le collège du Bois d’Aulne avec des amis dès qu’il a appris la nouvelle, en sortant de son entraînement de football.
Ce lycéen se souvient très bien de son professeur d’histoire-géographie de 4e dans cet établissement scolaire réputé calme, posé au cœur d’un quartier pavillonnaire qui l’est tout autant dans cette ville de 35.000 habitants du nord-ouest parisien.
«On est venu pour rendre hommage au professeur de mes enfants, qui était un excellent professeur, très bienveillant» #SamuelPaty #MonsieurPaty #Libertedexpression #conflans pic.twitter.com/uwUbpmhBJd
— Guillaume Poingt (@guillaumepoingt) October 17, 2020
« En début d’année il s’est présenté. Il a dit qu’il était à Créteil » dans un autre collège « et qu’il est venu parce que sa femme s’est fait muter pour son travail », se remémore le jeune homme.
Samuel Paty, cheveux bruns coupés courts, était « petit », portait des lunettes, « avait toujours une chemise », se rappelle Nathan, 16 ans, un autre ancien du Bois d’Aulne.
« Il était à fond dans son métier »
Le père de famille, quadragénaire, était connu pour son investissement auprès de ses élèves. « Il était à fond dans son métier », qu’il « aimait beaucoup », confie Martial. « Il voulait vraiment nous apprendre des choses. De temps en temps, on faisait des débats, on parlait ».
«On veut montrer qu’on est là et qu’on sera toujours libre de s’exprimer, que ça plaise ou pas», explique Émeline, très émue.
Elle vient de déposer des fleurs devant le collège Bois d’Aulne, où sa fille est scolarisée #Conflans #SamuelPaty #jesuisprof #Libertedexpression pic.twitter.com/v8jPTbA7UX
— Guillaume Poingt (@guillaumepoingt) October 17, 2020
Samuel Paty a été décapité dans une rue proche du collège, vers 17H00. Les vacances scolaires de la Toussaint à peine sonnées, l’assaillant – un Russe tchétchène de 18 ans – s’est jeté sur lui, avant d’être, un peu plus tard, abattu par les policiers.
Emmanuel Macron, qui s’est rendu sur les lieux vendredi soir, a dénoncé un « attentat islamiste caractérisé » et appelé « la nation toute entière » à s’unir derrière les enseignants pour « les protéger et les défendre ».
À tous les enseignants de France. pic.twitter.com/YLlIVILTaN
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 16, 2020
Selon les premiers éléments de l’enquête, l’enseignant avait montré à ses élèves de 4e, la semaine dernière, une caricature de Mahomet.
Un signalement était parvenu à Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE, la première association de parents d’élèves, à cause des tensions suscitées par son initiative auprès de certains parents d’élèves.
???[ALERTE] – Un hommage national sera rendu à #SamuelPaty, professeur décapité parce qu’il avait montré des caricatures de #Mahomet durant un cours d’histoire. Il avait 48 ans, et enseignait la matière depuis 5 ans. Il était père de famille. #Conflans #MonsieurPaty #jesuisprof pic.twitter.com/acilZRpFCL
— La Plume Libre (@LPLdirect) October 17, 2020
Selon une source proche du dossier, un parent d’élève indigné avait porté plainte contre Samuel Paty, qui avait en retour déposé une plainte en diffamation contre lui.
La victime aurait, selon M. Arenas, « invité les élèves musulmans à sortir de la classe » avant de montrer un dessin du prophète accroupi avec une étoile dessiné sur ses fesses et l’inscription « une étoile est née ».
« C’était toutes les années qu’il faisait cela », souligne Virginie, 15 ans, qui a connu l’enseignant. « C’était au programme pour l’EMC (enseignement moral et civique, ndlr), c’était pour parler de la liberté par rapport à l’attentat de Charlie Hebdo, il montrait ces images, les caricatures », affirme la jeune fille, précisant que cette année, « ça a pris plus d’ampleur ».
Depuis des semaines, un islamiste dangereux @IdrissSihamedi s’acharne sur @ZohraBitan et moi, me calomniant et étalant des infos personnelles (jusqu’à la première lettre du prénom de mon enfant qui a 4 ans!), et je vois ses soutiens me harceler et me menacer de mort ⤵️ https://t.co/VErSmsu83k
— Zineb El Rhazoui (@ZinebElRhazoui) October 17, 2020
Un sujet « sensible », se souvient de son côté Martial, qui a assisté au même cours il y a trois ans.
Mais ce que n’avait certainement pas prévu le prof cette fois-ci, ce fut le message lancé sur les réseaux sociaux par le père d’élève. Dans une vidéo, il qualifie l’enseignant de « voyou » qui « ne doit plus rester dans l’Education nationale » et invite d’autres parents d’élèves à se mobiliser.
Merci à ce parent pour son témoignage. Mais où sont les autres parents pour condamner la barbarie dont a été victime Samuel Paty? #FrancaisReveillezVous pic.twitter.com/RTcuyfUecr
— Hélène Laporte (@HeleneLaporteRN) October 17, 2020
Depuis cette « histoire », M. Paty « n’était pas dans son assiette », avait observé Myriam, une collégienne de 13 ans, en mimant son attitude renfrognée quand il déambulait dans les couloirs.
« J’entendais des élèves parler ‘ah il est raciste’ « , dit-elle. D’autres qualificatifs circulaient sur son compte comme « islamophobe », glisse-t-elle à demi-mot.
« Il n’a pas fait ça pour créer des polémiques ou pour manquer de respect aux petits ou pour faire de la discrimination », affirme Nordine Chaouadi. Son fils de 13 ans entamait sa deuxième année de cours avec M. Paty. « Il me dit, ‘ il était super gentil ce monsieur ‘ « , dit le père.
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