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Mort de 27 migrants dans la Manche : la justice retient un « lien de causalité » entre passeurs et militaires

octobre 21, 2024 10:36, Last Updated: octobre 21, 2024 10:36
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Le 24 novembre 2021, 27 migrants ont péri dans la Manche. Dans ce drame, la cour d’appel de Paris a récemment estimé que les faits imputés aux passeurs présumés étaient « indissociables » de ceux qui étaient reprochés aux militaires, accusés de ne pas avoir porté secours.

Le canot avait coulé au petit matin, emportant la vie de 27 passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans.

Depuis, onze passeurs présumés ont été mis en examen, et un mandat d’arrêt a été émis par la Juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco) de Paris pour retrouver l’une des têtes du réseau, qui se trouve probablement en Irak, d’après une source judiciaire.

Sept militaires français ont aussi été mis en examen, entre mai et juin 2023, pour non-assistance à personne en danger. Cinq étaient des personnels du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez, deux se trouvaient à bord du patrouilleur Le Flamant.

Mesurer les responsabilités de l’armée et des passeurs

Leur défense a récemment tenté de scinder les investigations entre un volet « militaires » et un « passeurs », demandant l’annulation de nombreux actes d’enquête. En substance, elle estime que seul un juge des affaires militaires peut enquêter – comme c’est habituellement le cas dans les affaires visant des militaires en exercice, sauf en cas de « connexité ».

À leurs yeux, les « actions » des passeurs présumés et des militaires « ne sont pas commises en même temps, ou à la suite d’une concertation » et ne peuvent donc être considérées « connexes ». Toutefois, la cour d’appel de Paris a récemment rejeté leurs requêtes. L’AFP a eu connaissance des arguments ayant soutenu sa décision du 2 octobre.

Les infractions reprochées aux militaires et aux passeurs présumés, même si elles sont « de nature différente », sont « rattachées par un lien de causalité », a estimé la chambre de l’instruction. « L’omission de porter secours », reprochée aux militaires, « n’aurait pas lieu d’être sans l’infraction initiale d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier en bande organisée », imputée aux passeurs. Les deux infractions ont donc « abouti à un résultat commun ».

Mise en danger puis absence de secours

Premièrement, les passeurs : le réseau semble s’organiser en deux branches, afghane et irakienne, et le montant de la traversée s’élever à 3200 euros par personne.

Une expertise réalisée sur l’embarcation a permis d’établir que le canot était « totalement inadapté à une traversée de la Manche ». « Surchargé », sans « gilets de sauvetage suffisants » ni « aucun moyen de signalisation et de localisation », et « sans même un capitaine aguerri »… « Les occupants n’avaient aucune chance de pouvoir affronter un quelconque événement en mer », souligne la cour d’appel.

Deuxièmement, la juridiction relève « l’absence de secours efficaces portés par les militaires du CROSS » alors que les passagers s’étaient « signalés en danger ».

C’est « l’ensemble de ces circonstances concrètes », « liées entre elles dans le temps et dans l’espace », qui a alimenté « une même situation de danger ». Un même juge d’instruction doit donc pouvoir enquêter pour rechercher « la totalité des comportements ayant pu conduire au naufrage », a tranché la cour d’appel.

La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, devra aussi se prononcer : au moins un militaire a formé un pourvoi.

Paris et Londres se renvoyaient la responsabilité

Ce naufrage, pire drame migratoire enregistré dans la Manche, avait engendré une montée de tension entre Paris et Londres, qui se renvoyaient la responsabilité.

D’après des éléments de l’enquête, rappelés par la cour d’appel, l’embarcation avait été localisée à 2h05 en eaux françaises, à 1,1 kilomètre des eaux anglaises. Depuis « plusieurs dizaines de minutes déjà », les personnes à bord demandaient de l’aide. Le CROSS a alors indiqué aux migrants « qu’un bateau de secours allait arriver », mais il « n’engagera pas de moyen de secours ».

À 2h28, le bateau était localisé en eaux anglaises. « De nombreux appels » de l’embarcation comme des secours britanniques ont été émis à « l’attention du sauvetage français, mais aucun moyen ne sera engagé ». Dernier appel enregistré à 4h34.

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