ARTS & CULTURE

Musique : une tradition ancestrale pour rendre hommage à la nature

juin 14, 2018 0:48, Last Updated: juin 14, 2018 13:51
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41000 billets vendus et 94% de séances complètes, Jazz sous les pommiers est sans doute l’un des festivals préférés des musiciens et des visiteurs. L’accueil chaleureux du public et la qualité des musiciens y contribuent.

À l’affiche, comme tous les ans, figurent des noms illustres ainsi que de nouvelles découvertes. Jazz et musiques du monde permettent un programme varié et intéressant.

Loïs Zongo et Odile Barlier@capture d’écran YouTube/L’Afrique dans les Oreilles

L’Akutuk est une technique de percussion aquatique à mains nues, pratiqué dans les rivières par les femmes camerounaises pour célébrer les esprits de la nature.

« Tempo d’eau » est une création dans la tradition de l’Akutuk, conçue spécialement pour la 37e édition de Jazz sous les pommiers.

Loïs Zongo a réuni Odile Barlier et sa cousine Marie-Thérèse Atem, venue spécialement du Cameroun où elle travaillait dans les champs.

Comme sa cousine, Loïs est née dans cette tradition. L’Akutuk se transmet dans sa famille de génération en génération « ma maman m’a appris la technique, ma grand-mère m’a aidé à approfondir la philosophie, et puis avec mes tantes et mes cousines j’ai creusé la technique et enrichi le répertoire, les rythmes etc ».

À 26 ans, Loïs Zongo quitte son pays. Elle confie qu’elle n’a pas prévu de faire de représentation ni même avait conscience qu’elle était musicienne, tout s’est passé de façon naturelle. « Un jour, un groupe de jeunes qui a organisé un festival pour financer une école au Mali avec un puits m’ont persuadé d’y participer. Et c’est comme ça que j’ai commencé à faire ces spectacles ».

Dans les rivières du Cameroun, dans la famille de Loïs Zongo, l’Akutuk passe de génération en génération @ capture d’écran YouTube/Loïs Géraldine Zongo

La version à Coutances est exclusivement musicale mais la percussionniste Loïs Zongo est souvent accompagnée du metteur en scène et conteur Binda Ngazolo. « Binda a appris à conter, comme on apprend à marcher ». Il raconte les histoires sur les esprits des eaux et les sirènes, des créatures « que tous les habitants des côtes de la planète connaissent, car ils ont tous une relation particulière avec l’eau », dit-il.

Selon la tradition camerounaise, les garçons et les filles ont souvent leur alter ego dans l’eau. Si c’est un garçon, l’alter ego dans l’eau sera une femme, une croyance qui existe aussi chez les Ivoiriens qui appellent cet alter ego – « femme de nuit ».

Un jeu entre l’eau, l’air et le corps

Dans la tradition, les femmes sont nues dans la rivière et les hommes n’y ont pas accès. « La porte d’entrée pour les hommes est le rythme. Chaque son d’Akutuk a un sens. Parfois les femmes utilisaient l’Akutuk pour lancer des messages à leurs amants.

Les rythmes joués dans l’eau trouvent leurs équivalents dans les autres percussions qui elles sont sur les berges de la rivière. Les hommes répondent souvent par une danse.

Mais la danse, fait également partie du mouvement des percussionnistes. C’est la danse des mains et du corps dans l’eau.

« On ne danse pas toute seules. L’eau bouge elle danse aussi, on est dans les bras de l’eau et l’eau nous fait danser ». Précise Odile Barlier, percussionniste afro-cubaine qui est tombé amoureuse de la technique et a été initiée à l’Akutuk par Loïs.

Pour apprendre la technique et être prête à sa première représentation Odile, a mis un an et demi : « Il y a un retard entre le geste et le son, explique Odile, déjà pour capter et sentir la réactivité de l’eau, en fait il faut un deuxième geste pour avoir un seul son. »

L’Akutuk est un jeu entre l’eau, l’air, le souffle et le corps. « Pour produire un son on est obligé de bouger le corps », explique Loïs.

L’Akutuk implique une connexion profonde avec la nature. « On est immergé dans l’instrument. Pour jouer il faut être debout dans l’eau en posture d’art martial. Quand on frappe dans l’eau toutes les vibrations sont dans nos jambes et dans notre ventre puis remontent à la tête.

C’est une musique qui produit des infra basses, ce sont des fréquences qu’on ne peut pas entendre mais que l’on ressent dans le corps et c’est très puissant », racontent les percussionnistes.

Au bord des rivières camerounaises, les femmes jouent de l’Akutuk pour séduire ou remercier les esprits de l’eau, car l’eau est aussi vivante que les humains.

Michal Bleibtreu Neeman

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