Ce pourrait être la trame d’un polar façon Fred Vargas ou Jean-Christophe Grangé mais l’étrange série de morts violentes de chevaux, mutilés dans plusieurs départements ces derniers mois, est bien réelle et les propriétaires se rongent les sangs.
Le 14 mai au matin, Mélissa Véron a retrouvé sa jument de trois ans, sans vie, dans la pâture d’une écurie de Berny-en-Santerre (Somme).
« Elle avait une oreille en moins, très creusée à l’intérieur de la tête, ils ont pris une moitié de l’œil (…) C’est ignoble, je ne comprends pas, pas du tout. Quand je l’ai vue, j’ai hurlé, j’en voulais à tout le monde », raconte-t-elle à l’AFP.
La vétérinaire qui a examiné l’animal a décrit une plaie d’environ 30 centimètres, « très creusée à l’intérieur », occasionnée par « quelque chose de très tranchant ». Mais la cause du décès, faute d’autopsie, n’est pas établie.
« C’est impossible de coucher une jument vivante, de lui arracher une oreille vivante, impossible (…) Soit elle a été empoisonnée, soit elle a eu un coup sur la tête », considère la propriétaire, convaincue qu’il y avait plusieurs agresseurs cette nuit-là, familiers des chevaux.
« Ils n’ont laissé aucune trace mis à part le ruban électrique (de la clôture, ndlr) coupé. Cela reste un mystère. »
Fin juin, une note du Service central du renseignement territorial, évoquée par Le Parisien, recensait au moins onze faits similaires en France entre décembre 2018 et l’été 2020.
Et le phénomène s’accélère : dans la nuit du 1er au 2 août, un poney alezan était retrouvé mort et mutilé en Essonne. Le 8 août, c’était une pouliche de 18 mois à Cluny (Saône-et-Loire) : « une oreille coupée et un œil arraché, le cœur poignardé et le vagin enlevé » selon ses propriétaires pour qui l’animal a été attrapé au lasso.
Ces derniers jours, une jument a subi pareils sévices dans le Jura et un pur-sang a été égorgé dans les Côtes-d’Armor, tandis que des organes étaient prélevés sur un cheval déjà mort dans la Loire.
Précédemment, le Puy-de-Dôme, la Moselle, la Vendée, l’Aisne ou la Seine-Maritime ont été touchés. Des enquêtes sont ouvertes, confiées aux gendarmes locaux appuyés par l’Office central de lutte contre les atteintes à l’Environnement et à la Santé publique.
« Est-ce un challenge lancé sur internet ? Un défi ? La pulsion d’un individu ? Toutes les pistes sont envisagées », indiquait fin juin Bruno Wallart, commandant de la compagnie de Riom en Auvergne. « On traite ça de manière très sérieuse », soulignait quant à lui le procureur d’Amiens.
Face à ces actes, l’inquiétude grandit chez les professionnels.
Le 11 août, le Conseil du Cheval de Bourgogne-Franche-Comté a appelé à la vigilance. La Fédération française d’équitation a annoncé qu’elle se constituait partie civile, après l’Ordre national des vétérinaires.
Au vu de la dispersion des attaques, difficile d’imaginer un tueur en série. Un réseau ? Mais pourquoi mutiler des chevaux ?
« C’est le 3e animal préféré des Français après le chat et le chien, il a une relation historique avec l’homme », souligne Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale à Grenoble qui vient de piloter une étude sur les auteurs d’actes de cruauté envers les animaux. « Pour qui voudrait choquer la population, c’est un choix particulièrement judicieux. »
« J’ai cherché du côté des rituels sataniques, des prophétie des Cavaliers de l’Apocalypse. Est-ce qu’il y a une secte qu’on ne connaît pas ? », avance Lydie Cerisier, qui a perdu sa ponette shetland dans la même écurie de la Somme, le 17 mai.
Là encore, une oreille coupée – symbole tauromachique. « Ce qui me travaille, c’est le côté professionnel. C’est un travail propre, net (…) Je pense que derrière tout ça il y a plutôt des gens qui répondent à un marché noir. »
Cette aide-soignante s’interroge aussi sur la médiatisation de l’affaire, qui peut « donner des idées » à certains. Laurent Bègue croit volontiers à cette piste du mimétisme, qu’envisagent aussi des magistrats.
Des équidés ont déjà été ciblés dans le passé : en Angleterre, une trentaine d’attaques en 1992-93 sont restées inexpliquées. L’énigme sera-t-elle résolue cette fois ? Mardi soir en Bretagne, un propriétaire a mis en fuite deux personnes qui l’ont menacé de revenir, selon son témoignage à Europe 1.
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