Natalité: quelle est cette tendance qui voit de jeunes adultes se faire stériliser, ne voulant pas d’enfants ?

Par Sarita Modmesaïb
13 mai 2024 19:15 Mis à jour: 13 mai 2024 19:16

Alors que la France connaît une baisse historique de sa démographie, de jeunes hommes et femmes expriment leur désir de ne pas avoir d’enfants et le manifestent en se faisant stériliser.

Le 16 janvier dernier, Emmanuel Macron annonçait, lors d’une conférence de presse à l’Élysée, le lancement d’un « réarmement démographique », comprenant, entre autres, un « grand plan contre l’infertilité » et une refonte du « congé parental » en un « congé de naissance ».

En effet, cette baisse de la natalité est confirmée par des chiffres de l’Insee révélant qu’entre janvier et juillet 2023, on comptait 30.000 naissances de moins qu’en 2022. Cette tendance s’applique à toutes les régions, exceptée la Guyane.

Si le président s’attaque aux problèmes concrets de fertilité ou d’investissements financiers qui accompagnent la venue d’un nouveau-né, il ne peut, en revanche, pas se substituer aux souhaits, peurs et conceptions qui occupent l’esprit des Français.

Les vasectomies en hausse

Ils sont de plus en plus nombreux à assumer leur choix définitif de ne plus avoir d’enfants en se faisant stériliser. Une loi de juillet 2001 autorise en France la stérilisation, avec le recours pour les hommes à la vasectomie et pour les femmes à la ligature des trompes.

En février dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié une étude révélant que le nombre de vasectomies en France a été multiplié par 15 entre 2010 et 2021, passant de 1940 vasectomies en 2010 à 30.288 en 2022. Les demandes concernant cette intervention chirurgicale dépassent même le nombre de stérilisations féminines, lesquelles ont été divisées par deux entre 2013 et 2022.

L’ANSM souligne ainsi que, pour la première fois en France, en 2021 et 2022, il y a eu davantage de stérilisations masculines que de stérilisations féminines. L’agence nationale précise aussi que les hommes ayant recours à la vasectomie étaient en moyenne de plus en plus jeunes entre 2010 et 2022 (de 44 à 41 ans en âge moyen), et semblaient correspondre à des profils de niveaux socioéconomiques les plus favorisés.

Parallèlement, concernant les femmes, le magazine Elle publiait en 2022 les résultats d’un sondage en partenariat avec l’Ifop, révélant que 30% des femmes françaises en âge de procréer ne désirent pas avoir d’enfant.

Face à de tels chiffres, il apparaît évident que ce choix, qui demeure à la base de l’ordre de l’intime, devient un phénomène sociétal.

De la reproduction du schéma familial à l’éco-anxiété, les peurs au cœur du childfree

Chloé, professeure de français de 34 ans, témoigne anonymement sur France3, avançant plusieurs arguments qui l’ont amenée à ne pas vouloir d’enfant. Chloé estime n’avoir « pas eu une enfance heureuse », ayant été élevée par une mère « qui avait envie de vivre sa vie de femme parfois plus que sa vie de maman ». La jeune femme craint ainsi de reproduire le schéma familial tout en revendiquant une forme d’individualisme.

Si Chloé n’a pour autant, pas manifesté le désir de concrétiser ce choix par une stérilisation, ce n’est pas le cas de Romain, 32 ans, qui a déjà subi l’intervention chirurgicale. Comme nombre de personnes childfree de par le monde, Romain défend également la thèse de la crise environnementale. « Un gamin qui naît dans les années 2020, il est adulte en 2050, donc le moment où le GIEC nous dit que ça va partir en cou*lle. J’aime beaucoup trop ce potentiel enfant pour le faire », argue ainsi l’enseignant sur France Culture.

« On ne sait jamais ce que l’avenir va leur dire »

Dans des sociétés où les pathologies d’infertilité sont croissantes, le milieu médical s’interroge sur cette tendance qui viendrait peser encore davantage sur la baisse des naissances. Si les gynécologues ne voient pas ou peu d’objections à stériliser des personnes qui ont déjà eu des enfants, la démarche devient plus compliquée pour ces jeunes adultes nullipares.

Sur France Culture, le docteur Richard Sarfati, gynécologue obstétricien au CHU de Poitiers, explique pourquoi il accepte de stériliser certaines femmes nullipares sous certaines conditions. « Si j’ai une patiente qui à 40 ans est nullipare, ça ne me gêne absolument pas de faire une stérilisation. Elle a montré dans tout son parcours qu’elle ne veut pas d’enfant. Donc c’est relativement facile pour moi. Chez les femmes beaucoup plus jeunes, c’est déjà un peu plus difficile. J’en ai reçu quelques-unes qui avaient 18, 20 ans, qui voulaient une stérilisation. J’ai refusé, même si la loi l’autorise. On ne sait jamais ce que l’avenir va leur dire. »

Selon la loi, une personne manifestant ce désir de se faire stériliser doit laisser passer un délai de réflexion de quatre mois avant de confirmer ou infirmer ce souhait. La même loi stipule en outre que, si un médecin refuse de pratiquer cette intervention, il doit cependant orienter le patient vers un collègue qui acceptera de la faire.

« Il y a des risques à faire le geste »

Le docteur Sylvia Lurel est gynécologue-obstétricienne en Guadeloupe. Cette ancienne cheffe du service de gynécologie du CHU de Guadeloupe et membre du collège des gynécologues de Guadeloupe s’étonne que des praticiens puissent effectuer ce type d’intervention sur des adultes nullipares.

Expliquant avoir déjà réalisé chez des femmes de moins de 35 ans ce type de stérilisation tubaire lorsque celles-ci, déjà mères, ne souhaitent pas procréer davantage, la praticienne précise n’avoir jamais eu ce type de demande pour des patientes nullipares jeunes. « Au collège des gynécos en Guadeloupe, je peux vous dire qu’on n’accéderait pas à cette demande. Sauf si évidemment, je pèse mes mots, cette patiente a une maladie chronique qui fait que la grossesse engage son pronostic vital. On ne va pas faire de stérilisation tubaire pour convenance personnelle chez une patiente qui n’a jamais eu d’enfant », affirme-t-elle.

En outre, la gynécologue rappelle que cette intervention demeure un acte chirurgical à risques. « Il y a des risques à faire le geste : on l’endort, donc il y a les risques anesthésiques. On fait une cœlioscopie, il y a des risques. Il existe un panel de contraception beaucoup moins dangereux pour la santé. »

Pour le Dr Lurel, « la liberté du patient n’est pas la liberté du médecin », ce type d’intervention chirurgicale faisant appel à la déontologie. Aussi suggère-t-elle que la pratique de la stérilisation chez les jeunes adultes nullipares soit précédée, outre les quatre mois de réflexion, d’une évaluation psychologique.

Pose de stérilet ou même cryoconservation des ovocytes, les femmes disposent d’autres moyens permettant une contraception à un moment donné de leur vie et l’accès à une fertilité au moment voulu.

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