Plombier, écrivain public, nettoyeur d’oreilles, les petits métiers qui animent le centre historique de Rangoun résistent aux changements qui bouleversent la capitale économique de la Birmanie, où cohabitent rickshaws et voitures modernes, maisons coloniales décrépites et chantiers d’hôtels de luxe.
Construite par les Britanniques, la rue Pansodan, autrefois appelée Phayre Street, abrite de multiples bâtiments coloniaux et galeries d’arts. Elle est représentative du paradoxe d’une ville à la croissance anarchique, ayant vu doubler sa population depuis 1983 jusqu’à atteindre aujourd’hui plus de 7 millions d’habitants, mais sans que les infrastructures, y compris de services, aient suivi le mouvement.
« C’est la rue des livres, des écrivains, des poètes », s’enthousiasme le galeriste Aung Soe Min. On y trouve en effet des bouquinistes étalant leurs livres à même le pavé mais aussi l’un des rares écrivains publics qui subsiste à Rangoun, la profession ayant peu à peu disparu avec le développement des cybercafés et l’arrivée des ordinateurs dans nombre de bureaux et de foyers.
Aung Min a appris à l’armée à se servir d’une machine à écrire. Depuis qu’il a pris sa retraite en 1980, il travaille sur la rue Pansodan, près de la Haute cour de justice, et s’est spécialisé dans l’établissement de documents juridiques. Les machines à écrire restaient utilisées jusqu’à il y a quelques années dans les tribunaux et les ministères de la capitale administrative, Naypyidaw, à cinq heures de route de là.
Le pays est en effet resté coupé du monde pendant des décennies par une junte militaire paranoïaque, qui a aujourd’hui cédé le pouvoir civil au gouvernement de la Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi.
Outre les stands de bouquinistes et son écrivain public, la « rue des livres » est plus prosaïquement aussi le « bureau » d’une petite armée de plombiers, qui attendent sur un trottoir défoncé. Les demandes sont très fréquentes, surtout pendant la saison de la mousson où les pluies obstruent les réseaux d’évacuation de l’ancienne capitale coloniale anglaise, vieux de plusieurs décennies.
« Tant qu’il y a des toilettes, il y aura du travail pour nous », sourit Min Aung, un plombier de 58 ans, assis à côté d’une lunette de toilette qui lui sert à faire la publicité de ses services. Des nettoyeurs d’oreilles proposent leurs soins. Des femmes offrent des manucures et pédicures express à même le trottoir, le client assis sur un tabouret rudimentaire, contre une poignée de dollars.
« Je n’avais pas d’argent pour investir dans d’autres entreprises, alors je fais cela pour gagner ma vie », raconte Khin Ohn Myint qui soigne les ongles incarnés ou retire les bouchons de cire des oreilles de ses clients. La dizaine de dollars gagnés chaque jour lui a permis d’envoyer ses enfants à l’université. Mais de nombreux métiers de rue ont été victimes des réformes engagées depuis 2011 et l’auto-dissolution de la junte.
L’amélioration progressive du réseau électrique a ainsi conduit à une augmentation du nombre de réfrigérateurs dans les foyers, entraînant la disparition des vendeurs de glace. Mais les marchands d’eau en bonbonne subsistent, car le système d’approvisionnement en eau du robinet date lui aussi de l’époque coloniale.
D.C avec AFP
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