“Ni angéliques ni diaboliques : les antibiotiques“ : le Pr Didier Raoult tord le cou aux fausses croyances
Le dernier ouvrage du professeur de médecine Didier Raoult « Ni angéliques, ni diaboliques : les antibiotiques » paru le 11 janvier 2024 aux éditions Michel Lafon représente une entreprise scientifique et intellectuelle visant à remettre en question les idées reçues entourant l’usage approprié des antibiotiques.
Lorsque l’on aborde le sujet des antibiotiques, on pense immédiatement aux médicaments qui ont profondément changé le cours de l’histoire de l’humanité depuis la découverte fortuite du premier antibiotique par Alexander Fleming en 1928, la pénicilline. Toutefois, comme le rappelle le professeur Raoult, l’apparition des antibiotiques précède celle de l’homme de plusieurs centaines de millions d’années. Tout comme celle des premières « antibiorésistances ».
À l’heure où la presse se fait régulièrement le relais de l’affirmation selon laquelle les antibiotiques auraient nécessairement une durée d’efficacité limitée, puisque les micro-organismes qu’ils sont destinés à combattre finissent toujours par trouver des moyens de résistance, le professeur Raoult, à travers son nouveau livre, veut tordre le cou à une vision binaire et simpliste entourant leur prescription.
En effet, les simplifications excessives des messages de santé publique, amplifiées par les médias, génèrent des interprétations erronées, pouvant malheureusement toucher jusqu’à ceux qui exercent la médecine. L’exemple le plus marquant d’une idée médicalement fausse et aujourd’hui largement répandue, concerne l’inefficacité des antibiotiques contre les infections virales. Diffuser de telles idées revient à négliger la spécificité de certaines infections, notamment celles des voies respiratoires, où une coexistence fréquente de bactéries et de virus peut parfois entraîner des surinfections bactériennes, pouvant conduire, dans certains cas, au décès du patient.
Dans le cas du développement des antibiorésistances, si elles existent, l’idée selon laquelle les antibiotiques actuels perdraient continuellement en efficacité, entraînant ainsi la nécessité constante de développer de nouvelles molécules pour combattre les mêmes infections, est, selon lui, une analyse dépourvue de base scientifique. Pour contrecarrer cette vision réductrice, il explique pourquoi se focaliser uniquement sur l’impact des antibiotiques sur les êtres humains, sans tenir compte de l’ensemble des êtres vivants, est réducteur, et il encourage à intégrer la perspective des écosystèmes.
Pour éclairer son propos, le professeur Raoult étaye les disparités de résistance aux antibiotiques d’un lieu à un autre, par exemple entre les milieux hospitaliers et la population générale. En effet, les milieux hospitaliers, en raison de l’utilisation intensive d’antibiotiques et de la concentration de patients malades, peuvent favoriser le développement de souches bactériennes résistantes. Cela peut conduire à une situation où la résistance observée au sein de l’hôpital diffère de celle constatée dans la population générale. De plus, lorsqu’une résistance apparaît, elle n’est pas forcément définitive. Et, lorsqu’un antibiotique a été utilisé soit de façon excessive, soit de manière inappropriée, entraînant le développement de résistances, le professeur Raoult explique que dans certains cas, un moratoire de quelques années suffit à restaurer la sensibilité à ces antibiotiques, permettant une réutilisation.
Enfin, il déplore que les molécules antibiotiques fréquemment employées dans un domaine médical, tel que celles qui sont utilisées dans le traitement des maladies infectieuses, soient si rarement évaluées dans d’autres contextes, alors qu’elles pourraient potentiellement y être bénéfiques. Pour étayer son propos, il prend pour exemple l’antibiotique doxycycline, qui peut dans certains cas induire l’apoptose (mort programmée des cellules) et jouer un rôle contre certains cancers, notamment ceux des ganglions.
Cependant, selon Didier Raoult, la controverse autour de l’utilisation des antibiotiques ne peut être entièrement saisie si l’on se restreint à une explication uniquement scientifique, puisque certaines décisions, en apparence déroutantes d’un point de vue médical, sont en réalité influencées par des enjeux économiques et financiers. En effet, les molécules anciennes qui ne sont plus sous brevet génèrent peu de bénéfices pour les laboratoires pharmaceutiques, tandis que des sommes colossales sont en jeu dans le développement de nouveaux médicaments. La compréhension de ces dynamiques permet d’éclairer certaines décisions politiques durant la crise sanitaire, telles que la non-recommandation des traitements précoces, notamment l’hydroxychloroquine, l’ivermectine et les antibiotiques, dans la lutte contre l’infection du Sars-CoV-2 et les maladies liées à la Covid-19.
En conclusion, à travers une analyse approfondie et critique, le professeur Didier Raoult s’emploie, à travers son livre, à dissiper les croyances médicales malheureusement bien ancrées, cherchant ainsi à offrir une perspective éclairée sur la façon dont ces antibiotiques devraient être utilisés ou testés. Fort de 40 ans d’expérience dans la recherche, le diagnostic, la surveillance et le soin des maladies infectieuses, l’auteur s’efforce de partager une connaissance souvent négligée, mettant en lumière les complexités inhérentes à la prescription et à l’utilisation des antibiotiques dans le contexte médical contemporain.
Ce livre scientifique, par sa rigueur, sa clarté et son approche novatrice, s’affirme comme une référence incontournable pour toute personne souhaitant approfondir sa compréhension de l’utilisation judicieuse de l’antibiothérapie.
Microbiologiste mondialement reconnu et créateur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection de Marseille, Didier Raoult a écrit plus d’une trentaine d’ouvrages de recherche ou de vulgarisation scientifique, pour permettre à chacun de comprendre les enjeux de la médecine d’aujourd’hui.