Éducation : « Il faut supprimer les matières tournant autour des sujets sociétaux, qui ressemblent souvent à du bourrage de crâne »

Par Julian Herrero
19 novembre 2024 14:14 Mis à jour: 19 novembre 2024 14:23

ENTRETIEN – Michel Valadier est directeur général de la Fondation pour l’école. Il répond aux questions d’Epoch Times sur l’acte II du « Choc des savoirs » présenté par la ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet.

Epoch Times – La ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a annoncé diverses mesures dans le cadre de l’acte II du « Choc des savoirs », notamment le maintien des « groupes de besoins » pour les 6e et les 5e en difficulté et l’obligation d’obtenir le brevet pour entrer au lycée dès la session 2027. Ces deux mesures vous semblent-elles répondre aux problématiques actuelles de l’école ?

Michel Valadier – Pas exactement. Ces mesures portent sur un aspect précis des défaillances actuelles du système scolaire français mais ne s’attaquent pas à la racine du problème.

Les groupes de niveaux, renommés par la ministre « groupe de besoins » pour ne pas froisser les syndicats, en sont le meilleur exemple. Ils sont mis en place parce que les élèves n’ont pas acquis les fondamentaux à l’école primaire. C’est du colmatage de brèche !

Il faudrait plutôt s’attaquer à la cause du problème et remettre en place l’enseignement des fondamentaux (Français, calcul…) dès le primaire, et supprimer des matières chronophages tournant autour de sujets sociétaux qui ressemblent par ailleurs souvent à du bourrage de crâne.

Concernant l’obligation d’obtention du brevet pour entrer en classe de seconde, c’est en réalité, une manière détournée de traiter les conséquences néfastes du collège unique. Au lieu de remettre en cause le principe du collège unique, l’on oblige tous les élèves entrant en sixième à suivre le même programme pour qu’ils puissent tous atteindre le bac général.

Plusieurs pays européens ne sont jamais allés dans cette direction ou, au contraire, sont revenus en arrière après avoir tenté cette approche, constatant que cela ne préparait pas tous les élèves à réussir dans la vie.

Mais en France, on fait encore semblant de considérer que le bac est le sésame indispensable alors que ce n’est évidemment pas le cas. Par conséquent, cette autre mesure annoncée par Anne Genetet fera constater aux élèves par eux-mêmes qu’ils n’ont pas le niveau pour poursuivre une filière générale et les incitera à regarder ailleurs, en direction des bacs professionnels ou des filières courtes.

Encore une fois, le ministre ne prend pas le problème à la racine car ces élèves sortant de 3e ont accumulé des lacunes et sont, pour la plupart, en décrochage scolaire. Dès l’entrée en sixième, il faudrait prévoir des parcours alternatifs en faisant comprendre aux élèves et à leurs parents que certains ont des capacités scolaires pour faire des études supérieures et que d’autres ont une intelligence plus pratique qui correspond mieux à l’exercice de métiers plus manuels ou plus intuitifs, dans des secteurs souvent épargnés par le chômage, soit dit en passant.

D’ailleurs, en Suisse, seuls 22 % des élèves passe l’équivalent du baccalauréat général. Cela ne veut pas dire que les autres sont malheureux, au contraire.

De surcroit, la mesure préconisée par madame Genetet est en partie symbolique : 14 % des élèves de 3e n’ont pas obtenu le brevet en 2024. Et, il y a fort à parier que les correcteurs seront moins sévères à l’avenir… N’est-il pas temps de se poser enfin les vraies questions ?

Afin d’élever le niveau, la ministre entend aussi créer une épreuve anticipée de mathématiques en classe de première. Elle sera instaurée en juin 2026. Que sait-on aujourd’hui du niveau des élèves français en maths ?

Tous les classements internationaux, tels que PISA par exemple, montrent que le niveau en mathématiques des élèves français n’est pas bon et est en baisse. Malheureusement, cette épreuve anticipée aura une portée limitée. En effet, ce cours a été mis en place pour corriger un défaut de la réforme du bac de Monsieur Blanquer de 2019 en réinstaurant une heure et demie de mathématiques obligatoire pour tous en première.

Dans la réforme initiale, les élèves qui le souhaitaient pouvaient arrêter définitivement les maths en fin de seconde. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le ministre a donc décidé d’ajouter une épreuve de mathématiques anticipées pour tous les élèves. Incontestablement, cela a un intérêt, mais la portée en restera limitée en raison du faible volume horaire du cours obligatoire.

Que prône la Fondation pour l’école pour rehausser le niveau des élèves ?

Nous soutenons les écoles alternatives, libres, hors contrat, qui réussissent à faire mieux alors qu’elles disposent de moyens moins importants que les écoles publiques.

D’ailleurs, l’association Contribuables Associés a montré qu’un élève qui fait sa scolarité dans le public coûte en moyenne 12.000 € à l’État et aux collectivités locales, alors que celui qui l’effectue dans une école hors contrat coûte environ 4.500 €, sans aucune aide de l’État.

Ces écoles libres démontrent qu’en dépoussiérant les programmes de tous les aspects idéologiques présents dans les écoles publiques ou privées sous contrat, et en consacrant davantage d’heures à l’enseignement du français, du latin dès le collège ou encore des mathématiques, les élèves obtiennent de meilleurs résultats au brevet et au baccalauréat.

Non seulement les lycées hors contrat obtiennent de meilleurs résultats au bac, mais les études que nous faisons depuis deux ans indiquent que 16 % des élèves étant passés par les écoles libres hors contrat intègrent une classe préparatoire aux grandes écoles, la moyenne nationale étant de 3 %.

Beaucoup de gens pensent que les lycées hors contrat sont des « boîtes à bac ». Il y en a quelques-unes, mais ces « boîtes à bac » sont en train de fermer parce qu’aujourd’hui, il n’est plus nécessaire pour les parents de payer des écoles très chères pour que leur enfant ait le bac. Il suffit de les laisser dans l’école publique, ayant obtenu un taux de réussite de 91,4 % en 2024. L’instauration du contrôle continu avec la réforme Blanquer et son augmentation ensuite a renforcé cette tendance en limitant le nombre d’épreuves pour les élèves du public et du sous-contrat.

Finalement ce constat nous conduit désormais à penser que le seul baccalauréat de référence est le bac hors contrat. En effet, les élèves concernés passent 100 % des épreuves puisqu’elles ne bénéficient pas du contrôle continu.

Ces écoles sont de plus en plus considérées comme des établissements sérieux et exigeants qui préparent les élèves, non seulement au baccalauréat, mais aussi à l’après-bac.

Elles ont su tisser des liens avec les meilleures grandes écoles. D’ailleurs, les directeurs de ces classes préparatoires recherchent des élèves venant des établissements hors contrat parce que ces derniers ont obtenu un vrai bac en passant toutes les épreuves dans toutes les matières sans bénéficier de la moindre note de contrôle continu.

Ces élèves sont plus habitués à travailler que leurs homologues du public, à se dépasser et ainsi, plus à même de réussir les concours.

Les agressions à l’encontre des professeurs se multiplient. Le 5 novembre à Montreuil, une enseignante a été giflée par une élève après que celle-ci lui a dit que « sa tenue était inappropriée ». Que faut-il faire pour rétablir l’autorité du professeur à l’école ?

Il faut soutenir les chefs d’établissement et les aider à se mettre dans l’état d’esprit, non pas de gestionnaire de personnes et de bâtiments, mais de chef d’entreprise qui défend ses salariés.

Pour cela, les recteurs doivent également soutenir les directeurs.

En 1989, à l’époque de l’affaire du foulard de Creil, le chef de l’établissement avait décidé d’exclure les trois jeunes filles qui avaient refusé d’enlever leur voile.

Le recteur de l’époque s’était tourné vers le ministre de l’Éducation, Lionel Jospin, qui s’était lui-même tourné vers le Conseil d’État pour avoir son avis. Mais si le ministre avait soutenu dès le départ le recteur et le chef d’établissement, la problématique du voile ne serait pas revenue de sitôt, et l’ensemble des directeurs auraient compris le signal.

Malheureusement, Lionel Jospin a envoyé le signal du « pas de vagues » aux chefs d’établissements.

Ainsi, aujourd’hui, même s’il y a encore des courageux, beaucoup ne veulent pas prendre leur responsabilité. À cela s’ajoute l’ambiguïté totale des syndicats qui désavouent leurs propres collègues au nom d’une espèce de consensus mou.

Je pense qu’il faut renforcer les prérogatives des chefs d’établissement, les soutenir, le faire savoir et le démontrer quand un incident arrive.

Dans un article publié le 7 novembre dans Valeurs Actuelles, vous disiez au sujet du budget de l’Éducation nationale qu’il « faut dépenser moins et dépenser mieux ». L’argent est-il mal administré aujourd’hui ?

Exactement. Quand je vois les écarts entre les dépenses de l’État pour les élèves des écoles publiques (12.000 €) et des écoles privées sous contrat (6.000 €) et celles des élèves des écoles libres hors contrat (0 €), je me dis que la gestion centralisée ne permet pas de mener une bonne politique.

Par exemple, concernant, le recrutement, si nous voulons sortir de ce système administré, il faut permettre au chef d’établissement de recruter lui-même ses professeurs ; les fruits positifs – qualité, stabilité, cohésion des équipes, etc. – se verraient très rapidement.

Par ailleurs, il faudrait supprimer plusieurs milliers de postes en centrale, qui passent leur temps à gérer la carrière de centaines de milliers de salariés. Il est quand même effarant que parmi les 850.000 professeurs de l’Éducation nationale, plus de 30.000 ne soient pas en classe, mais chez eux, à disposition pour effectuer des remplacements, alors qu’en parallèle, nous peinons à trouver 4.000 professeurs à chaque rentrée scolaire et que 3.000 classes ont été fermées en septembre dernier.

D’autre part, 350.000 personnes dans l’Éducation nationale ne sont pas des enseignants. À l’évidence, un audit de fonctionnement est nécessaire. Il permettrait de dégager des économies considérables.

L’Éducation nationale et les écoles sont des entités de services. Les plus gros postes de dépenses ne sont pas les machines ou les bâtiments, mais les salaires. Il faut rationaliser et avoir moins de fonctionnaires, non pas dans les écoles qui sont souvent limitées en termes de moyens, mais dans les innombrables bureaux des rectorats et surtout du ministère.

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