L’administration Biden renonce à sanctionner la société qui supervise la construction du projet russe de gazoduc Nord Stream 2, ainsi que son PDG, a annoncé mercredi le secrétaire d’État américain Antony Blinken, précisant que cette décision a été prise dans l’intérêt national des États-Unis.
Le chef de la diplomatie américaine a indiqué que Nord Stream 2 AG, une unité suisse de la société Gazprom étroitement lié au pouvoir politique russe, et son PDG Matthias Warnig, un allié du président russe Vladimir Poutine, bénéficieront d’une exemption de sanctions malgré le fait que le Congrès des États-Unis ait reçu un rapport du département d’État qui concluait qu’ils se livraient à des activités passibles de sanctions.
Le département d’État n’a sanctionné que quatre navires russes, dont l’Akademik Tcherski, et quelques autres entités mineures, parmi lesquelles le service russe de sauvetage en mer, qui participent aux travaux du gazoduc sous-marin.
« Les mesures prises aujourd’hui démontrent l’engagement de l’administration envers la sécurité énergétique en Europe, conformément à la promesse du président de restaurer les relations avec nos alliés et partenaires en Europe », a annoncé Antony Blinken dans un communiqué de presse publié alors qu’il rencontrait son homologue russe, Sergueï Lavrov, lors de la réunion interministérielle des États membres du Conseil de l’Arctique tenue en Islande.
L’administration de l’ancien président Trump avait précédemment imposé des sanctions à toute entreprise aidant la société russe Gazprom à construire le gazoduc de 11 milliards de dollars servant à acheminer le gaz russe sous la mer Baltique vers l’Europe via l’Allemagne.
Trump s’est opposé au projet au motif qu’il renforcerait l’influence économique et politique exercée par Poutine sur l’Europe. La Pologne a été l’un des plus farouches détracteurs de ce gazoduc qui réduirait fortement le pouvoir de négociation des pays d’Europe centrale et orientale en cas de conflit d’approvisionnement en gaz avec la Russie. Par le passé, lors de différends sur les prix, la Russie avait coupé les livraisons de gaz à l’Ukraine et à certaines parties de l’Europe pendant la saison hivernale.
De nombreux responsables de l’Union européenne à Bruxelles ont également exprimé leur opposition au projet Nord Stream 2 dans l’espoir de réduire la dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie.
Le président Joe Biden a également exprimé son opposition à ce projet, qui contournerait l’Ukraine et la priverait de taxes de transit importantes pour ce pays, notamment lorsqu’il était vice-président de Barack Obama. La Maison-Blanche a laissé entendre en janvier dernier que le président estimait que le gazoduc était une « mauvaise affaire pour l’Europe ».
Le gazoduc, qui est achevé à environ 95 %, doublerait la capacité du gazoduc Nord Stream existant pour livrer du gaz de la Russie à l’Europe via l’Allemagne, sous la mer Baltique. Nord Stream 2 devrait être achevé cette année.
Les responsables américains espèrent que cette dérogation aux sanctions leur donnera le temps de discuter avec l’Allemagne des effets négatifs potentiels du gazoduc et permettra d’approfondir la coopération sur des questions plus larges et considérées comme prioritaires par l’administration Biden – telles que la pandémie, le changement climatique, la reprise économique et les relations avec la Chine communiste et la Russie.
L’annonce de Blinken a suscité une opposition farouche à la fois des membres démocrates et républicains du Congrès américain.
Le sénateur démocrate Bob Menendez, président de la Commission sénatoriale des relations étrangères (CSRE), a souligné dans un communiqué qu’il était « opposé à la décision de l’administration Biden de lever les sanctions envers Nord Stream 2 AG et Matthias Warnig ».
« Je demande instamment à l’administration d’arracher ce pansement de fortune, de lever ces dérogations et de poursuivre l’application des sanctions mandatées par le Congrès », a-t-il martelé.
Le sénateur Jim Risch, membre républicain le plus ancien de la CSRE, a insisté que ces dérogations seraient « un cadeau à Poutine » qui ne ferait que « réduire la marge de négociation des États-Unis lors du prochain sommet Biden-Poutine ».
« Alors que les Américains qui travaillent dur souffrent d’une crise énergétique nationale avec des prix de l’essence qui montent en flèche, des files d’attente aux pompes et des stations sans essence, le président Biden aide Poutine à booster le développement énergétique de la Russie plutôt que de retrouver l’indépendance énergétique de l’Amérique », a déclaré dans un communiqué Elise Stefanik, récemment élue présidente de la Conférence du parti républicain de la Chambre des représentants.
Mme Stefanik a précisé que cette décision donnait à la Russie une « influence dangereuse » et mettait en péril la sécurité énergétique et nationale des États-Unis, en particulier compte tenu de la décision de Joe Biden d’arrêter la construction de l’oléoduc américano-canadien Keystone XL.
L’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo a également tweeté que si Biden, en arrêtant la construction d’un gazoduc aux États-Unis, négligeait les emplois américains à cause de ses préoccupations liées au changement climatique, il ne devrait surtout pas faire le contraire pour la Russie.
American pipeline and jobs? No.
Russian pipeline and jobs? Yes.
President Biden, if you’re can’t put America First, can you at least not put Russia first?
— Mike Pompeo (@mikepompeo) May 19, 2021
En revanche, Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères, a salué la décision de Blinken, déclarant qu’il s’agissait d’une « étape constructive dont nous continuerons volontiers à discuter avec nos partenaires à Washington ».
De son côté, le parti des Verts qui a le vent en poupe en Allemagne, a déclaré qu’il s’efforcerait de mettre fin au projet Nord Stream 2 en vue des élections fédérales en septembre 2021.
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