Notre-Dame : la guerre des vitraux a commencé

Par Ludovic Genin
9 septembre 2024 07:12 Mis à jour: 11 septembre 2024 11:46

Alors qu’en juillet, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture s’était opposée au projet de création de vitraux contemporains de Notre-Dame de Paris, le ministère de la Culture a relancé le projet le 4 septembre, soutenu par Emmanuel Macron,

Le Président avait annoncé en décembre, en visitant le chantier de restauration de la cathédrale, être favorable à l’installation de vitraux contemporains dans six des sept chapelles du bas-côté sud de la nef, pour remplacer les vitraux du XIXe siècle.

De quoi faire se lever les conservateurs, historiens et amateurs d’art qui veulent préserver l’œuvre originale d’Eugène Viollet-le-Duc. En question, deux visions du patrimoine, celle moderniste défendue par Emmanuel Macron – dont on connaît déjà les travaux de « modernisation » de l’Élysée, et celle des gardiens du patrimoine et de l’architecture, attachés à la préservation des œuvres et de leur dessein.

Un avis défavorable émis en juillet

Le projet de pose de vitraux contemporains a pourtant reçu un avis défavorable de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), a indiqué le 12 juillet le ministère de la Culture.

L’avis de la CNPA s’appuie sur les principes de la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments, adoptée par la France en 1965 – dite charte de Venise, qui recommande de ne pas détruire un élément classé monument historique pour le remplacer par un élément contemporain et stipule qu’une restauration doit garantir « une intégration harmonieuse […] afin de ne pas altérer les documents d’art et d’histoire ».

Les membres de la Commission se sont basés sur les rapports rédigés par l’inspection générale des monuments historiques et celui de l’historien de l’art et spécialiste de l’architecture, Alexandre Gady.

D’anciens projets de rénovation de la nef déjà critiqués

En 2021, Notre-Dame avait été comparée à « Disneyland » par la presse anglaise qui avait pris connaissance des projets de rénovation de l’intérieur de la cathédrale. Les défenseurs du patrimoine évoquaient une volonté de ne pas respecter les traditions de la croyance chrétienne en voulant les remplacer par des symboles de l’art moderne.

Le diocèse de Paris avait modifié le parcours emprunté par les touristes en prévoyant de mettre sur les côtés des œuvres d’art contemporain, qui auraient été commandées pour l’occasion, et de projeter sur les murs des phases de l’Évangile, traduites en anglais, chinois ou arabe.

L’aménagement de Notre-Dame n’avait plus rien à voir avec l’original. La presse anglaise évoquait « des sentiers de découverte qui mettraient l’accent sur l’Afrique et l’Asie », une sorte de « christianisme pour les nuls », des « peintures murales à la mode avec effets sonores et lumineux dans le but de créer des espaces émotionnels », « un Disneyland du politiquement correct ».

Une centaine de personnalités s’étaient opposées à ce projet en dénonçant une tendance à vouloir éliminer des œuvres d’art classiques, pour introduire de l’art contemporain.

Un projet de vitraux contemporains poussé par Emmanuel Macron

En décembre 2023, Emmanuel Macron avait annoncé être favorable à l’installation de vitraux contemporains dans six chapelles sur sept du bas-côté sud, côté Seine. En mars 2024, en dépit des nombreuses voix qui s’étaient élevées contre ce projet, le président de la République persistait et chargeait alors la ministre de la Culture, Rachida Dati, de créer un comité artistique qui sélectionnerait l’artiste le plus à même de concevoir ces vitraux contemporains.

Quelque 110 duos d’artistes et maîtres verriers ont candidaté à la conception de ces vitraux contemporains et malgré un avis défavorable de la CNPA en juillet, la procédure continue toutefois son cours avec la sélection de huit d’entre eux. L’Élysée et le ministère – alors démissionnaire, de la Culture – ont visiblement décidé de passer outre l’avis de la commission.

La prochaine étape devrait arriver en novembre prochain avec le choix final de l’artiste puis, le 8 décembre prochain, la présentation du prototype lors de la réouverture de la cathédrale.

Une pétition recueille plus de 150.000 signatures

Une pétition lancée par Didier Rykner, directeur de la rédaction de La Tribune de l’Art,  s’oppose à ce projet, pointant l’état des vitraux, demeurés intacts dans l’incendie de Notre-Dame en 2019. La pétition a recueilli plus de 158.000 signataires sur le site Change.org (à la date du 9 septembre).

Dans une interview accordée à Epoch Times, Didier Rykner rappelait que « l’archevêque de Paris et le clergé voulaient depuis très longtemps faire des vitraux contemporains », mais que c’est le Président lui-même qui « a demandé à l’archevêque de lui envoyer une lettre”, sur laquelle il pouvait s’appuyer pour lancer la procédure.

 

Dans sa pétition, le directeur de la rédaction de La Tribune de l’Art déclare que « les vitraux de Notre-Dame conçus par Viollet-le-Duc l’ont été comme un ensemble cohérent. Il s’agit d’une véritable création que l’architecte a voulu fidèle à l’origine gothique de la cathédrale ».

Des désaccords entre Emmanuel Macron et l’archevêché pour la cérémonie d’ouverture

Deux désaccords sont également apparus entre l’Élysée et l’archevêché de Notre-Dame concernant la cérémonie d’ouverture, selon un article du Canard enchaîné datant du 24 mai dernier.

Le premier désaccord concerne la remise des clés de la cathédrale, dont l’État est propriétaire depuis la loi de 1905. Emmanuel Macron souhaite lui même remettre les clés de l’édifice au clergé de façon symbolique le jour de l’inauguration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, mais l’archevêque de Paris Laurent Ulrich estime que l’affectation au culte n’a jamais été rompue et qu’il n’est pas nécessaire de lui remettre des clés qu’il possède déjà.

Le second point de discorde concerne le discours de réouverture, qui sera prononcé par le président de la République ce jour-là. Emmanuel Macron souhaite prendre la parole à l’intérieur même de la cathédrale alors que Mgr Ulrich insiste pour que ce discours ait lieu sur le parvis de la cathédrale.

Ce désaccord n’a pas manqué de faire réagir sur les médias sociaux. « Je ne suis pas catholique, mais l’évêque a raison. À l’intérieur c’est la place du spirituel, pas du profane », s’est exprimé un internaute sur X. « La politique n’a rien à faire dans l’enceinte de la Cathédrale de Paris, qui est avant tout un haut lieu spirituel pour des millions de catholiques de par le monde, en dehors de la considération historique et touristique. Le cardinal archevêque ne doit pas céder », peut-on lire sur le réseau social.

Sur l’importance de préserver la culture ancienne

On peut lire dans un éditorial d’Epoch Times, Les 9 commentaires sur le Parti communiste, que la culture est l’âme d’une nation : « L’histoire d’une nation est en grande partie guidée par ses développements culturels et la destruction complète d’une culture traditionnelle ne peut qu’entraîner la fin d’une nation. »

D’où l’importance de la protection des œuvres du passé, pour la préservation des valeurs universelles qui ont construit notre civilisation et le témoignage artistique et culturel laissé par nos ancêtres.

Récemment, deux grands musées parisiens ont supprimé de leur salle d’exposition le terme de Tibet pour s’aligner à l’idéologie du Parti communiste chinois. Ce risque de disparition d’une culture traditionnelle par un régime autoritaire devrait servir de boussole pour la France, rappelant l’importance de préserver sa culture, afin de préserver sa liberté et ses valeurs.

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