Il y a encore peu d’années les chantres du « quoi qu’il en coûte » plaidaient que les dettes occasionnées par ces dépenses inépuisables ne seraient jamais remboursées. « La dette publique n’est pas vouée à être remboursée. Elle peut même augmenter » disait un certain Baptiste Bridonneau dans Les Echos du 18 février 2020. Sur France Info, le 1er juillet 2020, un membre des Économistes atterrés, Christophe Ramaux, soutenait : « Un État ne rembourse jamais sa dette, il fait courir sa dette. Tous les États modernes font ça ». Alors évidemment la France pouvait s’endetter sans souci ! Sauf que ça ne marche pas.
Un pays rembourse toujours sa dette, et toujours dans la souffrance quand elle est excessive. Il peut la rembourser en faisant faillite, c’est-à-dire en cessant de payer ses échéances. Il perd alors tout crédit et n’obtient plus de financement, ce qui l’oblige à une cure d’austérité drastique. Il peut rembourser en « monnaie de singe » s’il connaît une inflation importante qui ruine les épargnants et les retraités au passage. Dans les deux cas il appauvrit le pays et sa population. Il peut encore essayer de réduire lui-même son déficit par des mesures fortes d’économie. Mais la France en est-elle encore capable ?
Des dépenses sans compter
M. Le Maire s’essouffle à prôner des économies. Son programme de stabilité budgétaire (PSTAB) pour la période 2023-2027 prévoit un retour du déficit public sous le seuil de 3% de produit intérieur brut (PIB) à l’horizon 2027, mais les projets de dépenses se multiplient sans compter.
Le 26 avril, Élisabeth Borne a annoncé un programme attrape-tout pour supprimer totalement la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises(CVAE) début 2024, atteindre un million d’apprentis en fin de quinquennat, payer les élèves des lycées professionnels en stage, maintenir le bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année 2023, développer le photovoltaïque, accélérer le nucléaire, investir 100 milliards d’euros dans le ferroviaire d’ici à 2040, mettre en place un leasing social de véhicules électriques à un prix intéressant début 2024, prévenir les incendies de forêt, définir des champs prioritaires concernant l’éducation et la jeunesse, la recherche, la santé et la petite enfance, le handicap et l’accessibilité, le logement, la ville, la ruralité, les services publics et la Fonction publique, le sport et enfin les territoires ultramarins.
Elle veut encore lutter contre la précarité menstruelle, rehausser les rémunérations des professeurs, augmenter les places d’infirmière, améliorer la vie quotidienne de nos aînés, expérimenter une force aux frontières contre l’immigration illégale, renforcer les moyens des ministère de la Justice (10.000 personnes supplémentaires et mise en place d’une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences intrafamiliales) et de l’Intérieur : pas moins que 200 brigades de gendarmerie sur les territoires, pour une plus grande proximité auprès des citoyens, des forces d’actions républicaines (?) et 500 fonctionnaires supplémentaires à Mayotte. Elle propose enfin de déployer le Service national universel (SNU) dès l’an prochain, pour un coût de 2Md€ par an.
Au même moment, l’État veut engager des dépenses pharaoniques pour assurer une transition climatique peut-être inutile et sûrement ruineuse. Il continue par ailleurs de supporter des charges de retraite colossales, de l’ordre de 120Md€ par an en sus du déficit apparent. Et la détérioration du contexte international, où la guerre redevient le moyen de communiquer entre États, obligera très vite à renforcer significativement nos moyens militaires.
Mais il n’y guère d’annonces d’économies !
Des finances étranglées
Pourtant, l’argent déversé par les banques centrales et les gouvernements, et l’inflation qui s’en est suivie, ont créé de nouveaux risques bancaires et rehaussent significativement les taux d’intérêt qui vont peser sur le budget. La dette de l’État est en partie (12%) indexée sur l’inflation et elle se renouvelle chaque année pour environ 10% de son montant. Ainsi, l’État devra lever en 2023 environ 270Md€ de dette nouvelle (10Md€ de plus qu’en 2022).
Et les intérêts augmenteront d’autant plus vite que la Banque centrale européenne arrêtera à compter de juillet 2023 ses réinvestissements au titre de son principal programme d’achat obligataire et qu’elle augmente ses taux directeurs, celui des opérations principales de refinancement étant passé de négatif il y a dix-huit mois à 3,75% à effet de ce 10 mai. D’ici 2030, le service annuel de la dette devrait doubler, sans doute plus de 60 Md€ contre moins de 30 en 2020 en comptabilité nationale. Il pourrait tripler si les taux poursuivaient leur ascension.
Alors comment croire le gouvernement qui promet toujours de réduire demain le déficit public qui continue de prospérer : il est prévu à hauteur de 4,9% du PIB en 2023 alors qu’il était de 4,7% en 2022. L’agence Fitch, qui a dégradé la notation de la France à AA-, est même plus pessimiste et prévoit 5% en 2023. La dette publique française s’élevait fin 2022 à 2950Md€. Le gouvernement table, grâce notamment à l’inflation, sur un reflux de son endettement à 108,3% de son PIB fin 2027, mais l’agence Fitch n’en croit pas un mot et craint qu’il n’atteigne à cette date 114,3% du PIB.
Le seul moyen de réduire nos dettes est de réduire nos dépenses, notamment sociales. D’autres pays plus ou moins riches, de diverses tailles, ont des niveaux d’endettement 2 à 3 fois inférieurs au nôtre, des pays Baltes (24 à 51%) à la Suisse (36%), la République thèque (48%), le Danemark (50%), la Nouvelle- Zélande (53%), la Suède (59%)… Ils ont moins de dettes parce qu’ils sont plus raisonnables et ont sans doute des gouvernements moins démagogiques. À défaut de faire aujourd’hui un effort significatif de réduction de nos dépenses publiques, nous serons écrasés demain par notre montagne de dettes et contraints à une austérité douloureuse, à la grecque.
Article écrit par Jean-Philippe Delsol. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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